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Côte d’Ivoire: l’Algérie et nous – par Anaky Kobenan (MFA)

Souvent dans leur détresse matérielle installée et leur abhoration collective du pouvoir en place de nombreux Ivoiriens nous disent qu’ils prient pour que le Ciel fasse surgir un matin un grand leader charismatique et rassembleur, doté d’un courage physique exceptionnel.

Ce David lancera alors un appel à tous pour descendre dans la rue et l’occuper jusqu’à la chute du tyran. Son aura et son sens inné de la stratégie conduiront les foules.

Nous comprenons parfaitement ces chers compatriotes dont l’imaginaire avide d’épopée libératrice ne leur accorde que peu de temps et de disposition pour concéder que les choses ne s’engagent que rarement aussi simplement, et leur issue n’est jamais automatique.

Car, en Côte d’Ivoire, en Afrique Noire, dans le monde Arabe et partout ailleurs, les contextes sont toujours très différents, les intérêts en jeu, internes ou étrangers, les forces en présence sur le terrain, le potentiel de mobilisation en foule, etc… ne sont jamais les mêmes d’une situation à l’autre, et d’un cadre à l’autre.

Et il y a surtout la volonté et la détermination des populations, la ‘’petite chose’’ qui les pousse à sortir de chez eux avant même que les hauts parleurs ou les porte-voix ne les accueillent dans la rue.

Nous avons donc toujours demandé à nos compatriotes de reprendre calme et sérénité, et de se rappeler que le temps qui passe fait tout évoluer, l’univers, les nations, les hommes et les circonstances.

Les branches qui ont vite pris feu hier, et entretenu un beau buisson ardent, peuvent ne produire aucune étincelle demain, même par temps plus sec.

Il ne faut au contraire pas lier le devenir de notre nation aux étapes ou évènements du passé, fussent-ils grands ou même grandioses.

Il faut être éveillé et vigilant, voir loin devant, et être à l’affut de tous les signaux favorables à l’ultime sursaut libératoire.

Et c’est en cela que nous invitons toute la Côte d’Ivoire à revoir les images de ce qui vient de se passer en Algérie.

Dans ce pays frère et ami, un régime militaire dur et autocratique tient le pays sous sa férule depuis des décennies, et le Chef de Etat n’est que l’image projetée des cercles qui détiennent le vrai pouvoir et font main basse sur la manne pétrolière qui est l’oxygène du pays.

Au mois prochain, en Avril 2019, une élection présidentielle était prévue, et la camora militaire avait décidé de reconduire le Président en exercice pour un cinquième mandat, même si son âge et son état de santé général militaient contre son maintien à une si haute et délicate responsabilité.

A l’annonce du dépôt de sa candidature, le monde entier a assisté, étonné et émerveillé, à une réaction générale de toute l’Algérie, toutes branches confondues, avec des manifestations tous les jours, dans les villes comme dans les campagnes.

Tous les Algériens – les manifestants ont atteint le nombre de 25 millions, soit plus de la moitié de le population totale- se sont levés pour refuser ce cinquième mandat de Bouteflika qui ne faisait que cacher la continuation de l’ordre existant, la corruption, la prédation et la préservation des avantages du petit cercle au pouvoir.

Mais les Algériens nous ont séduits, et même épatés, lorsque, dès le premier jour des manifestations, les jeunes, les étudiants, les journalistes, etc… tous ont eu à la bouche un grand mot d’ordre tout simple : « Pas de violence, pas d’affrontements, pas de bagarres… dès que vous avez les policiers, gendarmes ou soldats en face de vous, reculez s’ils vous attaquent, et ne revenez que lorsqu’ils se seront retirés ! »

Et ces manifestants pacifiques avaient leur propre service d’ordre qui veillait à ce qu’aucun acte de violence ne leur soit imputé, et à détecter les casseurs infiltrés

Et sur les réseaux sociaux et tous les médias, leur message était immuable : pas de violence, pas de sang, pas de blessés, ce n’est pas ce que nous voulons, cela ne nous arrange pas. Nous voulons simplement que Bouteflika s’arrête à ce quatrième mandat, et que son système prenne fin pour que nous puissions commencer à nous épanouir et à mieux vivre.

Et c’est de Paris, en France, à la Place de la République, que les appels des Algériens de la diaspora. Ont été les plus nets et les plus poignants.

Les Algériens ont obtenu hier que Bouteflika renonce à un cinquième mandat. C’est une victoire immense. Le clan des généraux et business men milliardaires du pétrole a marqué le pas. Mais la tâche n’est pas encore terminée. Ils ont, avec habileté su se donner du temps pour contourner le problème et rebondir. Mais ils savent déjà qu’ils ont perdu, et ce temps gagné sera plutôt pour préparer leur sortie de la scène, l’inévitable exil.

Ces deux dernières années, l’Afrique Noire a connu des soubresauts et des révoltes consécutives à des contentieux électoraux dans plusieurs pays, le Togo, le Benin, le Cameroun le Congo Brazzaville, la Guinée etc…

Il y a eu des heurts, des dégâts matériels, des blessés, des mutilés, des disparus, et même des morts. Et pourtant, partout, les mêmes pouvoirs sont demeurés en place… C’est ce que devons aujourd’hui méditer.

Observons et suivons tous, ici en Côte d’Ivoire, comment évoluera et finira le processus engagé en Algérie.

En Algérie où toute la population s’est sentie concernée, est sortie, mais a rejeté toute violence. En Algérie où ce peuple vient de remporter la première mi-temps d’un match que désormais elle tient bien en mains.

BRAVO AUX ALGERIENS ET VIVE LA CÔTE D’IVOIRE !

MFA

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