Par Aka Jean Mari – Afrique Matin.Net
Depuis son annonce, la construction de la centrale thermique à charbon de San-Pedro ne cesse d’être contestée par les populations ivoiriennes, notamment les écologistes. Ceux-ci souhaitent que ce pays opte pour les énergies renouvelables en lieu et place des énergies fossiles. Incursion dans un univers électrique.
Le gouvernement ivoirien a annoncé le 29 décembre 2016 à Abidjan la construction d’une centrale à charbon d’une capacité de 700 mégawatts (MW) à San-Pedro (sud-ouest), afin d’accroître la production de l’électricité en Côte d’Ivoire à l’issue d’un conseil des ministres.
D’un coût de 100 milliards de F Cfa les travaux de cette centrale ont été confiés à la société BROTO IPP, filiale à 100% de S.Energies en charge de sa conception, son financement, sa construction, son exploitation et de son entretien sur une période de 30 ans. La date prévisionnelle de mise en service est fixée en 2020 et comprendra deux unités.
Selon des informations relatives à ladite centrale recueillies sur le site de l’entreprise conceptrice du projet, la centrale de San-Pedro sera différente des autres centrales thermiques à charbon en ce sens qu’elle sera supercritique.
‘’ Avec la supercritique il y’a moins de pollution. Le taux de dioxyde de soufre (SO2) et de dioxydes d’azote (NOX) est fortement réduit (95%). la santé de la population n’est pas menacée. De plus le rendement est amélioré. (…) La technologie supercritique parce qu’elle offre une meilleure efficacité et moins d’émissions polluantes répond aux prérequis de la transition énergétique’’.
L’Etude d’Impact Environnemental et Social (EIES) est réalisé par WorleyParsons et SGS CI, SGS CI étant un bureau d’études environnementales locales agréées ayant une expérience reconnue au niveau international. L’Agence Nationale de L’Environnement (ANDE) après une visite de reconnaissance des sites de ces projets a transmis à S.Energies les Termes de Références validés de l’EIES par ses services.
Différent du charbon de bois, la centrale supercritique de San Pedro sera alimentée par le bitumineux, moins riches en soufre et autres produits indésirables. Il provient des mines de la Colombie, de la Russie, de l’Afrique du sud et de l’Australie. Selon le concepteur cette mesure vise à préserver les forêts ivoiriennes et réduire la dépendance de la Cote d’Ivoire au gaz naturel (combustible de base utilisé par les centrales thermiques de Côte d’Ivoire).
L’opposition des écologistes
Les explications des concepteurs de ce projet n’ont pas pu convaincre les écologistes nationaux et internationaux à telle enseigne qu’ils continuent de contester sa mise en exécution.
Après l’annonce de ce projet les Ong AFHON Côte d’Ivoire, le chapitre national Pan AfricanCliate Justice Alliance (PACJA), JVE (Jeunes Volontaires pour l’Environnement) et 350 Côte d’Ivoire ont organisé une conférence de presse à Abidjan.
Au cours de cette rencontre Aubin Baïmey, Directeur Exécutif de JVE a démonté les arguments annoncés par le concepteur du projet pour justifier selon lui, les aspects positifs de cette centrale. Selon Aubin Baïmey « l’exploitation du charbon comporte des risques pour la santé et l’environnement. Sa combustion relâche dans l’air des toxines comme le souffre, l’arsenic, le mercure, le dioxyde de carbone et le plomb qui provoquent plusieurs maladies respiratoires et même des malformations (…) A elle seule, une centrale au charbon d’une capacité de 150 mégawatts produit plus d’un million de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre par an, soit autant que 300 000 voitures».
Ces Ong ne se sont pas arrêtées là. Elles ont multiplié les initiatives en vue d’informer leurs partenaires de la sous-région et établir un plan stratégique pour freiner ces genres de projets en Afrique de l’ouest. Ainsi lors d’un atelier régional de renforcement de capacité organisé du 9 au 10 avril 2018 à Abidjan, les participants ont pris l’engagement d’interpeller les dirigeants au strict respect des accords de Paris visant à réduire la part des énergies fossiles dans leur mix énergétique et d’aller vers des énergies propres
Charles Baimey, directeur exécutif de JVE- Côte d’Ivoire, n’a pas manqué de faire remarquer «qu’au niveau de l’Afrique de l’ouest, il y a deux pays où les situations sont un peu plus inquiétantes. C’est-à-dire le Sénégal où leur centrale à charbon au niveau de Bargny a été construite et ensuite nous avons la Côte d’Ivoire où le projet au niveau de San-Pedro est d’actualité. » Des actions d’information et de sensibilisation sur les menaces que représente ce projet vont être engagées afin que cette centrale à charbon « ne puisse pas voir le jour », a-t-il ajouté.
Pour Richmond Assié, Point focal de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, « il ne s’agit pas de dire non, mais il s’agit de dire nous proposons autre chose ». Car explique-t-il, cette technologie (le charbon) a été envisagée pour pouvoir satisfaire aux besoins de la population et avoir « une énergie qui est moins chère et qui est accessible à tout le monde ».
Une énergie à moindre coût
L’objectif des autorités ivoiriennes c’est d’accroître la production de l’électricité dans ce pays avec la centrale thermique à charbon de San-Pedro. C’est la même raison qui anime la quasi-totalité des pays qui réalisent ou veulent réaliser de tels projets. Mais selon les écologistes, contrairement à ce qu’a soutenu le concepteur de la centrale de San-Pedro, même si elle est supercritique, cette centrale présente assez de dangers pour les populations. Dans un pays où les populations sont de plus en plus exposées à des maladies cardio-vasculaires en raison des conséquences liées aux déchets toxiques qui y ont été déversés en 2006, construire une centrale thermique à charbon serait détériorée encore leur état de santé. Donc renoncer à ce projet serait d’abord salutaire pour la préservation de la santé des populations. Aussi, sur le plan environnemental, les gaz à effet de serre pollueront inéluctablement l’air et seront interpréter comme une violation des accords de Paris de réduire les GES à 2.5¨°C. Il est raisonnable d’abandonner ce projet et le convertir en énergie renouvelable présentant plusieurs avantages.
Comme l’a signifié plus haut, Richmond Assié, Point focal de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, les Etats en utilisant la technologie du charbon visent à satisfaire aux besoins de la population à moindre coût et rendre l’énergie accessible à tous.
Mais qu’est-ce qui prouve que les énergies renouvelables sont-elles plus chères que les énergies fossiles ?
Dans son bilan en 2017, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables a indiqué que les prix des énergies renouvelables sont encore voués à baisser au cours des prochaines années. L’énergie solaire va à nouveau baisser de manière significative d’ici 2020 et par la même occasion concurrencer sérieusement les énergies fossiles. Les prix moyens des technologies permettant la production d’énergies renouvelables pourraient ainsi osciller entre 30 et 100 dollars le MWh d’ici deux ans pendant que les énergies fossiles, ils devraient se chiffrer entre 50 et 170 dollars le MWh. L’agence a également abordé le solaire à concentration et l’éolien en mer qui suivront probablement la même tendance. Des projets dont la mise en service est prévue entre 2020 et 2022 et qui devraient permettre d’atteindre une moyenne située entre 60 et 100 dollars le MWh.
Déjà l’expérimentation de ce type d’énergie a donné des résultats probants dans les pays européens et selon une nouvelle étude publiée par Linklaters, en Afrique, notamment subsaharienne, des sources de plus en plus abordables d’énergie renouvelable pourraient devancer les combustibles fossiles et contribuer à l’essor économique du continent. Il revient particulièrement aux dirigeants des pays comme le Niger, le Mali, le Burkina-Faso et la Côte d’Ivoire dont le climat est dominé par une longue période de soleil, propice à la production des énergies renouvelables d’y mettre du sien et d’atteindre cet objectif.
En somme contrairement à ce que font croire les dirigeants, la production des énergies solaires n’est pas aussi élever. Il faut y mettre de la volonté politique et les moyens financiers pour la réaliser et minimiser ses dépenses économiques en matière de production d’électricité. Selon Mr coulibaly Davy Coordinateur du Chapitre National PACJA, la Marche écologique organisé le 24 Mars 2017 a été un ralentisseur effficace de la mise en œuvre de cette centrale, car avec le moratoire déposé le ministre de l’environnement et du développement durable a demandé l’arrêt des travaux de construction de cette centrale.