La conférence de New Delhi sur la lutte contre la désertification est entrée dans sa deuxième semaine ce lundi 09 septembre 2019. Plusieurs personnes participent à ce rendez-vous qui vise à faire le bilan de la lutte contre ce fléau et à adopter de nouvelles décisions. Les défis sont énormes, mais sur le terrain, ils ont donné lieu à une mobilisation importante. C’est le cas par exemple au Burkina Faso. Sylvestre Tiemtoré, le coordonnateur du Secrétariat permanent des Ong (Spong) du Burkina Faso s’explique.
La lutte contre la désertification a-t-elle connu des progrès ces dernières années au Burkina Faso ?
La lutte contre la désertification a connu des avancées significatives. Je dois dire qu’au niveau communautaire, nous avons plus que jamais un engagement fort des populations à prendre en charge la question de la lutte contre la désertification. Vous vous souvenez que le Burkina a été élevé au travers d’un de ses fils : monsieur Yacouba Sawadogo qui a reçu un prix Nobel alternatif. Il a été l’un des pionniers. Il a réinstauré à lui tout seul plus de 50 hectares de forêt. Et de même, au niveau politique, nous avons une volonté manifeste même si cette volonté politique reste encore à accompagner de ressources nécessaires pour atteindre les objectifs de cette politique.
Comment peut-on évaluer les résultats de cette lutte contre la désertification dans votre pays ? Y-a-t-il des chiffres ?
On sait par exemple que chaque année nous perdons près de 200 000 hectares de forêt. Chaque année, les efforts conjugués permettent de restaurer au moins la moitié de cette superficie qui est perdue. Et il y a des actions sur le terrain contre la désertification qui permettent à terme, sur des terrains complètement nus, de redonner vie en trois années à ces terres et de permettre à des communautés de vivre et donc de produire de ces terres.
Cela veut donc dire que l’on connait les raisons qui conduisent à la désertification et que l’on connait également les solutions qui peuvent être mises en œuvre. Pouvez-vous nous en citer quelques-unes ?
Quand vous prenez par exemple la technique du zaï, c’est une technique de restauration des sols qui consiste à faire des trous avec des profondeurs ne dépassant pas 30 à 40 cm du sol. Et lorsque la pluie vient, ça retient de l’eau pour permettre de tenir face à des périodes de sécheresse pouvant aller jusqu’à deux à trois semaines. À ce jour, nous sommes en train de parler de mécanisation de cette technologie -qui permet à travers des tracteurs de pouvoir creuser très facilement et à grande échelle- pour permettre aux gens de préparer rapidement leur sol à l’échelle du village.
Il y a donc un investissement minimal qui est nécessaire ?
Qui est nécessaire et qui est malheureusement parfois hors de portée des communes, des collectivités et des populations. Il faut que quelque part, une autre main intervienne, que ce soit celle de l’État ou des partenaires techniques et financiers, pour permettre aux populations de restaurer ces terres-là et de pouvoir les exploiter. Mais la plupart du temps, il ne suffit pas seulement de restaurer ces sols. Lorsque ces sols qui sont parfois abandonnés sont restaurés, se pose aussi la question du statut foncier. C’est aussi un véritable problème, car lorsque la terre est lessivée ou dégradée, les propriétaires ne se bousculent pas. Mais quand vous redonnez vie à des terres, il faut vous assurer que toutes ces questions ont été préalablement discutées et résolues sinon la question de l’exploitation viendra à poser problème.
Des textes existent-ils ou de nouveaux textes viendront-ils renforcer ceux qui sont déjà en place et ne sont pas mis en œuvre ?
Nous avons une loi sur la sécurisation foncière, mais cette loi doit être déclinée avec des textes d’application et ces textes d’application prévoient aussi la mise en place d’instruments à savoir des commissions foncières au niveau villageoise, au niveau communal. Malheureusement, la loi existe, mais elle n’est pas opérationnelle.
Ce qu’il faut rappeler, c’est que l’on a tendance à penser que la désertification est la progression du désert par rapport aux terres fertiles. Mais en fait, le phénomène est plus large que cela, la désertification c’est la dégradation des terres fertiles qui conduit par la suite à l’apparition de milieux désertiques.
Absolument. C’est dire qu’il faut repenser la vision que les gens avaient de la désertification. Parce qu’initialement on ne parlait de désertification que dans les pays sahéliens. Mais vous verrez que de nos jours, même le Ghana et la Côte d’Ivoire et des parties même du Bénin sont frappées par la désertification. Personne de nos jours n’est épargné. Si vous n’utilisez pas les bonnes pratiques agricoles ou si vous surexploitez les terres, vous pouvez être sûr que vivant dans une zone forestière, vous pouvez devenir une zone désertique. Aujourd’hui, les pays côtiers viennent apprendre auprès de pays sahéliens comme le nôtre comment se préparer à ne pas tomber dans cette situation.
Vous parliez à l’instant de Yacouba Sawadogoqui a reçu un prix Nobel alternatif pour son engagement contre la désertification. Qu’a-t-il fait concrètement sur le terrain ?
C’est un travail de longue haleine qui est passé par le reboisement, la restauration à travers la régénération naturelle assistée des plantes qui poussaient et à travers des techniques de protection et d’amendement des sols par l’utilisation des termites. Ça lui a permis de restaurer ces terres complètement dégradées et d’en faire aujourd’hui une forêt où l’écosystème est revenu. Donc pour nous, ce n’est pas de la science-fiction, c’est possible, mais il faut que les gens y croient et mettent les moyens là où il faut.