Par Léon SAKI – Afrique Matin.Net
L’actualité ivoirienne de la fin du mois de mars a été particulièrement marquée par la rencontre manquée entre AFFI N’guessan, Président du Front Populaire Ivoirien (FPI) et Laurent Gbagbo son fondateur. Ces retrouvailles devraient, hélas, renouer le fil du dialogue entre les deux hommes après plus de 5 années de conflit interne. Cependant, ce qui aurait pu paraître comme un événement politique majeur de ce début d’année 2019 et une grande lueur d’espoir pour l’opposition ivoirienne en proie à de crises de succession, s’est vite transformé en désolation. Quelle leçon tirer du grand rendez-vous manqué ?
Ce qu’il faut retenir de cette affaire, est que le premier ministre Affi N’guessan a raté une grande occasion en or de devenir le dauphin constitutionnel de Laurent Gbagbo. S’il avait fait preuve de grande humilité en se pliant à l’injonction de ses interlocuteurs lui demandant de reconnaître les congrès de Mama et Moossou, et s’il l’avait fait, il serait sorti le grand gagnant. Selon un diplomate belge, il aurait suffit à Affi de faire une déclaration officielle, juste après l’acquittement de Gbagbo, pour remettre entre ses mains, le FPI et ce dernier lui aurait demandé de continuer de diriger le parti jusqu’au congrès. Mais hélas!
Aujourd’hui, force est de reconnaître que depuis Houphouët-Boigny qui a eu la précieuse idée de désigner, de son vivant, son 1er dauphin, aucun autre président n’a pu le faire. C’est aussi le cas du président Laurent Gbagbo dont le successeur était quasi inconnu. Si le successeur, dans certains cas, c’est celui qui se fait remarquer par sa fidélité incorruptible au père fondateur et incarne au mieux les idéaux du parti (feu Aboudramane Sangaré), un dauphin peut également être celui en qui les militants portent une certaine confiance pour son assurance et sa carrure d’homme d’Etat (Affi N’guessan). Dans tous les cas, la loyauté envers le père fondateur est une exigence première.
Affi, malgré les suspicions qui planaient sur lui, mais restaient encore à l’état de rumeurs aux oreilles du commun des mortels, aurait pu tout effacer en se faisant petit, bien minuscule devant Laurent Gbagbo pour gagner la sympathie et le pardon de tous. Il aurait demandé pardon publiquement à « son patron », et le coup serait joué parce qu’il fait partie des plus aptes à la succession du père, que non. Il a choisi la voie de la défiance, opté pour l’humiliation de son patron, du guide, l’homme que tout un continent a décidé de ranger au panthéon des immortels.
« Il s’est engagé au combat avec MOISE, le sauvé des eaux, l’homme qui a vaincu les ténèbres et l’enfer ». C’est alors que se pose la problématique d’une possibilité de sauver les meubles. Autrement dit, la réconciliation entre AFFI et Gbagbo est-elle encore possible ? Si d’aucuns pensent que le Lion du Moronou est allé trop loin pour sauver l’estime de ceux qui estiment Gbagbo, il faut toutefois se défaire des passions pour admettre que les chances d’un rapprochement entre les deux hommes ne sont pas épuisées.
Ils ont encore la possibilité de renouer le dialogue, en tenant compte de la célèbre pensée du Président Laurent Gbagbo : « Asseyons-nous et discutons ». Cette phrase qui, en son temps, avait contrarié le Grand Houphouët-Boigny lequel, parlant à longueur de journée de dialogue, refusait de discuter avec ses opposants, ne doit pas aujourd’hui paraitre comme une simple vue de l’esprit. Dans ce processus, une ou plusieurs médiations s’imposent.
Celle du président Henri Konan Bédié ambitionnant d’une opposition plus forte, de la chambre des rois et chefs traditionnels, des socialistes ou de certains chefs d’Etats africains. En définitive, Si l’exemple de Bédié et Ouattara est encore vivace dans les esprits pour montrer que les pires ennemis peuvent devenir des amis, il n’est pas à écarter que le premier Ministre AFFI N’guessan et son mentor, frères du même sang politique, fasse la paix, au nom d’un FPI plus fort et plus ambitieux.