Par Patrick Krou
L’Ong APDH (Actions pour la protection des Droits de l’Homme-Côte d’Ivoire) a initié une étude dont l’objectif est l’évaluation du processus de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire. Cette analyse a abouti à la publication du rapport d’enquête dans un livre intitulé ‘’Côte d’Ivoire, réconciliation nationale : où en sommes nous ?’’. Qui a été financé par la Fondation KAS (Konrad Adenauer Stiftung). La cérémonie de présentation de cet ouvrage a eu lieu, le jeudi 10 janvier 2019, à l’hôtel Palm Club de Cocody, en présence d’hommes politiques et d’acteurs de la société civile ivoirienne.
Se prononçant sur la problématique de la réconciliation nationale, l’ex-première Dame, Simone Ehivet Gbagbo a fait remarquer que la justice reste le socle qui soutient la paix et la stabilité d’une nation. Car, dira-t-elle : « Pour moi, la question essentielle c’est finalement la question de la justice. Ce qui maintient un pays, une nation dans l’ordre, la sécurité et la paix : c’est la justice. Comment la justice est appliquée ? Comment la justice est vécue ? L’économie va permettre d’avoir les ressources mais si votre justice n’est pas juste, vous avez beau être riches, vous allez être déstabilisés dans votre vie. ». Accompagnée du ministre Danon Djédjé, ce cadre du FPI (Front populaire ivoirien) a souhaité que ces échanges autour de la réconciliation nationale soient élargis pour l’instauration de la paix définitive en Côte d’Ivoire.
Dans son mot de bienvenue, Dr Arsène Néné Bi, président de l’APDH a souligné que les expériences d’autres pays à travers le monde notamment le Timor oriental, le Cambodge, le Chili, le Kosovo, l’Afrique du Sud, le Rwanda et le Burundi ; ont révélé qu’en dépit du caractère complexe des processus de réconciliation, ces pays sont parvenus à marquer des pas décisifs vers la réconciliation. « Ils nous ont aussi donné la preuve que cette complexité du processus de réconciliation, loin d’être un obstacle, témoigne plutôt de l’impérieux devoir pour tous les acteurs de s’y engager avec sincérité et détermination. », a conseillé ce défenseur des droits de l’homme. Non sans préciser que les résultats de l’étude d’évaluation du processus de réconciliation nationale n’ont nullement la prétention d’offrir des solutions magiques. S’appuyant sur le sous-thème ‘’Les actes manqués du processus de réconciliation en Côte d’Ivoire’’, Dr Arsène Néné Bi a préconisé, entres autres, une recomposition du Conseil Constitutionnel sur le modèle nigérien à travers la nomination des conseillers préalablement élus ou désignés par les différentes institutions de la République. Aussi, a-t-il toisé les agissements de la justice tant nationale qu’internationale (Cour Pénale Internationale- CPI) qui s’acharnent sur le seul camp Gbagbo et la loi d’amnistie qu’il a taxée de « prématurée ».
Florian Karner, Représentant résident de la KAS a rappelé l’importance de la Côte d’Ivoire dans la sous-région ouest-africaine. Pour ce diplomate allemand, même si notre pays a connu des moments difficiles entre 2002 et 2011, il est convaincu qu’aujourd’hui, la plupart des acteurs de la vie sociopolitique et économique tentent à travers diverses actions de ramener la paix et la cohésion sociale, gage de prospérité et de développement économique. « Cette initiative se veut une contribution à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire. Elle doit être perçue comme la volonté ou l’offre de l’acteur extérieur que nous sommes, d’aider un partenaire à se remettre d’une crise qui a divisé le pays.» Au moyen du sous-thème ‘’Exemple de la réconciliation après la réunification en Allemagne’’, Florian Karner a affirmé que 30 ans après la chute du mur de Berlin (09 novembre 1989), la réunification et la réconciliation ont été possible grâce à un engagement honnête des autorités politiques, qui a permis de transcender les inégalités et de réaliser ainsi les défis de la réconciliation au pays d’Angela Merkel.
Le sous-thème ‘’Les défis actuels de la réconciliation en Côte d’Ivoire’’ a été traité par Me Marie France Goffri. Cet ex-commissaire de la CDVR (Commission, Dialogue, Vérité et Réconciliation) a indiqué vertement que « la réconciliation est en panne en Côte d’Ivoire ». Elle a soutenu que les défis actuels de la réconciliation sont la lutte contre l’impunité, le durcissement du ton des hommes politiques dans les médias, la réforme de la CEI (Commission électorale indépendante), la justice à deux vitesses due à des poursuites de la justice nationale et internationale contre le camp Gbagbo, la persistance d’un sentiment d’inégalités des citoyens, etc.
Ce livre-rapport a été rédigé sur une période de dix-huit (18) mois (avril 2017) et a mobilisé une équipe pluridisciplinaire de cinquante (50) personnes dans les chefs-lieux de régions de la Côte d’Ivoire (District autonome d’Abidjan, Guémon, Loh-Djiboua, Haut-Sassandra, Agnéby-Tiassa, Kabadougou, Grands ponts, San Pédro, Gbêkê et Gontougo). Ce travail a été réalisé à partir d’un sondage de 1290 personnes repartis sur le territoire national. Il a mis à contribution dix-sept (17) experts dont feu le professeur Sery Bailly (Vice-président de la CDVR), Patricia Myriam Isimat-Mirin (représentant le Grand Médiateur de la République) et Konaté Dindio (directrice pays, Search For Common Ground).