Face au tsunami sociopolitique qui semble se préparer pour déferler sur la Côte d’Ivoire du reagrd des joutes politiques observées dans les médias et des diatribes prononcées par des hommes politiques, le professeur Amoa Urbain sonne le tocsin et interpelle la conscience collective ivoirienne et africaine. Hier, jeudi 10 janvier 2019, notre rédaction a reçu copie de cette lettre ouverte à la Conscience des peuples de Côte d’Ivoire et d’Afrique et la rédaction de Afrique Matin vous le propose en intégralité !
« Fières Ivoiriennes et Fiers Ivoiriens, le pays nous appelle ! »
S’il est des moments d’incertitude, il est également des temps d’affirmation avec certitude. S’il est des moments d’hésitation, il est aussi des temps de conviction. S’il est des moments de doute, il est, sûrement des temps de conviction. Des femmes et des hommes aussi. Et s’il est des poèmes élégiaques, il est des chants d’appel à la victoire, à l’unité et à la célébration de la joie, de l’allégresse.
Par ces mots l’on comprend par anticipation, le plaisir que j’éprouve en partageant avec le lecteur ce temps…ce temps deplaisir de lire des mots mais aussi et surtout des mots porteurs d’histoire, d’une histoire : l’histoire de la patrie, l’histoire de la Côte d’Ivoire dont ‘’Ode à la patrie’’ n’est qu’une étape, par la puissance de l’expression, de l’inspiration de Didier KOFFI – GNAMKE et de l’ONG Phoenix-Côte d’Ivoire.
Et s’il fallait adresser des félicitations au promoteur, peut-être faudrait-il aussi privilégier les équipes de création, d’évaluation (le jury) et de promotion de « Ode à la patrie ». Les détracteurs aussi. Et c’est ici qu’il faut savoir donner raison à la sagesse africaine qui postule que les bénédictions doivent concomitamment être adressées aux détracteurs et autres adversaires, aux ennemis aussi, s’il s’en trouve, de façon que leur durée de vie leur permette de mieux apprécier leur puissance de nuisance afin que de détracteurs qu’ils étaient, ils se métamorphosent en chantres, en laudateurs. Et puisque aimer son pays c’est le connaître, et que la confiance dont l’on voudrait pouvoir bénéficier pour soi commande que l’on sache faire confiance à l’Autre, le lecteur aura compris que les Grandes Chansons de galvanisation naissent et ponctuent l’histoire des peuples : c’est une invite à la mobilisation presque toujours adressée à la conscience nationale dans le dessein d’obtenir par la concertation (Conseil national, journée de concertation nationale) et par la diplomatie coutumière africaine, un consensus en partage avec les paysans, les ouvriers, les chômeurs, les étudiants et tous (femmes, enfants et personnes en situation de handicap).
Ainsi, en 1946 naît l’hymne du RDA dont voici quelques vers :
« En 1946
Au pays de Soundiata
Tous les Africains ardents et
Fiers se sont donné rendez-vous
Rassemblement, rassemblement
Démocratique africain
Voilà le RDA »
(…)
Au cœur des adversités de l’ère coloniale et en souvenir de Soundiata Kéita, roi du Mandé qui a su et pu rassembler l’empire du Ghana, l’empire du Mali et l’empire Songhaï, a été créée cette chanson. Rude était la bataille au cœur de l’ère coloniale ! Elle ne semble pas être moins rude aujourd’hui quoique peut-être plus pernicieuse. Face à des myriades de Goliath, il est très peu de David ! Et pourtant il faut être là, se mettre au travail et se battre contre ses propres défauts et démons pour quérir et cueillir la paix pour soi, pour l’Autre, pour la Mère Patrie.
En 1960 : l’Abidjanaise sonne la victoire sur une époque en énonçant l’éthique et l’esthétique ivoirienne :
« (…) Fiers ivoiriens le pays nous appelle
Si nous avons dans la paix, ramené la liberté
Notre devoir sera d’être un modèle
De l’espérance promise à l’humanité
En forgeant, unis dans la foi nouvelle,
La patrie de la vraie fraternité »
Les valeurs définies dans cette strophe complètent et enrichissent la valeur qui semble être principale : « l’hospitalité » et non une « hospitalisation » à ciel ouvert (la communauté dite internationale, un monstre invisible) ou dans sa propre case (son village natal). Ce sont : la liberté, la paix, l’espérance, la fraternité. D’où cette invite au travail comme moyen de lutte :
« Le travail de mille générations
Construira ma Côte d’Ivoire
Elle paraîtra devant les Nations
Dans tout l’éclat de sa gloire
Refrain :
Telle est son unique destinée
Puisque braves et fiers
Mes aïeux sont morts
Pour la défendre
Et moi je vivrai pour l’aimer ».
C’est l’unité et l’esprit dans lequel par la dignité, la citoyenne / le citoyen ivoirien (ne) doit défendre et illustrer les valeurs desa patrie.
L’Abidjanaise est donc une ‘’ode’’, genre poétique chanté à l’Ivoirien (ne) et non à une personne comme cela l’aura été en 1966 à la faveur d’un Concours national dénommé : « 6èmesillon » dont le texte retenu aura été celui de la célébration d’un homme politique Félix Houphouët : d’où la controverse populaire qui aura suivi entre la qualité du texte de Jean-Baptiste Yao (merci, Président Boigny, 1966) et celui de Jean-BaptisteSeaka (Ma chère patrie) , beaucoup plus impersonnel.
« Soyez béni grand Houphouët – Boigny
Les jeunes gens de Côte d’Ivoire vous remercient
Soyez loué grand Houphouët – Boigny
Les jeunes gens de Côte d’Ivoire vous remercient
Six ans d’indépendance vous contemplent
Dans l’atteinte de tant de réalisations
Auteur de (la) liberté de notre pays
Avec soumission
Nous vous glorifions
Auteur de (la) liberté de notre pays
Que le Très Haut rallonge votre vie ».
Loin d’être elle-même une ‘’Ode à la patrie’’, la décision prise a consacré l’œuvre de Jean Baptiste Yao au détriment de celle de Jean Baptiste Seaka, une véritable « Ode à la patrie » marquée (Ma chérie patrie) par les premiers vers :
« Toi que j’aime tant chère Côte d’Ivoire…
Pays au sol rutilant de bonheur et de joie »
Puis vient en 2003 ‘’Ode à la patrie’’ malheureusement, peut-être, à l’ère de l’expression d’un usage parfois abusif et maladroit ou excessif du mot « patriote ». Et voilà que ‘’Ode à la patrie’’ naît des doigts d’un jeune à travers une écriture naïve ! Et voilà que naît le procès du concepteur. Le procès de l’œuvre aussi, elle-même soupçonnée d’être créée pour supplanter l’Abidjanaise. Respectée mais non pas forcément acceptée par les tenants du pouvoir ainsi que nous l’indique l’auteur du projet ‘’Ode à la patrie’’ laisse derrière elle adhésion populaire, suspicion voire conspiration et tentative de rejet et de négation.
Ainsi de la fraîcheur naïve du texte à la création musicale, tout interpelle le peuple ivoirien à un autre moment de son histoire marquée par la vague de ce que l’on aura appelé « guerre militaro-politique, une guerre revendiquée par une rébellion armée et de là naît une ode à la patrie au nombre de milliers de vers produits pour la circonstance. Des paroles simples sans doute, mais sans doute aussi une mise en harmonie de mots parfois même loin de la poéticité du texte. Des mots simples mais tout de même une belle mélodie, un beau texte…un texte beau de Bernard KORAI:
« Strophe 1
Mille nuits d’excellence
Ont bâti mon pays
Mille nuits d’espérance
Ont forgé ma Patrie
Strophe 2
A travers le temps
Sous le feu des vents
Et la fureur des tanks
Moi, je marcherai
Pour te magnifier
Strophe 3
L’aurore s’est levée
Le coq a chanté
Le jour est arrivé
Pour ta liberté
Strophe 4
Au fond de nos cœurs
La foi et l’ardeur
Ce chant de vaillance
Pour bercer nos consciences
Strophe 5
Si la Paix et l’amour
Sont ta lumière du jour
Si le rêve d’unité
Epouse tes idées
Strophe 6
Si malgré toutes ces peines
Ton cœur est sans haine
Si pour bâtir demain
Tu sais tendre la main
Refrain
Patriote ! Ivoirien !
Ta belle histoire
S’écrira de gloire
Patriote ! Ivoirien !
Ta détermination
Sauvera ta Nation
Patriote ! Ivoirien !
Ta fière Côte d’Ivoire
Est dans ton regard
Patriote ! Ivoirien !
Tous haut les cœurs
Ensemble on ira ! »
Bien évidemment, la violence des diatribes se décline non à l’aune des mots simples ici employés, non à la mesure de la fraîcheur du texte mais dans une logique où dire « Mon pays » en Côte d’Ivoire avait valeur d’exclusion autant qu’affirmer que la Côte d’Ivoire a, elle aussi, des filles et des fils comme si une mère qui sait dire « ma fille ou mon fils » devait être jugée coupable d’une charge de haine, et donc d’exclusion.
Puisse la conscience nationale en passe de se recharger de haine, s’alimenter de lait d’amour !
Respect à tous ceux qui ont contribué à l’éclosion, à la diffusion et à la promotion de cette invite à l’affirmation de Soi chez Soi en paroles et en actions. Honneur à l’Enfant qui reconnaît ce que sa Patrie a fait pour lui et qui, avec fierté et dans la dignité, la célèbre. Et vous avez raison de l’écrire, monsieur Didier KOFFI – GNAMKE : l’ode à la patrie aura été (est encore peut-être ou sûrement) un ferment de réconciliation nationale si et seulement si l’on en fait un instrument de paix.
« Fières Ivoiriennes et fiers Ivoiriens, le pays (à nouveau) nous appelle !
Et souvenons-nous de ces vers de Maxime N’Débéka cet ami et frère du Congo auteur de ‘’980 000’’ extrait de L’Oseille / Les Citrons, 1975 avec qui déjà dans les années 1980, je rêvais d’une « Afrique nouvelle », titre d’un célèbre hebdomadaire qui paraissait à Dakar :
«980 000 nous sommes
980 000 affames brisés abrutis
Nous venons des usines
Nous venons des forêts
des campagnes
des rues
Avec des feux dans la gorge
des crampes dans l’estomac
des trous béants dans les yeux
des varices le long du corps
Et des bras durs
Et des mains calleuses
Et des pieds comme du roc
980 000 Nous sommes
980 000 Ouvriers
chômeurs
et quelques étudiants
Qui n’ont plus droit qu’à une fraction de vie
(…)
Un million moins 20 000
Nous sommes 980 000
Nous sommes les plus forts
Arrachons notre part »
NB : Le titre et le chapeau ont été réalisés par la rédaction.