Ces dernières années, l’archipel de l’océan indien, réputé pour son régime fiscal « accueillant », a montré qu’il pouvait se conformer aux règles financières internationales. Aujourd’hui, le pays lutte drastiquement contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Une lutte acharnée contre l’évasion fiscale
Le 10 octobre 2019 est sans doute à marquer d’une pierre blanche à Port-Louis. Ce jour-là, le Conseil de l’Union européenne (UE) décidait de retirer Maurice de sa liste grise des juridictions considérées comme des paradis fiscaux. Pour l’institution européenne, l’archipel de l’océan indien avait su démontrer, durant les mois précédents, sa bonne volonté quant au respect des engagements en matière de coopération fiscale, et mettre en œuvre les réformes nécessaires pour observer les principes de bonne gouvernance fiscale de l’UE. Afin d’adopter cette décision, un groupe ad hoc du Conseil, baptisé « Code de conduite », avait épluché le projet de loi de finances mauricien, présenté le 25 juillet précédent, dans lequel figurent des amendements à la législation applicable à ses régimes de zone franche et d’exonération partielle, mais également des règles relatives aux « sociétés étrangères contrôlées », conformes à celles prévues par la directive européenne sur l’évasion fiscale.
Réputée pour son régime fiscal souple aussi bien que pour ses plages de sable fin, Maurice était jusqu’à présent pointée du doigt pour les faveurs qu’elle offrait aux entreprises. Aujourd’hui, c’est de l’histoire ancienne. Après quelques réformes et mises à niveau – Maurice est par exemple l’un des membres fondateurs du groupe de lutte contre le blanchiment d’argent en Afrique orientale et australe –, l’ancienne colonie britannique est devenue de plus en plus « fréquentable » fiscalement.
Pour Nitin Collappen, directeur général de Sunibel Corporate Services, une société de gestion basée à l’île Maurice, « être ‘‘white listé’’ n’est pas étonnant pour Maurice. En effet, le gouvernement mauricien a toujours travaillé avec les organisations internationales pour être en conformité avec les normes mondiales de bonnes pratiques, dont la bonne gouvernance fiscale de l’UE ». En 2017, le pays signait par exemple la Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures BEPS de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), visant à lutter contre l’évasion fiscale pratiquée par les multinationales. Il s’agissait, concrètement, d’empêcher l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices par ces dernières, grâce à des standards minimum à mettre en œuvre dans les conventions fiscales.
Dans le collimateur : le blanchiment d’argent
Port-Louis lutte également contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, après que l’UE l’a placée sur sa liste noire des pays à haut risque en la matière. Pas moins de dix-sept lois sont en passe d’être amendées sur le sujet. Maurice doit notamment « muscler la surveillance et les lois » dans les secteurs non-financiers, comme les professions légales, celles liées aux jeux et le secteur des métaux précieux, entre autres, indique le média RFI. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, chargé de la mise en œuvre de ces réformes, se veut confiant, à condition que « chacun fasse sa part. C’est seulement à ce moment-là que nous allons convaincre le monde des efforts de l’île Maurice dans le combat global contre le blanchiment et le financement du terrorisme ».
Mahen Seeruttun, le ministre des Services financiers, abonde dans ce sens, alors qu’il présentait fin juin dernier à l’Assemblée nationale l’Anti-Money Laundering and Combatting the Financing of Terrorism (AML-CFT) Bill 2020, qui doit mettre en conformité la loi mauricienne avec les standards internationaux : « Le gouvernement (…) a la ferme intention de renforcer davantage le niveau de l’effectivité de son régime de lutte contre le blanchiment de l’argent sale et contre le financement du terrorisme ». Ce qui irait dans son intérêt, si le pays veut continuer à être la « plaque-tournante » des investissements financiers en Afrique. C’est vers la fin du mois août, voire le début du mois de septembre, que Port-Louis devrait pouvoir tester son nouveau système, afin de démontrer qu’il est désormais conforme aux normes internationales en vigueur.
Seule ombre au tableau
Néanmoins, le Sénégal et la Zambie ont décidé de sortir de la convention de non-double imposition avec Maurice, qui permet à leurs ressortissants, citoyens comme entreprises, de ne pas être imposés deux fois, dans leur pays d’origine et dans leur pays d’accueil. Des décisions qui apparaissent comme symboliques, alors que les termes de ces conventions devaient précisément être adaptés pour mettre en oeuvre les mesures BEPS. Dakar et Lusaka chercheraient-elles à se faire bien voir des institutions internationales, notamment de l’UE ? Cette double décision, dont le timing questionne, ne doit en tout cas pas empêcher Port-Louis d’avancer, comme elle le fait depuis des années, pour se conformer aux standards internationaux.
La Rédaction