Enquête réalisée par Haidmond Kaunan/afriquematin.net
(Jeudi 11 avril 2019)-Six ans après le lancement du projet présidentiel de 60.000 logements sociaux, projet qui avait suscité en son temps un engouement auprès des Ivoiriens, celui-ci est en passe de devenir le pire cauchemar des différentes parties engagées dans ce qui avait suscité au départ l’espoir des populations ivoiriennes.
L’origine de l’arrêt des travaux de la cité ADO
Inaugurée le 22 décembre 2016 en grande pompe par la remise de clefs, en dépit de la protestation des responsables de la Sicogi qui estimaient que les conditions ne s’y prêtaient pas, la cité ADO présentée par l’ex- ministre de la construction, Mamadou Sanogo comme le projet phare du programme de logements sociaux -,est devenu un véritable casse-tête chinois. Impuissant face à une telle situation, le maître d’ouvrage qu’est le ministre de la construction délèguera ses pouvoirs à la Sicogi, spécialiste de la construction pour le volet commercial de la cité. Le bureau national d’études techniques et de développement(Bneted), qui joue le rôle de maître d’œuvre, aura pour mission de superviser les travaux de construction confiés à une entreprise de Construction, qui devrait réaliser plus de deux-mille logements sur une superficie de 20 hectares. Pour la première, manche, ce sont au total 652 logements qui sont sortis de terre et 512 autres sont en voie d’être livrés. La déception des souscripteurs est d’autant plus grande qu’ils ne savent à quel saint se vouer.
La colère des acquéreurs.
La cité ADO, promise pour être livrée aux souscripteurs en 2015, peine à être achevée à cause du manque de professionnalisme et d’expérience de l’entreprise, choisie par l’ancien ministre Mamadou Sanogo pour exécuter ce projet présidentiel . « Nous étions obligés de reprendre certains travaux vu que certaines maisons sont tombées en ruines », souligne, amère, K.A, cet habitant de la cité. Il ajoute également « qu’à mon avis ce bail qui nous a fait rêver a échoué, car il a été conçu sur de mauvaises bases ». Les souscripteurs disent avoir porté plainte, à cet effet, contre la Sicogi bien qu’elle ne soit pas l’entrepreneur.
Entre doute et angoisse
D’une superficie de 40 hectares, un autre site a été aménagé pour accueillir des logements sociaux à Bingerville. Cette opportunité reste la convoitise de plusieurs opérateurs et promoteurs immobiliers qui rivalisent d’ardeur..Malheureusement, la situation géographique de cet espace constitue un frein. Les promoteurs immobiliers doivent déployer des moyens techniques colossaux pour réussir le pari, car le relief accidenté est difficile d’accès. Face à la mise en œuvre des voiries, des réseaux. Certains opérateurs sont obligés de se tourner vers des financements extérieurs. Malgré leur détermination les souscripteurs se trouvent animés par un sentiment de doute et d’angoisse quant à la fiabilité de ces constructions en période de pluies.
Dans l’attente de recevoir les droits de purge
Les villageois du village Songon Kassemblé, situé sur l’axe Abidjan-Dabou, constitués en collectifs de 59 propriétaires terriens et 270 producteurs agricoles attendent toujours leur droit de purge. Ils ont en effet signé en 2013 un protocole de cession de parcelles avec l’État de Côte d’Ivoire, via le ministère de la construction, dans le cadre des 60.000 logements sociaux. Une indemnité de 8,7 milliards de francs CFA et 1,8 milliard devrait être versée aux planteurs qui ont vu leurs biens détruits, sur la période de 2013 à 2018.Curieusement certains villageois ont été surpris d’apprendre par voie de presse que «des souscripteurs auraient cotisé vingt (20)milliards, auprès de 26 promoteurs immobiliers cooptés au départ pour le projet Kassemblé.et qu’en plus les montants de 5 milliards de francs CFA et 15 milliards ont été octroyés à la Côte d’Ivoire par des financements extérieurs pour le règlement des droits coutumiers et différents propriétaires terriens et des travaux ».
La déception des promoteurs
H.B, cet homme d’affaires ivoirien ne cache pas son amertume à cause des grèves à répétions des populations villageoises relatives à leur droit de purge qui lui ont fait perdre beaucoup d’argent, « d’où le retard observé dans la livraison des premières maisons. Lors du lancement du projet, il fallait repartir les promoteurs immobiliers sur quatre sites, mais il y a eu un désordre. Nous qui sommes à Songon, avons observé qu’on nous a donné des clients qui avaient souscrits pour les sites de Bingerville et Grand Bassam. Nous avons été obligés de procéder à des remboursements. Et cela fait trois ans qu’on n’arrive pas à livrer les premières maisons attendues pour un délai d’un an.80% de nos clients ont désisté à cause du choix du site. Avec un manque à gagner de 2 milliards 800 millions de francs CFA »,a-t-il déploré.
Le quartier Modeste, route de Grand Bassam, occupe plus de quatre-vingt et un ha que partagent huit (8) promoteurs immobiliers, dont certains sont très avancés dans la réalisation des travaux. Des maisons sont prêtes et certains acquéreurs y ont même aménagé. « À ma connaissance, aucun habitant n’a eu de logement ici .On n’a fait que nous chasser sur notre site .Ils ont tout rasé », a confié un autochtone qui manifeste une frustration. Visiblement, les habitants de Modeste ne semblent pas être concernés par ce projet où il faut débourser la somme de 18 millions de francs CFA pour une maison. « Les droits de purges coutumier ont été versés, mais les producteurs agricoles attendent toujours leur dus pour leurs biens détruits », rappelle Kassy Fernand, un habitant.
Tous sans exception, souscripteurs, promoteurs immobiliers et propriétaires terriens sont déçus de tout ce qui se trame autour de ce projet qu’ils qualifient désormais d’arnaque.