Par Elijah J. Magnier: @ejmalrai
Traduction : Daniel G.
Le Moyen-Orient s’approche d’un niveau d’alerte maximale à la suite du « maximum de pression » imposé à l’Iran par le président Donald Trump qui, il y a un peu plus d’un an, s’est retiré unilatéralement et illégalement du Plan d’action global commun (PAGC), connu aussi sous le nom d’accord sur le nucléaire iranien, en plus d’imposer de dures sanctions contre l’Iran et que Téhéran considère comme une déclaration de guerre économique. Ces gestes de Trump à l’encontre de l’Iran provoquent une tourmente qui balaie les pétroliers, comme l’illustre la détention mutuelle de navires par l’Iran et la Grande-Bretagne. L’administration étasunienne a poussé Londres à s’en prendre à l’Iran en capturant un superpétrolier iranien (le Grace 1) à Gibraltar le 4 juillet, qui a entraîné des représailles réciproques de la part de l’Iran (en capturant un pétrolier britannique dans le détroit d’Hormuz). Alors que les USA et le R.U. se dirigent tout droit vers le précipice en entraînant avec eux l’Iran, le guide suprême iranien, Sayyed Ali Khamenei, a annoncé publiquement « trois orientations » à l’intention des responsables du pays, qui comprennent une feuille de route à suivre même en sa propre absence.
L’Iran a détenu un pétrolier britannique, le « Stena Impero », quelques heures après que la Haute Cour de justice de Gibraltar eut annoncé le prolongement d’un mois de la détention du pétrolier iranien « Grace 1 », qui transporte deux millions de barils de pétrole. Lorsque cette nouvelle est parvenue aux dirigeants iraniens, ils ont réalisé que les efforts de médiation du président français Emmanuel Macron avaient échoué et que l’heure était venue pour l’Iran de prendre les choses en main.
Cela ne signifie pas que l’Iran ferme la porte à la diplomatie française ou aux tentatives d’autres États intermédiaires de désamorcer la situation extrêmement tendue qui s’intensifie quotidiennement au Moyen-Orient, notamment avec l’arrivée de nouveaux navires de guerre britanniques et de forces militaires étasuniennes supplémentaires en Arabie Saoudite.
Le conseiller en chef du président Emmanuel Macron, l’ambassadeur Emmanuel Bonne, s’est rendu à Téhéran ce mois-ci pour rencontrer les dirigeants iraniens, à qui il a promis d’intervenir pour obtenir la libération du superpétrolier iranien Grace 1, et de jouer un rôle de médiation entre Téhéran et Washington.
Selon des sources iraniennes, la détention du superpétrolier iranien est le fruit des efforts des USA pour impliquer davantage l’Europe dans l’offensive étasunienne contre l’Iran. Les USA se cachent derrière Londres et observent le premier affrontement entre le R.U. et Téhéran dégénérer, alors que les forces spéciales iraniennes ont pris la situation en main en confisquant un pétrolier britannique.
Les USA semblent avoir poussé le R.-U. à prendre la décision de détenir le Grace 1 au début de la crise des pétroliers, après que l’Iran eut abattu un drone étasunien. Malheureusement, Londres a accepté de s’impliquer au nom de son allié étasunien, confirmant ainsi davantage les appréhensions européennes ayant trait aux effets du retrait étasunien de l’accord sur le nucléaire, que les pays européens n’ont pas soutenu, puisque l’Iran n’a violé aucune clause de l’accord en 14 mois.
La décision des USA de révoquer l’accord sur le nucléaire iranien et le « maximum de sanctions » imposées à l’Iran ne font qu’augmenter la pression et accroître le danger d’une guerre possible au Moyen-Orient.
Il est clair que l’Iran n’a pas l’intention d’abdiquer devant les sanctions et l’agression des USA. Le Moyen-Orient s’approche d’un « niveau d’alerte maximale » parce que l’Iran se considère déjà en guerre (économique) avec les USA et ses alliés. À ce moment-ci, l’Iran ne fait pas de différence entre la guerre économique imposée par l’administration étasunienne et une guerre militaire : les résultats sont dévastateurs dans les deux cas.
J’ai appris que Sayyed Ali Khamenei s’est réuni avec les dirigeants iraniens et a donné trois directives à suivre par l’Iran, peu importe les difficultés pouvant surgir à tout moment dans l’avenir, en tant que principes arrêtés.
« Les USA semblent conscients de ce que Téhéran planifie et vise. Voilà pourquoi cette administration, comme toutes celles d’avant, veut nuire au développement nucléaire et de missiles de l’Iran et au soutien qu’il accorde à ses alliés, mais en vain », a indiqué la source
Voici les directives de Khamenei :
1 – Adhérence au droit de l’Iran à l’enrichissement nucléaire et à tout ce qui est lié à cette science à tout prix. L’enrichissement nucléaire est un sabre que l’Iran peut brandir au visage de l’Occident, qui veut lui enlever. C’est la carte dont l’Iran dispose pour bloquer toute intention des USA « d’anéantir » l’Iran.
2 – Poursuite du développement des capacités de missiles et des programmes balistiques de l’Iran. C’est l’arme de dissuasion qui empêche ses ennemis de lui faire la guerre. Sayyed Ali Khamenei considère le programme de missiles comme un moyen d’équilibrer le rapport de forces et ainsi prévenir les dommages pour l’Iran.
3 – Soutien des alliés de l’Iran en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen sans jamais les abandonner, parce qu’ils sont essentiels à la sécurité nationale de l’Iran.
Les trois points de Sayyed Khamenei constituent la réponse aux 12 conditions annoncées par le secrétaire d’État Mike Pompeo, qui a demandé au gouvernement iranien d’abandonner ses programmes nucléaires et de missiles ainsi que ses alliés au Moyen-Orient, ce qui priverait l’Iran de tout moyen de défense en le transformant en pays vulnérable.
Les sources ont ajouté ceci : « Sayyed Khamenei a recommandé ces commandements afin de préserver la République islamique d’Iran, et ces trois points sont tout aussi importants pour la protection de l’Iran, la poursuite de son existence et sa sécurité nationale et stratégique. »
L’Iran a commencé à développer ses capacités de missiles sous les sanctions des USA. Il a élaboré son programme nucléaire pendant les 40 ans d’imposition d’un blocus suffocant par les USA. Aujourd’hui, l’Iran a atteint un stade très avancé dans les deux cas, au point qu’il n’abandonnera jamais les deux programmes et continuera d’avancer.
Pour ce qui est de ses alliés, les dernières années ont démontré comment l’Iran et ses alliés au Yémen, en Irak, en Syrie et au Liban ont pu prendre l’initiative au Moyen-Orient et tourner les choses en leur faveur.
Il n’est pas à exclure que Téhéran installe des missiles balistiques à proximité d’ennemis ou de pays qui pourraient être ciblés par ces missiles. Les alliés de l’Iran le défendront au pied levé.
La situation aujourd’hui est la suivante : l’Iran détient le pétrolier britannique « Stena Impero » et ses 23 membres d’équipage à Bandar Abbas, d’ici à ce que le Grace 1 soit libéré. Le commandement central des USA a annoncé qu’il collaborait avec ses alliés pour sécuriser la liberté de mouvement. L’Iran a menacé d’empêcher toute exportation de pétrole de la région du golfe Persique s’il ne peut exporter son propre pétrole. Téhéran a abattu un drone étasunien. Trump a annoncé lui-même avoir abattu un drone iranien (une affirmation niée par l’Iran), se plaçant au même niveau que le Corps des gardiens de la Révolution iranienne, que Trump considère comme un groupe terroriste!
Les USA dépêchent de nouvelles troupes en Arabie saoudite et la Grande-Bretagne envoie d’autres navires de guerre dans le golfe Persique. Tout ce déploiement se fait dans un petit secteur du Moyen-Orient, un détroit tout mince qui peut difficilement être le centre de tant d’événements. La région s’approche d’un niveau d’alerte maximale alors que tous les pays et leurs alliés ont le doigt sur la gâchette au lieu de se rendre à la table de négociations et de respecter les accords signés. Mais il se pourrait que le pire reste à venir.
Photo: Général Mohammad Nazeri