Propos recueillis par Jean Levry – Afriquematin
Trois (3) semaines déjà que l’école ivoirienne (Primaire et secondaire) est paralysée pour cause de grève des Enseignants. Le gouvernement, de son côté, reste toujours muet. Alors le ton monte. « Si l’État de Côte d’Ivoire refuse de nous écouter, il aura année blanche », prévient, dans cet entretien, Ako Nomel, Porte-parole adjoint de la Coalition des syndicats du secteur éducation-formation de Côte d’Ivoire (COSEFCI), faitière syndicale initiatrice de la grève illimitée. Il revient également sur les principales revendications.
Ako Nomel, cela fait à peu près 3 semaines que votre coalition syndicale a lancé une grève qui n’a pas encore d’issue favorable. Comment en est-on arrivé là ?
Face aux difficultés constatées dans le secteur de l’éducation-Formation et pour parler d’une seule et unique voix, il a été constitué une faitière des syndicats dénommée : Coalition des syndicats du secteur éducation-formation de Côte d’Ivoire (COSEFCI). Cette coalition sectorielle regroupe huit (8) organisations syndicales. Nous avons adressé des courriers pour présenter notre plateforme revendicative, c’est-à-dire, nos revendications majeures au Gouvernement qui n’a pas réagi jusqu’à ce que nous introduisions un premier préavis de grève le 10 octobre 2018 pour une grève les 20, 21 et 22 novembre 2018. A la suite de cette grève, le Gouvernement, au lieu de se pencher sur nos revendications, a plutôt durci le ton en brandissant des menaces.
En Assemblée générale du 1er décembre 2018, nous avons jugé bon de reconduire cette grève dès le 22 janvier 2019 ; une grève de 4 jours reconductible de facto.
Quels sont les principaux points de revendications ?
Les points de revendications sont nombreux, mais nous avons retenu ceux qui concernent notre secteur et qui sont propres à nous. Nous avons mis de côté les points de revendications qui sont transversales, c’est-à-dire qui concernent d’autres secteurs.
Le premier point est relatif à l’indemnité de logement pour nous permettre de nous loger dans des conditions décentes. Depuis les années 80, l’indemnité de logement pour les professeurs de collège est de 40 000 Fcfa et de 50 000 Fcfa pour les professeurs de lycée. Pendant ce temps, les loyers ont grimpé de façon exponentielle. Aujourd’hui, pour avoir une maison décente de 3 pièces, il faut 120 000 Fcfa au moins. En tenant compte de la flambée des loyers, nous avons demandé à L’État de Côte d’Ivoire de revoir notre indemnité de logement pour tenir compte de la réalité. C’est ainsi que nous avons proposé au moins 180 000 Fcfa pour les professeurs et 120 000 Fcfa pour les instituteurs.
Le deuxième point de revendication, c’est la suppression du cours du mercredi. C’est une expérience qui n’a pas marché. Il faut que le gouvernement reconnaisse qu’il s’est trompé en instaurant les cours de mercredi puisque cela fait plus de mal que de bien aux enfants et aux instituteurs eux-mêmes. Donc, nous avons demandé, pour respecter une certaine norme pédagogique, de supprimer les cours de mercredi.
Le troisième point concerne les indemnités d’examen. Nous voulons que le gouvernement relève au double les indemnités d’examen. Les copies payées aujourd’hui à 100 Fcfa pour le primaire doivent passer à 200 Fcfa, 150 Fcfa pour le secondaire à 300 Fcfa. Nous demandons également que les surveillants soient rémunérés à hauteur de 5000 Fcfa par jour pour les enseignants qui surveillent.
Le quatrième point de revendication concerne les enseignants ex-contractuels recrutés après la crise. Il s’avère que les 5 derniers mois n’ont pas été payés. Il est vrai que ces contractuels ont été recrutés définitivement dans la fonction publique, mais l’État reste leur devoir 5 mois de salaire. C’est ce que nous réclamons, c’est-à-dire 500 000 F par ex-enseignant contractuel. Aussi, sur ces 3000 enseignants, 97 ont été radiés par faits de grève. Ils ont été radiés mais comme les dispositions ont été prises pour que les 3000 soient recrutés, nous demandons que le résiduel, c’est-à-dire, les personnes qui sont entrées dans la fonction publique après soient réintégrées.
La suppression de l’emploi d’instituteur adjoint constitue le cinquième point de revendication. La raison est qu’aujourd’hui, ils sont recrutés avec le niveau 3è. Nous connaissons tous le niveau des élèves de 3è aujourd’hui. Et c’est ce niveau-là qu’on retient pour aller enseigner des enfants. Quand on sait que les enseignants sont des ingénieurs de l’esprit, celui qui entre dans l’enseignement doit avoir des connaissances intrinsèques suffisantes en plus de la connaissance pédagogique qu’on lui donne afin de bien transmettre le savoir. Nous demandons que l’Etat de Côte d’Ivoire relève le niveau du recrutement des instituteurs en maintenant le niveau à celui du BAC ou Terminale. Pour ceux qui sont déjà en fonction en tant qu’instituteurs adjoints, on peut trouver un mécanisme pour les reverser de façon progressive de l’emploi d’instituteurs adjoints à celui d’instituteurs ordinaires.
Dans une récente déclaration, vous dénonciez une violation des droits élémentaires de l’homme. De quoi s’agit-il réellement ?
Nous avons une de nos camarades, Mme Sagne Kotchy (Enseignante au Lycée Nangui Abrougoua d’Adjamé, ndlr) qui a été arrêtée tout simplement parce qu’elle est secrétaire générale. Elle a été arrêtée et déférée à la préfecture de police où elle a piqué une crise d’hypertension du fait des conditions inhumaines de sa détention. Ce n’est pas normal. Nous tenons le Gouvernement pour responsable de ce qui lui arriverait. Je rappelle qu’elle est en ce moment à l’hôpital de la police nationale en attentant de rejoindre sa cellule.
Après 3 semaines de grève, vous n’avez toujours pas reçu une oreille attentive auprès du Gouvernement. Que comptez-vous faire si la situation reste en l’état ?
Nous avons déclaré une grève illimitée jusqu’à nouvel ordre. Si l’État de Côte d’Ivoire refuse de nous écouter, s’il refuse de créer un cadre d’échanges, il y aura année blanche. Mais, nous ne souhaitons en arriver-là.