Ahoua Don Mello, ministre et porte-parole du dernier Gouvernement du régime précédent, rencontre, ce vendredi 14 septembre 2018, Laurent Gbagbo à la prison de Scheveningen, à La Haye.
Cette visite de compassion va incontestablement prendre l’allure d’une rencontre au sommet entre deux bêtes politiques et deux têtes fortes du FPI.
La crise qui frappe de plein fouet le parti à la rose remet au goût du jour le combat perdu par l’actuel Conseiller spécial en Infrastructures du président guinéen Alpha Condé, pour libérer le parti de l’idolâtrie et du culte de la personnalité.
Se prémunir des dirigeants autocrates.
À sa création en 1988, le FPI a hérité de deux instances presqu’égales en puissance et en pouvoir. Tirant les leçons des dictatures africaines, le 1er Congrès ordinaire (1990) a doté le parti d’un pouvoir, le Secrétariat général, dirigé par Laurent Gbagbo, qui fonctionnait sur une base collégiale, et d’un contre-pouvoir, le Comité de contrôle à pouvoir exécutoire, conduit par Don Mello.
Le Comité de contrôle pouvait annuler les décisions du Secrétariat général lorsque celles-ci ne respectaient pas les textes du parti. L’objectif étant de se garder de dirigeants autocrates, autoritaires et omnipotents.
C’est l’origine des tensions entre Gbagbo et Don Mello dans le fonctionnement du parti. Au Secrétaire général du FPI qui déclarait: « Si je dois piétiner les textes du parti pour avancer, je le ferai », le président du Comité de contrôle le rappelait à l’ordre, en lui opposant le respect scrupuleux des textes du parti.
Ainsi, à la Convention de Bouaké en 1992, le Comité de contrôle a annulé les sanctions prises contre des secrétaires de section dont Paul Ambohalé Ayoman de Yopougon, Yapi Yapi de Gagnoa et Koffi Antoine de Bouaké.
À la Convention de Man en 1994, le Comité de contrôle a retoqué le projet de modification des pouvoirs jugés exorbitants du contre-pouvoir.
Les pleins pouvoirs à un homme fort.
Cette instance de décision entrait définitivement en conflit avec la direction du parti et la tête de Don Mello, mise à prix. Au troisième Congrès ordinaire de 1996, Laurent Gbagbo, soutenu par Pascal Affi N’Guessan et tous les apparatchiks, parvenait à ses fins.
Le FPI passait alors du laboratoire de la démocratie au système du centralisme autocratique qui le paralyse encore aujourd’hui dans le culte de la personnalité.
Les Statuts du parti ont été profondément modifiés avec une présidentialisation de la gestion du FPI. Le parti donnait les pleins pouvoirs à un homme fort qui répondait désormais seul devant le Congrès et le Comité de contrôle, réduit à sa plus simple expression, n’avait plus aucun pouvoir exécutoire.
C’est la lettre et l’esprit de ces textes dont a hérité Affi, devenu président du parti au deuxième Congrès ordinaire en juillet 2001.
De ce fait, le successeur de Gbagbo devenait, lui aussi, un homme fort. Ses décisions controversées ont donc un fondement historique et légal même s’il n’a pas la légitimité historique et l’aura du créateur du parti.
Sortir du désert idéologique.
Sur les champs de ruines, Laurent Gbagbo et Ahoua Don Mello, deux adversaires politiques qui sont parvenus à se retrouver, vont certainement procéder à une analyse froide de la situation, faire l’état des lieux et le bilan de la crise à l’effet d’aider le parti à sortir du désert idéologique où il s’est empêtré et retrouver son unité et son dynamisme.
Au troisième Congrès ordinaire du FPI de 1996 et candidat à sa propre succession, Don Mello jetait l’éponge. Et en annonçant la création de son courant baptisé La Renaissance, il prophétisait: « Je continuerai le combat en interne car je suis convaincu que nous faisons fausse route et que nous creusons la tombe de la démocratie interne ». Il a eu tort d’avoir eu trop tôt raison.
Par F. M. Bally