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CPI/Du 22 au 24 juin 2020, la Procureure, en échec sur le fond, mène une bataille de procédures

Une contribution du Pr Dagbo Raphaël

La réconciliation à laquelle le Président Laurent Gbagbo a appelé est un processus dont les prémisses conditionnent le succès que l’on peut en espérer.

Si, depuis la crise postélectorale, aucune initiative n’a abouti dans le sens d’une véritable réconciliation, c’est parce que les conditions de son succès n’ont jamais été réunies. Beaucoup d’Ivoiriens étaient en exil, certains y demeurent encore actuellement. Plusieurs personnes sont d’ailleurs toujours détenues à cause de la crise de 2010-2011, même si la justice ivoirienne fait flèche de tout bois pour trouver des qualifications de délit. Aujourd’hui, la Côte d’ivoire est divisée dans les cœurs, dans les esprits, voire dans les faits. On parle de bédiéistes, ouattaristes, gbagboïstes, voire  soroïstes… et j’en passe.

Certaines de ces divisions ne montrent d’ailleurs pas de lignes de démarcation idéologiques très claires. On y devine parfois la manifestation d’un instinct grégaire ou d’un suivisme générationnel qui ne présagent rien de rassurant pour le futur. Sur de telles bases, des élections présidentielles ne peuvent qu’alimenter des frustrations ou une volonté de monopoliser le pouvoir d’Etat par peur d’endurer ce que l’on a fait subir aux autres.

Continuer ainsi à enchaîner des présidentielles de pure forme sans se poser la question de savoir quelle Côte d’Ivoire l’on souhaite bâtir ensemble pour les Ivoiriens ressemble à une fuite en avant mortifère. Cette façon de procéder est synonyme d’une plaie purulente sur laquelle on applique des soins sans avoir vidé au préalable l’abcès.

Chacun sait pourtant que ces divisions sont productrices de conséquences incalculables
déjà expérimentées hélas. Cela n’est en rien lié aux personnalités dans lesquelles les uns et les autres se reconnaissent. La réalité est que la communauté ivoirienne n’a pas pris le temps de définir un minimum de consensus qui permettrait d’encadrer les projets de société attendus des futurs candidats aux présidentielles.

Ces élections que les Ivoiriens enfilent ainsi comme des perles conduisent à désigner des personnes et à se fonder sur des institutions qui leur sont imposées par des intérêts extérieurs. Ces personnes et ces institutions ne sont en bonne logique redevables qu’à ceux auxquels elles doivent d’être ce qu’elles sont. Dans ces conditions, les Ivoiriens sont des spectateurs malheureux – et violemment tenus en respect – de la répartition des richesses de leur pays entre les dirigeants et ceux qui les ont installés.

Laurent Gbagbo a toujours eu pour objectif de faire en sorte que son pays dispose d’une autonomie de décision quant à son orientation politique, économique et sociale. A l’occasion de cette crise postélectorale largement construite par des intrigues politiciennes et alimentée à coup de résolutions onusiennes, tout a été mis en œuvre pour que Laurent Gbagbo soit déporté, ainsi que Charles Blé Goudé, à la CPI.

Il s’agissait de tenter de mettre un terme à ce projet sur la base d’accusations chimériques dont ils ont été logiquement innocentés le 15 janvier 2019. Depuis, un appel absolument irrationnel a été interjeté par la Procureure Fatou Bensouda qui fut pourtant, durant ce long procès, incapable d’apporter la moindre preuve de ses accusations. Personne ne comprendrait donc aujourd’hui qu’au terme de l’examen de cet appel la décision d’acquittement soit remise en cause.

La CPI a, ici, une occasion unique et quasiment inespérée de retrouver une crédibilité gravement impactée lors de ce procès. La mise en accusation de Laurent Gbagbo, Chef d’Etat qui n’avait d’autre choix que celui de défendre son peuple sauvagement attaqué ; une instruction du procureur mêlant politique et preuves non étayées ; enfin un appel contre la décision d’acquittement qui ne s’adosse qu’à une procédure formelle… voici la trajectoire chaotique de cette horreur judiciaire qui n’a que trop duré.

La CPI sait qu’elle est issue du traité de Rome qui, lui-même, doit son existence à l’ONU. La raison d’être de cette institution mondiale est de travailler à la paix dans chacun de ses pays membres dont la Côte d’Ivoire.

Ce qu’il faut à l’évidence et de manière diligente dans ce pays aujourd’hui, c’est faire en sorte qu’y soient instituées les conditions d’une réconciliation permettant de sortir les uns et les autres des tranchées des ressentiments.

Pour cela, l’acquittement pur et simple de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, juridiquement justifié et donc attendu, sera un message supplémentaire à l’intention des Ivoiriens pour qu’ils s’approprient le « vivre ensemble » avant une quelconque élection présidentielle qui n’est pas l’essentiel aujourd’hui.

En confirmant l’acquittement, la CPI donnerait une vraie chance à la paix dans ce pays. Dans le même temps, cette cour se remettrait à sa place d’institution judiciaire qui conjure tous les soupçons qu’elle inspire désormais. Elle doit donc s’élever à la hauteur des espoirs qui avaient été placés en elle à sa création ; son existence en dépend.

   Raphaël DAGBO
Président de l’Association des Amis de Laurent Gbagbo

Source : ivoirebusiness.net

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