Nazaire Kadia (analyste politique)
Il en va de la vie des hommes, comme celles de tous les éléments de la nature. Tant que leur utilité n’est pas discutée et que l’on peut s’en servir, on leur voue admiration, en mettant en exergue le caractère nécessaire de leur existence sans laquelle, les choses ne peuvent pas être telles qu’elles sont, ou la vie ne peut se concevoir sans leur présence. Mais dès lors qu’il est possible de se passer d’eux, c’est sans état d’âme, qu’ils sont jetés à la poubelle, et qu’on fait même l’effort d’oublier qu’ils ont été utiles à quelque chose.
Il en est ainsi du parcours politique de M. Soro Guillaume. Etudiant désargenté, il s’est bombé la poitrine pour revendiquer la paternité d’une rébellion dont on sait que l’entretien était largement au-dessus de ses moyens.
Dans un zèle sans aucune commune mesure, Soro Guillaume et ses amis de la rébellion, s’adonnaient à cœur joie, dans leurs projections de faire partir le président Laurent Gbagbo du pouvoir. On le voyait écumer les plateaux de télévisions étrangères, « piaillant et susurrant et plastronnant », déversant et distillant des mensonges sur le gouvernement en place. Il affirmait sans sourciller que sous la gouvernance du président Gbagbo, le port du boubou était interdit. Comme si les imams à cette période officiaient leurs prières, sanglés de costumes trois pièces !
Pour M. Soro Guillaume et ses hommes, Laurent Gbagbo eut cette parole :
« …Vous me combattez pour quelqu’un que vous ne connaissez pas…vous êtes sur le mauvais chemin…les plus chanceux d’entre vous seront jetés en prison, et les plus malchanceux seront tués ou en exil… ».
Spécifiquement pour Soro Guillaume, l’homme a affirmé que ce dernier doit aux armes, ce qu’il était devenu ; le jour où il ne les aura plus, il devra craindre pour sa vie.
Après avoir filé le parfait amour avec le pouvoir en place, connu la richesse et la gloire, successivement premier ministre, ministre de la défense et président de l’Assemblée nationale, M. Soro Guillaume a été contraint à la démission, libérant ainsi le « petit » tabouret qui lui donnait l’impression de compter. Ayant perdu l’influence qu’il avait sur une partie de l’armée, l’homme fut également contraint à l’exil.
Mais avant de se retrouver en exil, il s’était adonné à des confessions qui avaient des relents de regret.
Soro en exil, nombre de ses partisans se sont retrouvés en prison comme Soul To Soul ou Alain Lobognon, d’autres comme Soro Kognon sont passés de vie à trépas.
Aujourd’hui, l’homme, réduit à sa plus simple expression, erre comme une âme à peine en Europe, abandonné par nombre de ses partisans : Soro Kanigui, Alain Lobognon, Soro Alphonse et autre Sékongo Félicien lui ont tourné le dos à leur sortie de prison ou à leur retour d’exil.
Comme si cela ne suffisait pas, jugé et condamné par la justice ivoirienne, l’homme ne peut rentrer au pays.
Dans ses derniers temps, il lui est demandé de se présenter devant la justice française pour répondre d’une plainte déposée contre lui et ses chefs de guerre depuis des années, par M. Michel Gbagbo, actuel député à l’Assemblée nationale. De nombreux ivoiriens avaient pensé que cette affaire était classée. Sa réactivation ces derniers jours, donnent lieu à de nombreuses spéculations. Et aussi paradoxal que cela puisse paraitre, ce sont les militants du Rhdp, ses ex-alliés pour qui il fut un moment, le héros sans peur, qui jubilent et qui espèrent de tout cœur qu’il sera condamné. Et les mauvaises langues affirment que la réactivation de la plainte de M. Michel Gbagbo à Paris, serait l’œuvre de ses ex-alliés.
De son statut de héros et de sauveur, l’homme est devenu le pestiféré qu’on veut voir disparaître.
C’est cela la versatilité des êtres humains. Même le Christ n’y a pas échappé, accueilli triomphalement à son entrée à Jérusalem par une foule en joie, il fut mis à mort des jours plus tard, avec l’approbation de cette même foule. C’est une donne qu’il faut toujours prendre en compte dans les actes à poser, car de la grandeur à la décadence, il n’y a qu’un pas qui peut vite être franchi.
C’est une leçon utile à retenir pour demain. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours et s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’ivraie sera séparée du vrai.