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Côte d’Ivoire/Laurent Gbagbo, au-delà d’un retour…

Par Nazaire Kadia*

Le retour du président Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire après plusieurs années d’incarcération et un long procès couronné par son acquittement définitif le 31 mars 2021, est assurément une grande victoire judiciaire mais également une grande victoire politique ; d’autant plus que le procès à un moment donné avait quitté le temple de Thémis pour se retrouver dans l’arène des gladiateurs : la politique.

Une étape, la plus grande vient donc d’être franchie. Mais comme une course d’obstacles, d’autres obstacles restent à franchir, dont celui du retour au pays natal. D’ores et déjà on peut se réjouir des préparatifs de ce retour, qui réunit tous les partis politiques significatifs de l’opposition ivoirienne et certains membres de la société civile. Cet élan de communion parfaite entre les ivoiriens, n’est pas fortuit. Nombre d’entre eux, sans être de l’obédience politique de Laurent Gbagbo, ne se sentent pas moins concernés par ce retour. Pour eux, le président Laurent Gbagbo n’a pas été déporté à la CPI en tant que militant ou président du Front Populaire Ivoirien (FPI).

En effet, c’est dans la résidence des présidents de la République de Côte d’Ivoire qu’il a subi le bombardement de l’armée française et de l’ONUCI ; C’est en tant que président de la République investi par le Conseil Constitutionnel de la Côte d’Ivoire, qu’il a été arrêté, déporté et jugé à la Haye. De ce fait, son retour ne peut qu’impliquer toutes les personnes de bonne foi.

Toutefois, il ne faut pas se leurrer. Ce retour ne sera pas de tout repos. Le chemin sera parsemé d’embuches et on tentera autant que faire se peut, de limiter l’engouement et la liesse populaire attendue pour espérer également limiter la portée de ce retour et les répercussions qu’il pourrait avoir.

Les signes annonciateurs de ces embuches sont déjà perceptibles. Alors que depuis les manifestations de l’opposition  contre le troisième mandat jugé illégal de l’actuel chef de l’Etat, les manifestations sont interdites sur tout le territoire national, et qu’Il n’y a eu aucune levée de cette restriction de notre liberté, Issiaka Diaby et son groupuscule autoproclamé « victimes de la crise postélectorale de 2010 », peuvent en toute tranquillité et impunité manifester pour dire leur opposition au retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire, et même être l’objet d’un reportage  de la RTI.

De même, l’interdiction du meeting de Damana Pickass à Port-Bouët pour faire place à l’inénarrable Issiaka Diaby et à son groupuscule, est un message des pouvoirs publics qu’on doit pouvoir décrypter sans difficulté. Il est de notoriété publique que le retour du président Laurent Gbagbo au bercail, n’enchante pas tout le monde, et pour cause !

On ne peut pas avoir combattu un homme et son pouvoir huit années durant, au travers d’une rébellion armée, incarcérer cet homme à Korhogo, puis le déporter au-delà des mers avec le secret espoir qu’il n’en revienne pas, et trembler de joie ou sauter au plafond à l’annonce de son retour.

Il serait naïf de croire que ce sentiment animera tout le monde et qu’un tapis rouge sera déroulé au président Laurent Gbagbo. C’est une donne qu’il faut prendre en compte et intérioriser.

Au-delà de l’aspect festif qui transparait dans les préparatifs du retour attendu du président Laurent Gbagbo, l’opposition ivoirienne doit d’ores et déjà se projeter dans le court, le moyen et le long terme au plan politique. Elle doit mettre à profit cette opportunité pour se faire une nouvelle jeunesse, se réorganiser pour constituer une véritable force à même de compter dans le rapport avec le pouvoir.

Le retour de Laurent Gbagbo sur l’échiquier politique ivoirien doit permettre de donner une orientation nouvelle à la lutte. Pour ce faire, il va falloir prendre en compte les erreurs, les hésitations et les silences observés lors des manifestations contre le troisième mandat. Cela passe par la définition d’une stratégie claire, facilement assimilable et compréhensible pour le militant lambda. Cela suppose également que les partis politiques se départiront des calculs politiciens, des intérêts nombrilistes et partageront une vision commune à l’effet de constituer une alternative crédible avec un seul but : le départ du RHDP.

Il a été annoncé que : « …viendra le temps où les ivoiriens pour qui la terre et la nation ont un sens se retrouveront face à ceux qui travaillent pour l’extérieur… ». Ce temps est…arrivé. Et s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.

*Analyse politique

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