Plus de onze semaines après son apparition sur le continent le 14 février en Egypte, le séisme sanitaire tant redouté par de nombreux responsables ne s’est, à ce jour, pas produit.
L’Afrique concentrant 17 % de la population mondiale, enregistrait depuis le lundi 4 mai plus de quarante-quatre mille contaminations, soit 1,2 % du total mondial et plus d’un millier de morts soit 0,7 %, selon un quotidien diffusé par le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), basé à Addis-Abeba.
Aurait-on péché par excès de catastrophisme ? D’un simple point de vue statistique, l’Afrique inflige un cinglant démenti à des prédictions comme celle qu’énonçait un rapport de la commission économique de l’Union africaine (UA), au mois d’avril, anticipant plus de trois mille morts même si le continent adoptait des mesures maximales de précaution elle en est très loin.
L’inquiétude sourd néanmoins. La courbe des contaminations rapporte une augmentation des cas d’environ 40 % par semaine. La dynamique demeure à la hausse. La répartition par régions souligne l’exposition particulière de l’Afrique du Nord.
Au regard de son poids démographique (15 % de la population continentale), celle-ci est surreprésentée dans le tableau des contaminations (38 % du total africain) mais surtout dans celui des décès (62 %). Deux autres régions retiennent l’attention en raison d’une vitesse de progression de la pandémie supérieure au rythme moyen du continent : l’Afrique centrale (+ 58 % par semaine) et l’Afrique de l’Ouest (+ 51 %).
Zones d’ombre
Aussi la tendance conforte-t-elle les autorités médicales africaines dans leur discours d’alerte. Le directeur de l’Africa CDC, John Nkengasong avait très tôt averti que l’Afrique devait « se préparer au pire », et a-t-il appelé également à maintenir une vigilance intacte.
La prudence des autorités se nourrit des zones d’ombre qui n’en finissent pas de brouiller la photographie de la contamination. Les chiffres officiels, relativement bas en Afrique au regard de la tendance observée ailleurs, sont-ils crédibles ? Ne souffrent-ils pas de sous-évaluation ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la faible disponibilité des tests diagnostiques sur le continent qui est de neuf (9) pour 10 000 habitants, contre deux-cents (200) en Italie, laisse en effet des pans entiers de la population hors d’atteinte des statisticiens, notamment au sein d’une jeunesse généralement asymptomatique. Cette sous-évaluation statistique n’enlève toutefois rien au constat général, fruit du vécu quotidien, que l’Afrique n’est pas balayée par le fléau épidémique du Covid-19.
L’exception éthiopienne
Comment l’Afrique a-t-elle pu échapper aux turbulences qui ébranlent l’Europe et les Etats-Unis ? Dès la genèse de la crise, la faiblesse relative de son insertion dans les réseaux mondiaux de circulation des personnes l’a protégée.
Le lien s’impose d’évidence. A l’heure de l’essor de la « Chinafrique », les connexions en pleine expansion entre le continent et la Chine – ont sans nul doute constitué un véhicule initial. Mais la croissance de ce lien sino-africain, si elle a été spectaculaire, est toutefois restée très inférieure à l’explosion des échanges entre l’Europe et la Chine.
L’étude faisait ressortir que les trois pays africains les plus exposés étaient l’Egypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud. De fait, ces pays se sont révélés parmi les plus contaminés du continent, concentrant à eux seuls près de 40 % du total africain. L’apparente causalité souffre toutefois d’une exception majeure avec l’Ethiopie, très connectée à la Chine mais étrangement peu affectée par le Covid-19 (seulement 140 cas).
Le débat sur l’insertion de l’Afrique dans la circulation mondiale des personnes n’éclaire toutefois qu’une faible partie du processus de contaminations sur le continent. Car les premiers cas importés n’ont pas essaimé localement dans des proportions comparables à l’Europe, où la propagation a été autrement fulgurante.
Le facteur « jeunesse »
L’exposition régulière à ces épidémies a aussi pu avoir des effets physiologiques renforçant la résistance aux virus. Le facteur « jeunesse » est aussi souvent invoqué pour expliquer la faculté de l’Afrique à faire front. Le taux de létalité du Covid-19 sur le continent qui est de 4,4 %, inférieur à la moyenne mondiale de 6,9 %, n’est sûrement pas étranger au fait que l’Afrique est la région la plus jeune de la planète, avec un âge médian oscillant 19ans plus de deux fois inférieur à celui de l’Europe qui est de 42 ans.
Ce facteur « jeunesse » explique aussi les variations au sein même du continent. L’Afrique subsaharienne enregistre ainsi un taux de létalité de 2,5 % très inférieur à celui de l’Afrique du Nord qui est de 7,2 %, un décalage qui n’est pas sans lien avec la plus grande jeunesse de la première dont l’âge médian est de 18,7 ans, contre 25,5 ans.
Au bout du compte, une série d’atouts pourraient avoir été sous-estimés par l’afro-pessimisme qui a dominé les prédictions relatives à l’impact du Covid-19 sur le continent. A l’heure où certains pays africains ont commencé à assouplir les dispositifs de confinement, le débat promet de s’aiguiser.
Faut-il remarquer que le continent africain ne compte que 1,2 % des cas de Covid-19. Cela s’explique notamment par sa faible insertion dans les réseaux internationaux et par la jeunesse de sa population faisant bien meilleure figure que l’Europe ou les Etats-Unis.
Source : lemonde.fr