COMMUNIQUE DE PRESSE
Le lundi 7 mai 2018, un ami, par ailleurs avocat au barreau du Ghana, m’a informé avoir eu connaissance, de façon incidente, de l’existence d’un autre mandat d’arrêt international émis par les autorités ivoiriennes contre moi et transmis aux autorités ghanéennes. Le même mandat a été également transmis aux autorités du Togo et du Bénin. Cet ami, par ses propres moyens, a réussi à avoir une copie dudit mandat d’arrêt international. Mes bras m’en sont tombés après lecture de celui-ci.
Dans ce mandat d’arrêt, l’on m’inculpe pour des faits de déstabilisation allant de 2012 à 2017, sur la base des dires d’un certain Yedagn Louis Jacques alias Méité Souleymane. Ce dernier aurait dit, lors de son interpellation, qu’il aurait participé à une réunion au Ghana avec un pasteur nommé ZOUAME, exilé au Ghana ; qu’au cours de cette réunion, ce pasteur « révélait que KONE Katinan Justin donnait directement des instructions aux chefs de guerre du nord ».
Sur la base de cette information, le juge d’instruction, Kra Ndri, a émis un mandat d’arrêt international contre moi.
Comme l’on peut le constater, une personne, qui ne m’a jamais rencontré, dit avoir participé à une réunion, sans en préciser la date, à laquelle je ne participais pas, et qu’il aurait entendu, au cours de ladite réunion, une autre personne dont l’identité n’est même pas connue, du moins celle-ci se résume à une appellation (ZOUAME) sans que l’on ne sache s’il s’agit d’un nom, d’un prénom ou même d’un surnom, dire que j’aurais donné des instructions « aux chefs de guerre du Nord », sans que lesdits chefs de guerre, eux non plus, ne soient identifiés, et la nature des instructions, elle non plus ne soit précisée. Sur cette base et seulement celle-ci, un juge ivoirien a pu émettre un mandat d’arrêt international contre moi.
Mon ami m’a informé de ce que cet autre mandat est le troisième délivré contre moi et transmis aux autorités ghanéennes depuis le début de l’année 2018. Un premier mandat d’arrêt international, me concernant, a été remis aux autorités ghanéennes dès janvier 2018. Ce mandat reprenait à l’identique, à tout point de vue, celui émis en 2012 et qui avait justifié mon arrestation et mon procès pour extradition qui avait duré plus d’un an. Une telle affaire, définitivement jugée, ne peut en aucun cas être rappelée devant n’importe quelle juridiction ghanéenne.
Le second mandat, reprenait, aux dires de mon ami avocat, mutatis mutandis, l’affaire dite de la BCEAO après le jugement rendu par le tribunal de première instance d’Abidjan. Ce jugement, ayant violé mes droits élémentaires en ce que je n’avais pas été informé de ma convocation devant cette instance, mes avocats à Abidjan y ont fait opposition. L’opposition bloquant les effets dudit jugement, c’est donc avec une grande surprise que j’apprends qu’un mandat a été émis contre moi sur la base de celui-ci.
Faut-il le rappeler, ce troisième mandat de l’année 2018 intervient tout juste quelques semaines après la visite nocturne, par un commando, de mon domicile qui a été fouillé de fond en comble et pillé. Les policiers ghanéens qui mènent l’enquête sur cette affaire, se fondant sur le mode opératoire utilisé par les visiteurs indélicats, soupçonnent une opération autre qu’un vol classique.
Depuis juin 2012, ce dernier mandat constitue le quatorzième des faits et actes posés à mon encontre et qui sont de nature à perturber ma vie en exil
Pour moi, il ne fait l’ombre d’aucun doute, l’instrumentalisation de la justice de mon pays contre moi ne vise qu’une seule chose : attenter à ma vie pour des « motifs politiques », comme textuellement relevé par le juge ghanéen, dans sa décision du 30 Août 2013, pour motiver le rejet de la demande de mon extradition formulée par le gouvernement ivoirien.
Devant tant de persécutions, émanant d’actes graves de violation des droits de l’homme perpétrés contre moi, j’ai décidé de porter mon cas devant les instances internationales chargées de la protection des droits de l’homme en général, et ceux des réfugiés, en particulier. A cette fin, j’ai constitué maître Josette Kadji, avocate au barreau du Cameroun et domiciliée à Douala, à l’effet de mener, pour mon compte, les missions suivantes :
– 1er. Saisir le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) à Genève pour l’interpeller sur les persécutions dont je suis victime de la part du gouvernement ivoirien pour des raisons politiques.
– 2ème. Porter la même affaire devant la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) à Banjul (Gambie) et devant la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples à Arusha (Tanzanie).
– 3ème. Interpeller le HCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés), notamment son département chargé de la protection des réfugiés, sur les nombreux cas de violation de mes droits, en tant que réfugié, pour des motifs politiques ; la décision de la justice ghanéenne du 30 Août 2013 faisant foi.
– 4ème. Entreprendre toutes les initiatives et approches, qu’elle jugera pertinentes, pour défendre la protection de mes droits de réfugié constamment violés par le gouvernement ivoirien pour les mêmes motifs politiques.
Mes requêtes à l’internationale sont sans préjudice du droit que je me réserve d’entreprendre des actions auprès des autorités ghanéennes pour leur exprimer mon ras-le-bol devant tant de persécution de la part du gouvernement ivoirien, laquelle persécution porte atteinte à mes droits de réfugié à la protection desquels elles se sont astreintes en m’accordant le statut de réfugié, comme l’a également relevé le juge ghanéen dans sa décision précitée.
Ayant été interdit de séjour, pour des raisons politiques, dans ma région natale de septembre 2002 à mars 2007 à cause de la rébellion créée par les tenants actuels du pouvoir, fui mon pays le 13 avril 2011 pour échapper à une mort certaine pour des raisons politiques, je n’entends point fuir le Ghana, mon pays d’accueil, pour les mêmes motifs politiques. Ce faisant, je ferais montre d’ingratitude vis-à-vis du gouvernement et du peuple ghanéens, qui n’ont jamais exprimé, sous quelque forme que ce soit, une hostilité collective et généralisée à l’égard des réfugiés ivoiriens qui vivent sur leur sol depuis plus de 7 ans. Mon pays, la Côte d’Ivoire, me manque, et je suis pressé d’y retourner, mais pas de manière forcée.
J’entends me battre pour mettre définitivement fin à cette politique de haine menée contre moi depuis plus d’une décennie. Trop, c’est trop.
Justin Katinan KONE
Ancien ministre
Porte-parole du Président Laurent GBAGBO
Vice-Président du FPI
Vice-Président de la Coordination du FPI en exil