Voilà huit jours que Maurice Kamto, le numéro 1 de l’opposition, est en prison, suite à la présidentielle du 7 octobre 2018 dernier dont ses partisans contestent les résultats officiels dans la rue. Pour Olivier Bibou Nissack, son porte-parole, cette arrestation n’est pas nécessairement.
Avec l’arrestation de Maurice Kamto est-ce que votre combat ne devient pas de plus en plus difficile ?
L’arrestation du président élu, du président élu en dehors de toute fraude électorale, Maurice Kamto, ne rend pas le combat plus difficile, bien au contraire. Il attire les regards sur la forfaiture qui est ici dénoncée par lui, dans le cadre du Plan national de résistance.
A la suite de cette présidentielle du 7 octobre, vous avez organisé, le 26 janvier, des manifestations dans plusieurs grandes villes du pays. Mais elles n’étaient pas autorisées, du coup, le pouvoir parle de provocation.
Les manifestations obéissent à un régime, et constitutionnel et légal, clair, au Cameroun. Alors, dans notre cas, en essayant l’exercice du dépôt des déclarations, nous avons essuyé, au moment où je vous parle, de façon systématique, plus d’une centaine de fins de non-recevoir.
C’est-à-dire que depuis cette date du 7 octobre, à chaque fois que vous demandez l’autorisation de manifester, celle-ci vous est refusée ?
Sur plus d’une centaine de demandes, il y a plus d’une centaine de fins de non-recevoir. Je suis clair là-dessus.
Et le pouvoir vous reproche tout particulièrement d’avoir inspiré la mise à sac des ambassades du Cameroun à Paris et Berlin.
Vous savez, quand on va se balader au village de la fraude électorale, on finit toujours par se retrouver au pays de « et si je mentais ». Cette facilité à dire des inexactitudes, à porter de fausses accusations, qui s’est d’ailleurs illustrée dans l’usage de faux procès-verbaux accréditant de faux résultats présidentiels au Cameroun, cela, nous n’en attendions pas moins de la part du régime. Le gouvernement illégitime de Yaoundé incrimine d’abord et ensuite procède à une enquête. Non seulement c’est une accusation fallacieuse, mais elle n’est pas fondée, parce que le Plan national de résistance repose sur le recours exclusif à la non-violence et à des manifestations pacifiques.
Mais le ministre de la Communication, René Sadi, affirme que les militants de l’opposition qui ont mis à sac ces deux ambassades se réclamaient du MRC, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun, votre parti ?
Nous récusons l’emploi du terme « militant ». Nous le récusons formellement et farouchement. Ce ne sont pas des militants du MRC, en tout cas.
Alors, de qui s’agit-il ?
Que les enquêtes nous permettent de le savoir.
Et quelle est la position de Maurice Kamto par rapport à ces manifestants de Paris et de Berlin ?
Maurice Kamto a été clair. Il ne peut pas apporter sa caution à des mises à sac ou à des destructions d’édifices publics, peu importe lesquels.
Pour l’instant, Maurice Kamto est en garde à vue administrative. S’il arrivait d’être inculpé pour « insurrection », « rébellion », voire « hostilité à la patrie », est-ce que vous ne craignez pas qu’il soit condamné à une lourde peine et qu’il reste longtemps en prison ?
Le prisme sous lequel nous regardons cette affaire, c’est l’attitude de Maurice Kamto, qui est irréprochable. Et donc, qui, au regard de la loi, ne peut pas aboutir à une incrimination ou à une inculpation de quelque nature que ce soit. Si Maurice Kamto est reconnu l’auteur d’une marche pacifique et s’il est reconnu avoir fait usage des droits civiques et politiques qui lui sont dévolus, il sera probablement très vite relaxé le moment venu. Maurice Kamto est serein, a sa conscience tranquille et est prêt à ce que la justice soit rendue, car elle ne peut être qu’en sa faveur.
Donc pour vous, il n’y a rien dans le dossier judiciaire contre Maurice Kamto ?
Le dossier est totalement vide, étant donné qu’au niveau des manifestations qui ont été menées dans le cadre du Plan national de résistance et notamment la marche blanche du 26 janvier, il n’y a eu, sur l’ensemble du territoire national, que des manifestations pacifiques, avec des manifestants qui, lorsqu’ils étaient menacés d’être chargés par les forces de l’ordre, appliquaient les consignes. Et les consignes étaient : « Vous vous asseyez, ou alors vous levez les bras au ciel et vous chantez l’hymne national ». Les manifestants ont suivi la consigne.
Comment réagissez-vous du fait que le ministre camerounais de la Communication affirme que le gouvernement n’a rien contre le MRC et n’a nullement l’intention de décapiter ce parti ?
Nous pensons que le ministre du gouvernement illégitime en question fait de l’humour et c’est un humour de mauvais goût. Parce qu’au moment où nous parlons, le MRC fait, en effet, partie d’une sorte de programme ciblé de décapitation.
Depuis le 26 janvier 2018, les réactions internationales sont timides. Est-ce que vous êtes déçu ?
Nous ne sommes pas déçus, parce que le Plan national de résistance se fonde sur la capacité de résilience des Camerounais. Maintenant, au-delà de cela, si au plan international nous pouvons observer quelques contradictions, une sorte de deux poids, deux mesures, ceux qui se montrent les auteurs de ce « deux poids, deux mesures » répondront en âme et conscience, lorsque le moment sera venu. Nous avons bien vu qu’il y a des partis pris pour le respect de la démocratie, qui se sont manifestés ailleurs, mais qui ne se sont pas manifestés au Cameroun.
Quels sont les pays où vous trouvez que la communauté internationale est plus réactive ? Et êtes-vous un peu déçu de ce point de vue?
Je me souviens que dans le cas du Venezuela, dans le cas de la RDC, cela se passe de tout commentaire, les pays qui se sont illustrés à cette occasion-là. En ce qui nous concerne, ce point de vue, nous constatons et nous sommes étonnés.