Par Nazaire Kadia*
La semaine écoulée, s’est ouvert le procès du seigneur du Mont Péko, Amadé Ourémi le supplétif des FRCI, impliqué dans le massacre des Wè à Duékoué. Autre lieu autre procès, le mercredi 31 mars 2021 à la Haye, le procès du président Laurent Gbagbo et du ministre Blé Goudé, a connu son épilogue avec leur acquittement total.
En attendant d’être situé sur l’issue du procès ouvert contre Amadé Ourémi, un autre procès s’ouvre actuellement en France, celui des pilotes, présumés auteurs du bombardement à Bouaké qui a coûté la vie à neuf (9) soldats français et à un civil américain en 2004.
Pour rappel, après la tentative de coup d’état mué en rébellion qui a divisé le pays en deux parties, le Nord contrôlé par la rébellion et le Sud par le gouvernement légal et légitime de Côte d’Ivoire, des pourparlers ont abouti à un accord où chacun des belligérants avait des obligations à remplir. Après avoir honoré tous ses engagements pris au cours de ces pourparlers, le président Laurent Gbagbo remarquera à son corps défendant que la rébellion n’était pas disposée à honorer le principal engagement pris : le désarmement.
En outre, la rébellion avait mis le nord du pays en coupe-réglée, s’adonnait à toute sorte de trafics, commettait des exactions sur les populations et surtout la surenchère à laquelle elle s’adonnait en conditionnant son désarmement à celui de l’armée régulière.
Excédée, l’armée régulière lança l’opération « DIGNITE » pour en finir avec la rébellion. Au bout de trois jours de bombardement intensif avec des frappes chirurgicales, la rébellion était en déroute et ses principaux animateurs en fuite. Au troisième jour du bombardement, un local abritant des soldats français a été touché. Le bilan était de neuf soldats français et un civil américain tués.
Sans avoir pris attache avec son homologue ivoirien, le président français Jacques Chirac, ordonna la destruction des aéronefs ivoiriens. Ce que firent avec délectation les soldats français et qui mit fin à l’opération Dignité. Cela a aussi permis aux rebelles de revenir prendre pied à Bouaké.
La destruction des aéronefs ivoiriens a suscité émoi et colère des populations ivoiriennes. Elle est à l’origine de la « confrontation » devant l’Hôtel Ivoire où des snippers français ont tiré sur les jeunes ivoiriens comme des lapins faisant une soixantaine de morts.
Si la mort des jeunes ivoiriens par des soldats français n’a ému personne à travers le monde, celle des neuf (9) soldats français donne lieu aujourd’hui à un procès. Mais les juges qui avaient en charge le dossier des soldats tués, se sont toujours heurtés à un mur au nom de la raison d’Etat. Toutes les demandes de déclassification de documents pouvant leur permettre d’appréhender des pans entiers du dossier ont reçu une fin de non-recevoir.
Me Jean Balan, avocat des familles des soldats tués, qui ne croyait pas au story telling officiel, ne fut pas plus heureux. Ses requêtes pour que les ministres De Villepin (Intérieur), Barnier (Affaires étrangères) et Alliot-Marie (Défense) en activité à l’époque de la tragédie, soient poursuivi par la justice à l’effet de faire la lumière sur cette affaire, n’ont pas prospéré.
Au moment où s’ouvre le procès dont les principaux accusés ne sont pas dans le box (des accusés), à quoi peut-on objectivement s’attendre ? A rien. C’est juste une parodie pour donner le change aux familles des défunts, au peuple français, se donner bonne conscience et avoir l’honneur sauf.
Pourra-t-on un jour savoir ce qui s’est réellement passé ? Saura-t-on un jour qui a donné l’ordre de bombarder le local où étaient les soldats français, alors qu’ils ne devraient pas y être ?
Assurément demain n’est pas la veille. En tout état de cause, les familles des soldats tués, n’auront que leurs yeux pour pleurer ; la raison d’Etat et les intérêts de la France sont au-dessus de la vie de neuf petits soldats.
Mais quand on aura fini cette parodie de procès, il faudra qu’on en vienne maintenant aux tueries de l’Hôtel Ivoire perpétrées par des soldats français. Une vie est une vie, une mort vaut une autre mort. On ne pourra pas et on ne doit pas passer ces crimes par pertes et profits.
Le sang des jeunes ivoiriens tombés devant l’Hôtel Ivoire crie justice pour demain. Demain est certes un autre jour mais demain arrive toujours. S’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir et l’Ivraie sera séparée du vrai.
* Analyste politique