Ces dernières semaines ont été particulièrement marquées par des déclarations à visée africaine du groupe extrémiste Etat islamique. L’organisation qui a perdu ses repères au Moyen-Orient a du moins revendiqué plusieurs attaques sur le continent, de quoi éveiller autant de craintes que d’interrogations.
Mardi soir, le SITE Intelligence Group spécialisé dans la surveillance des sites internet islamistes publiait un communiqué dans lequel l’organisation revendiquait une attaque dans l’extrême-nord du Mozambique, où l’insurrection d’un groupe armé aux contours mal connus a déjà fait plus de 200 morts. Il s’agissait alors de la première revendication de Daesh avec l’ancienne colonie portugaise.
« Les soldats du califat ont pu repousser une attaque de l’armée mozambicaine des croisés dans le village de Metubi », dans le nord du Mozambique lundi, a affirmé le groupe EI. « Ils les ont affrontés avec une variété d’armes, tuant et blessant un certain nombre d’entre eux (….). Les moujahidine ont saisi des armes, des munitions et des roquettes comme butin », a indiqué le communiqué.
Le même jour, à quelques heures seulement d’intervalle, Daesh clamait également avoir mené une attaque dans la région instable de l’Est de la République démocratique du Congo. À Beni, ville qui aurait été le théâtre du massacre, l’EI affirmait « avoir ciblé l’armée congolaise à Beni, tuant ou blessant 25 personnes ». C‘était la troisième attaque que revendiquait le groupe extrémiste en moins de deux semaines, dans cette partie de la RDC.
“Propagande”
Une multiplication de revendications qui suggère, selon les experts, que le continent africain est désormais au cœur de la stratégie de l’Etat islamique qui cherche à compenser la disparition de son califat physique en Irak et en Syrie. Pour étayer cette thèse, les experts rappellent la dernière vidéo du leader de l’EI, Abu Bakr al-Baghdadi, qui a explicitement appelé ses partisans à intensifier les attaques contre la France et ses alliés dans la région du Sahel. À l’occasion, il avait souligné l’allégeance de groupes extrémistes venus du Mali et du Burkina Faso, et évoqué pour la première fois la « province de l’Afrique centrale ».
Toutefois, experts et analystes nuancent leurs propos. Les sorties régulières de l’EI visant l’Afrique – ou encore d’autres pays comme le Sri Lanka récemment – ne pourraient être qu’une simple campagne de propagande pour prétendre une quelconque expansion à travers le monde, en prenant désormais pour cible les conflits locaux.
« Au moment où ils ont perdu leur Etat, leur armée, leur administration, l’EI essaie de montrer qu’il a des liens avec des groupes d’un peu partout dans le monde. Ils ont toujours un site internet et ils essaient de dire + On n’existe plus, mais maintenant on est partout +. Mais dans le fond, c’est purement de la propagande », assure à l’AFP un expert sous le couvert de l’anonymat.
Cocktail explosif
Au Mozambique, par exemple, le mystérieux groupe armé qui se fait appeler « al-shabab » – les jeunes en arabe – prône une application stricte de la loi islamique. Et depuis fin 2017, ils ont lancé une intifada contre le régime mozambicain. Quant à la RDC, les revendications de l’Etat islamique se fondent dans un conflit vieux d’une vingtaine d’années entre le gouvernement de Kinshasa et les rebelles islamistes ougandais de l’ADF. Ces derniers sont crédités de plusieurs milliers de morts dans la région de l’Est congolais et soupçonnés de recevoir le financier de l’EI. Un livre sur l’administration d’un califat publié par l’EI a par exemple été récupéré sur le corps d’un combattant de l’ADF.
Mais jusque-là, aucune preuve concrète ne tend à confirmer un lien étroit entre ces groupes extrémistes et l’EI, surtout que leurs capacités sont restées les mêmes. C’est surtout que dans ses dernières revendications, l’EI s’est laissé allé à quelques grossières erreurs. Au Mozambique, notamment, le groupe affirme que le village de Metubi, où se seraient produits les affrontements, se situe dans la région de Mocimboa. Or, Metubi se trouve dans le district de Quissanga, à une centaine de kilomètres de Mocimboa.
Quoi qu’il en soit, si ce lien venait à se solidifier, il serait une menace sûre pour les régions centrale et orientale de l’Afrique où l’insurrection islamiste mêlée à une géopolitique instable pourraient constituer un cocktail explosif.