La pollution de l’air des villes africaines est très préoccupante, la directrice de recherches au CNRS, au laboratoire d’aérologie de Toulouse, Catherine Liousse commente le dernier rapport que vient de publier une société suisse-, spécialisée dans ce type de recherches.
A en croire les résultats d’un rapport publié sur la pollution de l’air en Afrique, la ville de Ndjamena est la plus touchée au monde par cette catastrophe naturelle aux microparticules, plus d’une dizaine de fois plus que le seuil recommandé par l’OMS. N’est-ce pas assez incroyable ?
Les chiffres paraissent incroyables, mais moi, ça ne m’étonne pas au-delà, parce que je l’ai montré ailleurs. Sur toute l’Afrique de l’Ouest, alors là avec des capteurs bien calibrés, on a montré que les concentrations en particules fines étaient 3 à 15 fois supérieures à la norme de l’Organisation mondiale de la santé (Oms). On a fait des mesures à Bamako, -qui n’apparaissent pas.
Cette ville a des concentrations aussi importantes qu’à Dakar, qu’à Ouagadougou. On a fait des mesures au Cameroun-et dans plusieurs villes qui ont toutes dépassé de 3 à 15 les normes Oms. Et ce n’est pas comme en Europe des pics de pollution, ce sont des pollutions qui sont constantes, c’est du long terme -pour plusieurs raisons.
Quelles sont ces raisons ?
Déjà, nous avons une démographie galopante ces dernières années. Par exemple, si on regarde à Dakar, on a augmenté d’un million la population de Dakar de 2007 à 2017. Donc qui dit augmentation de la population dans les villes dit forcément activités anthropiques qui sont développées.
Pour n’en citer que quelques-unes, il y a le trafic qui est incontrôlé. Il y a des feux domestiques avec le charbon de bois, le bois, etc. Il y a les déchets urbains qui représentent une grande source de pollution, qui sont brûlés. Il y a les industries. Cela fait un cocktail de pollution urbaine.
Mais associées à ça, la plupart des villes africaines sont sous les vents finalement du désert et des particules qui arrivent du désert, pour tout ce qui est Afrique de l’Ouest et centrale, et qui viennent se rajouter à la pollution anthropique, associée à des conditions physico-chimiques de température et d’ensoleillement qu’on connait, tout cela fait un cocktail de polluants qui est très important pour l’Afrique.
On parle souvent des pots d’échappement, beaucoup moins de l’utilisation du charbon de bois dans les ménages. Cela ne constitue-t-il pas un vrai problème ?
Le charbon de bois et le bois sont des grands émetteurs de particules, et de particules fines. Effectivement, ils contribuent beaucoup à la pollution intérieure par exemple, sachant qu’en plus, souvent les cuisines sont peu ou pas ventilées. Donc, les habitants, surtout les femmes, respirent cette pollution toute la journée et cela a des conséquences sanitaires importantes.
Que faut-il craindre pour la santé des habitants avec de tels dépassements ?
Les particules fines pénètrent dans l’appareil respiratoire et elles vont donc avoir des impacts sur l’inflammation des cellules, et ensuite conduire vers des maladies. Nous, on a fait un calcul à l’échelle de l’Afrique : il y aurait un million de morts par an, liés à cette pollution, un million de morts avec des maladies respiratoires et des maladies cardiovasculaires, etc.
Les villes de Ouagadougou, Kinshasa, Abidjan et Dakar sont citées, mais de nombreuses entre elles qui sont aussi africaines ne sont pas citées dans un rapport comme celui-là. Faute de données, seulement 19 pays sur 54 disposent d’un système de surveillance de la qualité de l’air. Cela est-il encore possible ?
Effectivement le manque de données effectivement sur l’Afrique est criant, et ça c’est évident. Un vrai réseau de qualité de l’air comme nous avons en Europe, ça il y en a très peu, il n’y en a même pas 19 sur 54, un vrai réseau avec des mesures comme nous avons en France avec le réseau de l’Agence de la transition écologique à Paris, (Ademe).
Il faut citer également celui de Dakar qui marche depuis plus d’une dizaine d’années. Mais ça va plus loin que le manque de données sur la pollution de l’air. Ça va aussi sur par exemple compter le trafic, compter les activités domestiques, tout ce qui est en amont de la pollution, pour pouvoir réduire cette pollution.
Y-a-t-il des solutions appropriées à proposer par des gouvernants ?
Plus il y aura de données, plus les gouvernements seront à même de vouloir proposer des solutions. Il faut multiplier les mesures, multiplier les coordinations de réseaux qui existent aujourd’hui et qui se développent pour pouvoir proposer des solutions de réduction de la pollution, parce qu’on voit que, si finalement on ne fait rien sur cette pollution, la pollution continuera d’augmenter.
On peut imaginer qu’en 2030, elle sera multipliée par 4 sur l’Afrique si rien n’est fait avec 200. 000 morts en plus sur les 1 million qu’on disait tout à l’heure. La population souffre et va souffrir de plus en plus de cette pollution aux particules fines dans les villes africaines.
Source: rfi.fr