Interview/ Antoni Garou, Maire de Ouragahio : « L’Etat de Côte d’ivoire réduit les Maires à d’éternels mendiants »
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Par Morrys Ouayou- Afriquematin.net
Les élections municipales en Côte d’ivoire ont eu lieu le 13 octobre 2018. Une année après avoir pris les reines de la Mairie de Ouragahio, nous avons rencontré le Maire Antoni Garou. Interview.
Bjr M. le Maire, qui est Antoni Garou ?
Je suis Antoni Garou, natif du village de Zébizékou dans la Commune de Ouragahio. Administrateur en Chef des Services financiers des Impôts. Je suis Maire de Ouragahio depuis le 13 octobre 2018.
Après une année passée à la tête de la Commune de Ouragahio, s’il y avait un bilan à dresser, que diriez-vous aujourd’hui?
Je dirais que c’est trop tôt pour dresser un bilan. Je suis élu pour cinq ans, mais c’est pratiquement en décembre 2018 que nous avons pris les reines de cette Commune après les élections qui ont eu lieu le 13 octobre 2018. Nous sommes donc à six (6) mois d’exercice de notre activité. Mais je peux déjà dire que les choses vont bon train. Pendant la campagne électorale, nous avons promis à nos populations de faire de Ouragahio une véritable ville. N’oublions pas que Ouragahio, devenu Sous-préfecture en 1961, est comme ce gros village qu’il faut transformer en ville. Nous avons vraiment pris des engagements dans ce sens-là. Devenu Commune en 1985, Ouaragahio est resté, après 30 ans, un gros village qu’il faut donc bâtir. Je ne dis pas que mes prédécesseurs n’ont rien fait ! Mais à chaque époque une nouvelle génération. Et donc de nouveaux défis à relever à chaque époque. Mes prédécesseurs ont fait ce qu’ils avaient à faire avec les moyens dont ils disposaient. Je les félicite et je salue ici leurs actions. A notre tour, nous allons faire ce que nous avons promis avec nos moyens. Pour tout dire, nous avons pris cinq grands engagements pendant la campagne: La transformation de Ouragahio en véritable ville. Nous allons créer une nouvelle ville à côté de l’ancienne que nous allons nommer la ‘’Cité de la Diaspora’’ en collaboration avec notre Diaspora externe comme interne. Nous avons déjà rencontré nos parents qui vivent dans l’hexagone ; ils sont favorables et saluent vivement ce projet de création de cette nouvelle ville. Mais la diaspora, c’est aussi nous qui sommes de Ouragahio et qui travaillons en Côte d’ivoire, mais hors de notre Commune. C’est une ville écologique que nous voulons bâtir. Ce sera une ville moderne avec des jardins publics, des espaces verts et autres. De deux, bitumer les voies de notre commune. Et pour ça, nous remercions le Gouvernement ivoirien qui nous appuie dans ce sens. Nous avons aussi dit que la jeunesse était notre priorité. Mais c’est bien l’avenir ! Le Lycée de Ouragahio qui a plus de 30 ans est aujourd’hui dépassé. Avec 80 élèves par classe, c’est très difficile pour les apprenants et les enseignants. On avait promis un nouveau lycée à nos parents. Nous venons de recevoir ce lycée du Gouvernement. Et les travaux commencent l’année prochaine. Aussi, le sport tient une place importante dans notre programme pour l’épanouissement de la jeunesse. On vient de bénéficier de la part du gouvernement d’un complexe sportif dont la première pierre a été déjà posée par le Ministre Danho Paulin. Ouragahio vient d’être inscrite au guichet de l’emploi jeune. Nous sommes bien en phase avec notre jeunesse que nous voulons promouvoir. Toujours au niveau des promesses, il était question que nous dotions Ouragahio d’un hôpital général. Nous n’avons qu’un centre de santé. Pour une population estimée à 53.000 habitants. A défaut, nous nous engageons à améliorer les services du centre de santé actuel. Et pour ça, nous avons signé un partenariat avec le Conseil régional de Lille qui nous a fait venir il y a deux mois, des émissaires pour visiter le centre de santé. Ouragahio, ce sont 11 villages et 17 campements. Nous allons bientôt réhabiliter les centres de santé de Mama, de Zébizékou et d’autres villages que nous avons visités avec la délégation venue de Lille. Et pour tout ça, nous sommes en train de chercher des partenaires. Je me rendrai en France le mois prochain pour rencontrer d’autres partenaires. Nous allons créer une nouvelle gare routière et un nouveau marché. Nous n’avons que six mois d’exercice. Nous ne disons pas que nous pouvons tout faire, mais allons faire ce que nous pouvons avec nos moyens de bord. En acceptant d’être Maire de Ouragahio, nous savions les chantiers qui nous attendaient. Ici, il n’y a pas d’usine, pas de marché, pas de grands commerces qui puissent nous procurer des ressources. C’est pourquoi, nous disons que pour être Maire d’une commune rurale comme Ouragahio, il faut avoir un carnet d’adresses bien riche. De façon modeste, notre carnet d’adresses va nous y aider. Au plan local comme au plan international. Je profite de l’occasion que vous m’offrez pour dire merci au Gouvernement de Côte d’ivoire. C’est eux qui ont la bourse, c’est eux qui décident. Nous allons donc parler avec eux. Ouragahio fait partie de la Côte d’ivoire. Nous sommes tous citoyens de la Côte d’ivoire et nous payons nos impôts. Nous devons donc aussi bénéficier des retombées de l’économie de notre pays. En développant Ouragahio, c’est la Côte d’ivoire qui est développée. Dieu merci que chaque fois que nous avons approché le Gouvernement, nous avons trouvé une oreille attentive.
Être Maire un jour, un rêve d’enfant pour Antoni Garou ?
Pas du tout ! Pour ceux qui me connaissent, lorsque j’ai commencé à travailler, je me suis tout de suite investi dans le social. Je me suis toujours mis au service de mes prochains. Et surtout de mes parents. C’est inné chez moi. Je n’avais jamais pensé qu’un jour je serais Maire de chez moi. J’ai toujours eu la faiblesse de dire que, ce qui est important chez l’homme, c’est sa capacité à donner. C’est cela la vraie valeur de l’homme. Ce n’est pas ce que tu as qui te donne de la valeur ; c’est bien ce que tu donnes. Aider ses prochains, c’est les aimer de façon sincère. Quand j’ai commencé à travailler dans les années 1992, je passais dans chaque village pour distribuer des machettes, des brouettes et autres à tout le monde. Mon combat en ce moment-là était axé sur la salubrité. Il est arrivé un moment où je faisais soigner les malades de tous les villages. Et je le faisais sans arrière pensées. Ce qui m’a emmené à être le président de la mutuelle de développement de mon village. Et ceux qui connaissent bien Zébizékou savent ce que j’ai pu y faire. Et j’ai même eu un prix international en 2006 à la FAO en Italie. Pour mes actions en faveur du monde rural. Et ce sont tous les présidents des mutuelles qui m’ont désigné pour être candidat. Chaque président est militant d’un parti politique. Notre liste s’est donc présentée sous la bannière indépendante. Nous sommes des agents de développement au service de nos populations. On peut être opposant et être loyal. Nous devons tous respecter les lois et les autorités de notre pays. Dans notre Conseil, chacun a son parti politique. Mais un seul projet nous unit : le développement de Ouragahio, pour le bien-être de tous nos parents.
A l’approche des élections présidentielles de 2020, quel message de paix pouvez-vous lancer aux ivoiriens ?
Moi je pense que ça va de soi. Et tous les hommes politiques de notre pays devraient en être conscients. Hier, Assoa Adou et Bédié ont prôné la réconciliation à Yamoussoukro. Même l’équipe du parti au pouvoir en tournée ne parle que de réconciliation et de paix. Parce que sans la paix, on ne peut rien faire. Sans la paix, aucun développement ne peut être possible. Le Président Laurent Gbagbo est resté au pouvoir pendant dix années, mais il n’a rien fait ! Tout simplement parce que nous n’étions pas en situation de paix. Avec un programme de gouvernement alléchant qu’il n’a pu mettre en pratique. Avec tous les blocages et tous les soucis qu’on lui a créés, il n’a pu rien faire. Si les choses tournent bien aujourd’hui et que des travaux se font çà et là, c’est parce qu’il y a la paix. Personne donc n’a intérêt à ce qu’il y ait la guerre en Côte d’ivoire. Nous devons tout faire pour préserver la paix. Que le meilleur gagne pour les élections de 2020. Et que les perdants reconnaissent et acceptent la victoire de celui qui sera élu. Mais mon souhait est que mon parti, le FPI, soit le vainqueur.
Quelle place occupe Dieu dans votre vie de tous les jours ?
Mais sans Dieu, que sommes-nous ? Dieu est au centre de tout ce que je fais. Sans lui, nous ne pouvons rien. Si tu bâtis sans Dieu, tu bâtis sur le sable. Et le vent peut emporter ce que tu as bâti à tout moment. Que Dieu soit le fondement de tout ce que nous entreprenons. Dieu est tout pour moi.
Mon appel va à l’endroit des citoyens de la commune de Ouragahio. De croire en nous. Je voudrais leur dire que ce n’est pas le Maire seul qui bâtit. Le Maire est l’inspirateur, mais c’est tout le monde qui bâtit. J’ai besoin de tous autour de moi pour bâtir cette nouvelle ville de Ouragahio. Les élections sont terminées depuis le 13 octobre 2018. Tous les frères et toutes les sœurs doivent se mettre autour d’Antoni Garou et son équipe pour assurer le développement de notre commune à nous tous, Ouragahio. Mon appel à l’endroit du gouvernement. Je demande au Président de la République de nous donner les moyens qu’il faut pour mener à bien notre programme d’actions. Ce sont les Maires qui bâtissent. Je n’ai rien contre les députés qui sont très bien payés. Les Maires n’ont rien pratiquement. Moi, je pense qu’en Côte d’ivoire, il ne devrait pas y avoir une Mairie avec un budget de moins de 500 millions. Notre pays a les moyens pour mettre à la disposition de chaque Mairie au minimum 500 millions. Et ça c’est le combat actuel de l’UNIVICOCI. Il faut que gouvernement ait confiance en nous. Il pourra par la suite faire un contrôle pour savoir ce à quoi l’argent mis à notre disposition a servi. Avec des dispositions prises pour sanctionner ceux des Maires qui auront utilisé cet argent à d’autres fins. Il faut que le gouvernement mette à la disposition des Maires des budgets conséquents. Je n’ai rien contre la Chambre des Rois et autres qui ont des budgets faramineux. Et les Maires n’ont rien pratiquement. La Mairie de Ouragahio ne reçoit de l’Etat de Côte d’ivoire qu’un budget de 60 millions de francs CFA. Mais nous, on a encore plus par rapport à d’autres communes. Si donc tu n’as aucun partenaire extérieur, tu ne peux espérer développer chez toi ! C’est nous qui bâtissons, c’est nous qui développons, mais l’Etat nous réduit à d’éternels mendiants. Nous sommes obligés de courir de gauche à droite pour honorer les engagements pris lors des campagnes. C’est vraiment pitoyable. Il y a des directeurs de sociétés et des Présidents d’institutions qui ont des budgets à vous couper le souffle et qui n’ont aucun programme de développement. Que le Président de la République se penche personnellement sur notre cas. Car les Mairies sont les démembrements de l’Etat.