A l’occasion de la 70-ème Journée Mondiale des malades de la Lèpre, M. Pierre VELUT, Représentant résident de la Fondation Raoul FOLLEREAU en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Niger à accordé une Interview au journal en ligne www.afriquematin.net.
Bonjour Monsieur VELUT, pouvez-vous vous présenter, ainsi que la Fondation Raoul Follereau.
Pierre VELUT, représentant résident de la Fondation Raoul Follereau en Côte d’Ivoire depuis 3 ans. De formation en économie de la Santé, j’ai occupé des fonctions de représentation au Bénin, Togo, Burkina-Faso, Niger et en Côte d’Ivoire actuellement.
La Fondation Raoul Follereau lutte contre les Maladies Tropicales Négligées en particulier la lèpre, l’ulcère de Buruli, le pian et les maladies dermatologiques.
Elle cherche à poursuivre l’œuvre de son fondateur Raoul Follereau par ses champs d’actions qui sont : soigner, éduquer et réinsérer. Ce qui fait la particularité de la Fondation Raoul Follereau, c’est l’accompagnement de ses partenaires dans la durée, sans se substituer à eux.
Aujourd’hui, elle est présente en France, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie à travers 270 projets dans 25 pays.
Depuis combien de temps la Fondation exerce en Côte d’Ivoire et quelles sont ses missions ?
La présence de la Fondation Raoul Follereau en Côte d’Ivoire est historique, puisque c’est à l’Institut Raoul Follereau d’Adzopé que l’aventure a commencé.
En 1942, en pleine seconde guerre mondiales, les Sœurs Notre Dame des Apôtres se mobilisent pour améliorer les conditions de vies des malades de la lèpre parqués sur l’île Désirée au cœur de la lagune d’Abidjan. Elles créent avec l’aide de Raoul Follereau un village de prise en charge des malades au cœur de la forêt d’Adzopé. A l’époque, il n’y a pas de traitement, la lèpre est considérée comme une malédiction et les malades souffrent de discrimination.
Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, la Fondation Raoul Follereau poursuit l’œuvre de son Fondateur en soutenant principalement le Ministère de la Santé de l’Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle (MSHP-CMU) à travers le Programme National d’Elimination de la Lèpre (PNEL) et le Programme National de Lutte contre l’Ulcère de Buruli (PNLUB).
L’objectif principal étant d’assurer le dépistage précoce des cas, la mise sous traitement, l’hospitalisation, la chirurgie si besoin et la réinsertion des malades de la lèpre et de l’ulcère de buruli.
Quelles sont les activités phares que mènent la Fondation en Côte d’Ivoire ?
La fondation Raoul Follereau apporte un appui humain, matériel et financier au Ministère de la Santé de l’Hygiène Publique et de la Couverture Maladie Universelle à travers un réseau de 90 infirmiers spécialistes en dermatologie présents dans la quasi-totalité des districts sanitaires de Côte d’Ivoire, mais aussi en soutenant un réseau de 4 centres de référence, d’orientation et de prise en charge dans les villes d’Adzopé, Divo, Bouaké et Zouan Hounien.
Sur les projets que nous soutenons, via les programmes nationaux de lutte contre la lèpre et l’ulcère de buruli, l’approche est intégrée et inclusive.
Les équipes sur le terrain, s’attaquent aux causes de la maladie en améliorant l’accès à l’Eau, l’Hygiène et l’Assainissement dans les zones endémiques.
Depuis 2022, nous menons un projet de lutte contre les maladies tropicales négligées dans 62 villages des districts sanitaires de Gagnoa 1 et Gagnoa 2 en partenariat avec les programmes nationaux et la Fondation Anesvad, notre partenaire en Côte d’Ivoire. Et très bientôt dans la zone de Soubré à l’ouest du territoire ivoirien.
Revenons à la journée mondiale des malades de la lèpre, 70 ans après quel bilan pouvons-nous en tirer?
Cette journée mondiale, voulu par Raoul Follereau, est pour nous l’occasion de mettre en avant les progrès énormes qui ont été réalisés dans la lutte contre la lèpre en Côte d’Ivoire, mais aussi, le chemin restant à parcourir !!!
Depuis 2001, la Côte d’Ivoire est parvenue à l’atteinte du seuil d’élimination de la lèpre en tant que problème de santé publique, c’est-à-dire moins d’un cas pour 10 000 habitants. Malgré ces bons résultats, on continue de détecter de nouveaux cas sur toute l’étendue du territoire national.
En 2022, ce sont 483 nouveaux cas qui ont été enregistrés dont 82% de forme multi bacillaire, c’est-à-dire la forme la plus contagieuse. Environ 10% étaient des enfants et 20% avec des invalidités irrémédiables.
Ces données épidémiologiques prouvent que la lèpre sévit encore à l’état endémique en Côte d’Ivoire et que la chaîne de transmission du bacille est loin d’être rompue.
70 ans après, la lutte a-t-elle la peau dure ? Pourquoi ?
Malgré les efforts accomplis, le combat contre la lèpre n’est pas encore terminé en particulier dans les zones reculées avec un accès aux soins limités et des personnels de santé peu formés. La lèpre est également, une maladie qui évolue sur le long terme ce qui rend son dépistage beaucoup plus difficile par rapport à d’autres maladies comme la Covid 19. Elle attaque à la fois la peau et les nerfs provoquant une insensibilité des parties du corps. Cela favorise alors des blessures et des infections. Si le malade n’est pas dépisté à temps la maladie provoque des infirmités irréversibles.
Après donc 70 ans de lutte acharnée contre la lèpre, pourrait-il avoir une nouvelle orientation de la lutte ? En d’autre termes, pourrait-elle avoir de nouvelles perspectives pour l’éradication de la lèpre en Côte d’Ivoire ?
Avec la déclaration d’Abidjan, le 2 juin 2022, le gouvernement de Côte d’Ivoire s’est engagé en la personne de son Excellence Patrick ACHI, Premier Ministre et Chef du Gouvernement de Côte d’Ivoire et est déterminé afin de parvenir à l’objectif Zéro à l’horizon 2030.
Le pays s’est doté avec ses partenaires, d’une feuille de route 2021-2030 afin d’atteindre cet objectif.
La vision de ce plan étant « Une Côte d’Ivoire sans lèpre et ses conséquences : pas de nouveaux cas, pas de handicap, pas de discrimination, pas de stigmatisation ».
Ce plan ambitionne d’interrompre la transmission de la lèpre en Côte d’Ivoire et est guidé par les principes directeurs suivants : un leadership fort, un processus inclusif et participatif, le respect des droits humains et de l’équité.
90 activités prioritaires ont été identifiées avec un accent particulier prévu dans le renforcement des campagnes de dépistages actifs, la prise en charge inclusive du handicap lié à la lèpre et aux MTN à manifestation cutanée et enfin la lutte contre la stigmatisation et l’assurance du respect des droits humains.
Quel peut être votre mot de fin ?
J’aimerais terminer notre échange par une citation de Raoul Follereau, une note d’espoir qui appelle à la solidarité et à l’amour de son prochain. Car nous sommes responsables les uns des autres Tous responsables des avancées acquises, mais aussi, de la réussite et des défis qui nous attendent.
« S’aimer les uns, les autres, s’aimer tous. Non pas à des heures fixes, mais toute la vie. Aimer les pauvres gens, aimer les gens heureux, aimer l’inconnu, aimer le prochain qui est au bout du monde, aimer l’étranger qui est tout près de chez vous. Aimer. » Raoul Follereau
C’est le cap que nous nous fixons, pour cette nouvelle année 2023 !!!