La Zlecaf est-elle aussi prometteuse qu’on nous le dit ? Réunis à Niamey, les chefs d’État et de gouvernement africains ont officiellement lancé l’entrée en vigueur de la zone de libre-échange continentale. L’objectif est d’aller, à terme, vers une zone de libre-échange, doublée d’un marché commun ainsi qu’une union douanière qui impliquerait une politique commerciale commune à l’endroit des pays extérieurs à la zone. L’économiste Jean-Joseph Boillot, spécialiste des pays émergents à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) donne des éclaircissements.
Quels sont les principaux avantages pour les Africains de cette – zone de libre-échange ?
C’est de mettre fin à la structure économique, finalement très néocoloniale, où l’Afrique n’exporte que des produits primaires et importe tous les produits industriels. Et on reste finalement, à cause de cette structure, sur les bords de mers, sur les ports. Et vous savez comme moi que l’Afrique va voir sa population bondir à trois milliards d’habitants, dès lors que tout le monde se concentre sur les zones portuaires, sur les mégalopoles portuaires, à cause de cette structure économique, cela conduit à ces concentrations absurdes que l’on a à Dakar, etc… Donc, un commerce intégré au continent permettrait de valoriser la totalité du continent africain et de créer un marché commun, car ce n’est pas une zone de libre-échange contrairement à ce que l’on entend trop souvent, c’est une zone de libre-échange mais dont la finalité, comme pour l’Union européenne, est de créer un marché commun, protéger des importations et permettant de valoriser une industrie locale.
Des pays comme l’Égypte, le Nigeria ou l’Afrique du Sud ne risquent-ils pas d’être les seuls à en profiter réellement ?
Non, parce qu’en réalité, d’après la théorie économique, dans une zone de libre-échange, les petits pays vont pouvoir avoir accès à des grands marchés. Par contre, le rôle des grands pays sera déterminant, bien sûr ils pèsent lourd, pour définir des règles d’origine et des normes environnementales, etc. Donc c’est un bon équilibre, petits, grands, en général, sont gagnants dans des structures, attention, de marché commun.
Quel sort subiraient les petits producteurs agricoles ou industriels qui seront soumis à la concurrence des produits manufacturés du Nigeria par exemple ?
Alors il y a effectivement, – un risque de ce que les grands marchés intégrés de type Nigeria, Afrique du Sud qui ont déjà des économies d’échelle leur permettant de produire à bas coût, concurrencent effectivement les producteurs locaux. Inversement, on voit bien avec les exemples historiques de zone de libre-échange, les petits pays vont pouvoir se spécialiser, eux, sur les productions où ils ont les meilleurs avantages comparés : liés au climat, au savoir-faire, aux traditions historiques. À ce moment-là, simplement, l’ensemble africain va aller vers des zones un peu plus spécialisées, et ça va être le rôle des petits pays de définir des politiques industrielles cohérentes, avec cette zone de libre-échange, pour en tirer le maximum de bénéfices. Mais, je rappelle, à l’échelle historique, les petits pays sont toujours les gagnants des zones de libre-échange.
Ce traité est-il vraiment prometteur que l’on nous le dit où il y a quand même des risques ?
…Il y a beaucoup de risques très importants. Le premier, c’est que les partenaires extérieurs de l’Afrique : États-Unis, Europe et surtout la Chine en ce moment, n’imposent des droits de douane beaucoup trop bas, qui ne permettent pas finalement à l’industrie africaine de se développer. Et le deuxième, qui est très important, c’est le risque environnemental au sens large du terme. C’est que les normes environnementales et aussi sanitaires ne soient trop flexibles, trop souples et que l’on exporte vers l’Afrique les cochonneries du reste du monde.
Source : rfi.fr