Le nouveau président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa a sèchement renvoyé vendredi dans les cordes son prédécesseur Robert Mugabe, qui avait déploré la veille avoir été contraint de lui céder la place en novembre à la suite d’un « coup d’Etat ».
« La nation a tourné la page » Mugabe, a déclaré M. Mnangagwa dans un bref communiqué.
Très discret depuis sa chute, M. Mugabe est sorti jeudi soir du silence. Devant plusieurs télévisions étrangères, il a affirmé avoir été victime d’un putsch militaire et regretté que son successeur ait « trahi toute la nation ».
« Je dis que c’était un coup d’Etat, (même si) certains ont refusé de l’appeler un coup d’Etat », a déclaré d’une voix fatiguée M. Mugabe, 94 ans.
« Nous devons effacer cette honte », a-t-il ajouté, dénonçant le gouvernement « illégal » et « anticonstitutionnel » de son successeur.
Après trente-sept ans d’un pouvoir sans partage à la tête du Zimbabwe, Robert Mugabe a été contraint de démissionner le 21 novembre 2017, lâché par l’armée, son parti au pouvoir, la Zanu-PF, et la rue.
Il a été remplacé quelques jours plus tard par Emmerson Mnangagwa, son ancien vice-président qu’il avait limogé peu de temps auparavant sur les conseils de son épouse Grace Mugabe, qui ne cachait plus son intention de succéder à son mari.
M. Mnangagwa n’a pas tardé à réagir à la sortie de M. Mugabe.
« Il a le droit de s’exprimer librement comme n’importe quel citoyen », a-t-il jugé vendredi, rappelant perfidement que son gouvernement continuait à « lui verser ses allocations ».
« Nous devons continuer à nous concentrer sur la préparation d’élections libres, honnêtes et crédibles en 2018 », a poursuivi le nouveau maître du Zimbabwe en référence aux scrutins présidentiel, législatifs et locaux prévus cette année.
– ‘Grave régression’ –
« C’est une étape décisive de l’immense tâche qui nous incombe, c’est-à-dire de sortir notre population des années de grave régression économique et d’isolement international », a insisté M. Mnangagwa en référence au bilan de l’ère Mugabe.
Le « camarade Bob » lui a rendu les rênes d’un pays financièrement et économiquement exsangue, dont plus de 90% de la population est officiellement au chômage.
Tout au long de son règne, Robert Mugabe a également été accusé par les ONG de défense des droits de l’homme et l’opposition d’avoir systématiquement triché lors des élections pour pouvoir se maintenir au pouvoir.
Interrogé sur son bilan, M. Mugabe a répondu « qu’en comparaison d’autres pays d’Afrique », son pays a « eu une meilleure prospérité et les gens ont leur terre ».
« Oui, il y a eu des erreurs » sur le chapitre de la démocratie, a-t-il toutefois concédé, sans plus de détails.
La sortie de M. Mugabe intervient à quelques mois des élections générales, prévues d’ici fin août.
Son intervention était « parfaitement calculée », a commenté à l’AFP l’analyste Gideon Chitanga, du centre de réflexion Political Economy Southern Africa de Johannesburg. « Elle va continuer à saper la légitimité du gouvernement de Mnangagwa », candidat à la présidentielle.
Au début du mois, la présence de M. Mugabe sur une photo aux côtés de l’ex-général Ambrose Mutinhiri, candidat déclaré à la présidentielle, a même nourri les plus folles rumeurs sur son éventuel retour en politique.
L’ancien chef de l’Etat a écarté jeudi soir cette hypothèse.
« Je ne veux pas être président. Non bien sûr », a-t-il assuré. « J’ai maintenant 94 ans. »
Mais il n’a pu s’empêcher d’entretenir le trouble en tendant la main à son successeur. « Si pour corriger cette illégalité, il veut discuter avec moi… », a-t-il offert. « Je suis d’accord pour discuter (…) mais je dois être invité formellement à cette discussion. »
AFP