Par Jean Levry – Afrique Matin.Net
Fin de cavale pour l’homme le plus recherché du département de Grand-Bassam (30 km au sud d’Abidjan). Spécialisé dans la vente illicite de terrains dans cette localité, le sieur Derou Guéhi a été finalement appréhendé le 16 juin 2017 par la Gendarmerie, ironie du sort, dans les couloirs du tribunal de la ville balnéaire où justement il devra répondre de ses actes. Déféré au parquet, il séjourne actuellement à la maison d’arrêt et de correction de Grand-Bassam, en attendant son jugement. Et le jugement risque d’être amer pour l’individu contre qui pèsent plusieurs chefs d’accusation dont vente illicite et frauduleuse de terres, violence et voie de fait, menaces de mort, faux et usage de faux…
Les faits remontent à quelques années en arrière quand Derou Guéi, se disant tantôt opérateur économique, tantôt chef de sécurité d’une autorité traditionnelle de Bassam, crée de toutes pièces une société fictive dénommée « Groupe Derou » et se livre à son activité favorite : la vente de terrains le long de la voie entre Abidjan et Bassam avec pour zone de prédilection les terres du village de Modeste. Et ce, alors qu’il ne dispose d’aucun document de propriété et n’est aucunement propriétaire terrain. Cependant, avec la complicité de certains autochtones et à l’aide d’une bande armée montée et entretenue par ses soins, il réussit à spolier les familles propriétaires terriens de plusieurs hectares de terre qu’il vend ensuite, à leur insu, à des personnes physiques ou morales, parfois à plusieurs personnes à la fois créant ainsi un climat de conflit permanent et de terreur tant entre les acquéreurs qu’avec les populations qui tentent désespérément de s’opposer à lui. Ainsi, plusieurs plaintes sont déposées par ses nombreuses victimes à la Gendarmerie contre le sinistre individu, devenu dès lors une grave menace pour la paix et la sécurité ainsi que l’investissement dans cette localité.
Aussitôt, le 11 Août 2011, le préfet de Grand-Bassam mesurant la gravité de la situation, adresse un courrier à la brigade de recherche de la gendarmerie à l’effet de mettre un terme aux agissements du fauteur de trouble. Derou Guéhi disparait de la circulation. La brigade de recherche d’Abidjan saisie de l’affaire lance un avis de recherche à l’endroit de toutes les unités compétentes courant l’année 2016 (voir fac-similé). Malgré tout, le sieur Derou Guéi passera toujours aux travers des mailles des filets de la gendarmerie, grâce au concours de personnes tapies dans l’ombre à qui il aurait sans doute remis une part du butin et qui lui sont reconnaissantes en le protégeant jusqu’alors. Toute chose qui fera dire à Derou Guéi, selon certaines indiscrétions, qu’« il a la justice ivoirienne dans sa poche ». Mais c’était sans compter avec la probité et la détermination des éléments de la gendarmerie qui ne lui laisseront pas le temps de s’évanouir dans la nature pour une nouvelle fois et continuer ainsi à défier les autorités judiciaires. Aperçu dans les locaux de la justice où il se serait rendu certainement pour narguer les hommes de loi, les gendarmes, selon des temoins, encerclent les lieux. Sans grand effort, alors qu’il tentait de se donner de la contenance, il est est cueilli comme un fruit mûr le 16 juin 2017.
Les victimes réclament réparation
La nouvelle de l’arrestation de Derou Guéi a été accueillie avec soulagement par ses victimes, en particulier les populations du village de Modeste qui ont payé un lourd tribut aux activités frauduleuses de l’homme. En présence de journalistes, le mercredi 12 juillet dernier, les jeunes, membres de la commission foncière du village Modeste pour certains et conseillers du chef pour d’autres, réunis pour la circonstance dans ledit village, ont salué ce coup de filet des hommes en tenue et exprimé leur foi en la justice qui, ils espèrent, les rétablira dans leurs droits,une fois l’accusé reconnu coupable des faits et condamné.
« Nous souhaitons qu’il subisse la rigueur de la loi pour tous les torts qu’il a causé aux populations de notre village », a laissé entendre Kimou Arsène, secrétaire général de la chefferie. Avant de poursuivre : « avec les acquéreurs qui ont été grugés, nous allons nous constituer partie civile pour demander réparation des préjudices subies du fait des agissements de Derou Guéi ».
Pour les jeunes, le procès qui s’ouvrira bientôt contre Derou Guéi au tribunal de première instance de Grand-Bassam sera la suite logique de la condamnation à trois (3) mois de prison avec sursis du roi de Moossou, Nanan Assoumou Kanga Pierre, dont il est le bras séculier et pour le compte duquel il agissait en réalité. Pour rappel, cette tête couronnée avait été traînée devant les tribunaux pour les mêmes faits par le Chef du village de Modeste Nanan Konney Ahoua Simon. Aussi, ont-ils tenu à appeler les acquéreurs de lots à la vigilance afin de ne plus se laisser abuser par des individus de tel acabit qui pullulent dans la zone. A juste titre d’ailleurs, semble-t-il, car il ressort de nos investigations que sous la conduite de certains indélicats, escortés par des démobilisés vivant à la cité de Port-Bouet, des personnes non identifiées auraient tenté de rattacher une parcelle appartenant au village de Modeste au lotissement de la promotion immobilière à proximité et dénommée « cité la paix » sans succès, du moins grâce à la vigilance des populations et surtout à l’intervention des forces de l’ordre qui ont démasqué leurs « faux frères d’armes ».
L’extension de la ville d’Abidjan vers Bassam ne va pas sans créer des problèmes à cause les personnes malveillantes qui ne manquent pas d’anarquer les acquéreurs de terrains très prisés de cette région. De ce fait, plusieurs litiges mettent aux prises les victimes de ce commerce illicite très juteux. En témoigne, celui pendant entre les sociétés CIAT et VENUS qui se disputent le même terrain et dont la presse a fait l’écho récemment.