Présent au sommet EU-UA, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres s’est prononcé sur la lutte contre les trafiquants d’êtres humains. Pour freiner ce fléau, cela doit passer par une grande coopération internationale. Il appelle à cet effet à un effort de toutes les entités pour combattre ces trafiquants.
Le dossier des migrants revient sur le devant de la scène, avec les images de vente d’esclaves, qui ont été diffusées par la chaîne CNN et la vague d’indignation qui a suivi. [Mercredi], à la tribune du sommet, vous avez rappelé l’urgence d’agir. Qu’est-ce qui doit être fait, selon vous ?
Je crois qu’il y a deux domaines. Il y a un domaine d’action immédiate ; il faut trouver des solutions immédiates pour des gens qui sont dans des camps, sans aucune condition, qui vivent dans des circonstances absolument intolérables et soumis à cette oppression maintenant des vendeurs d’esclaves. On a créé une équipe mixte de l’Union africaine, des Nations unies et de l’Union européenne, pour essayer de trouver quelques solutions immédiates, notamment dans le cadre de la protection des réfugiés et du retour organisé vers les pays d’origine, de ceux qui veulent le faire volontairement, pour échapper à cette situation tragique.
Mais il faut trouver des solutions de fond. Et là, il y a trois domaines, à mon avis, essentiels. La politique de coopération pour le développement doit avoir une orientation visant créer des opportunités pour que les gens puissent vivre chez eux en toute dignité. Et de nombreuses fois la coopération pour le développement a, en effet, coupé les racines des populations, notamment facilité une urbanisation relativement chaotique, comme nous le voyons dans beaucoup de pays africains. Il faut en même temps créer des opportunités de migration légale. Il y a différentes formes de migration qu’on peut décrire. Nous avons en Europe un déficit démographique, on a besoin d’immigrés en Europe. Il vaut mieux que cela puisse être organisé avec les pays d’origine d’une façon humaine, digne. Et finalement, il faut une coopération internationale accrue en matière de combat aux trafiquants et aux passeurs. On voit beaucoup de barons de la drogue en prison. On ne voit pas des barons du trafic d’êtres humains en prison et ce n’est pas acceptable. Il faut renforcer les mécanismes de coopération contre ces criminels qui sont parmi les pires au monde.
Cette question, justement, a commencé à être examinée par le Conseil de sécurité. Qu’est-ce qui peut être fait, concrètement ?
Il y a, naturellement, des mesures que l’on peut prendre à l’échelle de chaque pays. On a demandé aux Libyens de faire une investigation sur ce qui s’est passé, appliquer les mécanismes de justice. Il y a des situations où la Cour pénale internationale peut être appelée à travailler. Mais il y a surtout une coopération active entre les services d’information, les polices, les autres institutions, qui doivent travailler ensemble pour que ces organisations multinationales du crime puissent être combattues de façon efficace. Pays par pays c’est impossible. Et l’on voit, d’ailleurs, la capacité de corruption dont ces organisations ont fait preuve. Il faut comprendre que seule une coopération internationale accrue et une volonté politique ferme de mettre fin à ce trafic peuvent avoir du succès.
Vous déclariez à la tribune : « Tous les pays doivent gérer leurs frontières de manière responsable ». Qu’est-ce que cela signifie, selon vous ?
Les pays ont le droit et l’obligation de garantir la sécurité de leurs citoyens, d’assurer le contrôle de leurs frontières vis-à-vis du risque de terrorisme, etc., mais il faut qu’ils le fassent aussi dans le respect de la loi internationale en matière de réfugiés…
Faites-vous un clin d’œil ou c’est un message que vous lancez à l’endroit de la Libye ?
C’est un message à tout le monde, y compris à l’Europe. Il faut rétablir l’intégrité du système de protection internationale aux réfugiés. Et l’Europe, malheureusement, est un continent où on a vu dans les dernières années des violations en matière de respect de la Convention de 1951.
Sur le G5 Sahel – cette force régionale – vous avez appelé à fournir les moyens appropriés aux organisations régionales. Est-ce que vous n’êtes pas insatisfait du niveau de mobilisation de la communauté internationale aux côtés du G5 Sahel ?
Premièrement, je préfèrerais – et c’est ce que j’ai proposé au Conseil de sécurité – une action avec un mandat clair et fort, notamment en invoquant le chapitre 7, et avec des fonds obligatoires. En même temps, il faudra mobiliser des ressources volontaires parce que, très probablement, le Conseil ne va pas suivre les options préférées par nous, au secrétariat ; mais on doit mobiliser les donateurs, pour qu’ils puissent fournir aux pays du G5 Sahel un financement prévisible et suffisant, pour qu’il y ait une force capable de répondre à la menace terroriste et à la menace du crime organisé dans la région.
Le G5 Sahel ne doit-il pas avoir beaucoup plus de moyens?
Si l’on regarde les fonds qui ont été annoncés, il est évident que ces fonds ne sont pas suffisants. Et en même temps, il y a une question de prévisibilité, il y a une question de force du mandat. Le Conseil de sécurité est en train, encore, de se prononcer et d’étudier cette question. J’espère qu’on aura des décisions les plus ambitieuses possibles dans ce domaine.
Source : rfi.fr/afriquematin.net