Par Dr. Chérif Osman*
L’alerte sanitaire peut concerner plusieurs enjeux, comme des épidémies, des problèmes environnementaux ou des risques pour la santé Publique. Ce mélange qui détruit, prévient ou réduit les dommages qu’un organisme nuisible peut causer. Le Docteur Chérif Osman tire la sonnette d’alarme sur les dangers que représentent les pesticides en Côte d’Ivoire.
En 2017, lors de ma participation aux Olympiades Universitaires du CAMES, j’ai mené une étude sur les dangers des pesticides en Côte d’Ivoire sous la direction du Pr. Kra Ouffoué, chef du service des maladies infectieuses au CHU de Bouaké.
À l’époque, nous avions mis en lumière les risques sanitaires liés à l’usage incontrôlé de certains pesticides. Sept ans plus tard, je suis encore surpris de constater que ces mêmes produits, dont nous avons dénoncé les effets dévastateurs, sont toujours en circulation sur les marchés d’Abidjan. Il est impératif de rappeler les dangers sanitaires que posent ces substances et de proposer des solutions pour protéger les populations et l’environnement.
Les dangers des pesticides : un problème de santé publique
Les pesticides, en particulier ceux contenant des substances actives comme le glyphosate, sont responsables de nombreux problèmes de santé en Côte d’Ivoire. Des études récentes ont montré une augmentation des maladies graves chez les cultivateurs et les populations environnantes, telles que les troubles respiratoires, les brûlures cutanées, et même des cancers.
Par exemple, Serge Kouakou, un agriculteur de la région d’Agboville, témoigne des effets immédiats des pesticides sur sa santé : maux de tête, brûlures et difficultés respiratoires. Malgré ces symptômes, il se sent contraint d’utiliser ces produits pour « protéger ses récoltes ».
Une étude menée par des chercheurs ivoiriens et internationaux dont le Pr. Kouamé Antoine-a révélé que 97 % des maraîchers interrogés avaient des pratiques phytosanitaires inadaptées. Cela inclut l’utilisation excessive de pesticides, sans protection adéquate, et des périodes de traitement non respectées, entraînant une contamination des cultures.
Ces pratiques inappropriées augmentent non seulement le risque d’intoxication aiguë mais aussi les risques à long terme, tels que les cancers et les troubles endocriniens. Il est alarmant de constater que des substances interdites en Europe, comme la bifenthrine et certains néonicotinoïdes, sont toujours disponibles et largement utilisées en Côte d’Ivoire.
Recommandations à l’État ivoirien
Face à cette situation préoccupante, il est impératif que l’État ivoirien prenne des mesures urgentes pour protéger la santé publique. Voici quelques recommandations clés :
Renforcer la réglementation des pesticides.
L’État doit interdire l’importation et la vente de pesticides non conformes aux normes internationales de sécurité. Une réglementation stricte doit être mise en place pour contrôler les produits mis sur le marché, en se basant sur les standards de l’Union Européenne ou de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Éducation et sensibilisation des agriculteurs
Les agriculteurs doivent être formés aux bonnes pratiques agricoles, notamment sur l’utilisation de biofertilisants et de techniques alternatives aux pesticides chimiques. L’État doit investir dans des campagnes de sensibilisation pour informer des risques liés à l’usage inadapté de ces produits.
Soutien à la recherche scientifique
Il est crucial de financer des études épidémiologiques pour établir des liens précis entre l’utilisation des pesticides et les maladies graves recensées dans le pays. Cela permettra de mieux cerner l’ampleur du problème et de proposer des solutions adaptées.
Promotion de l’agriculture biologique
L’État doit encourager et subventionner la transition vers l’agriculture biologique, comme le font déjà certaines coopératives en Côte d’Ivoire. Cela réduirait la dépendance aux produits chimiques et permettrait de préserver les écosystèmes, tout en améliorant la santé des populations.
La situation actuelle n’est plus tenable.
La Côte d’Ivoire doit prendre des mesures fermes pour éviter une catastrophe sanitaire et écologique. Agir maintenant est la seule solution pour garantir un avenir plus sain à nos enfants et aux générations futures.
* Médecin urgentiste et défenseur d’une Côte d’Ivoire durable