« J’avais juré que je ne ferais jamais de l’hévéaculture parce que le caoutchouc ne se mange pas mais mes plantations de cacao se meurent progressivement. Et ce, en dépit du grand entretien des vergers. Nous avons bien peur que le cacao ne disparaisse dans la région. On nous a proposés « le cacao Mercedes » et j’en ai fait mais c’est le même constat. Je déduis tout simplement que la terre n’est pas propice à la cacaoculture ». Sylla Siaka, est planteur de la zone Gabiadji, et président de conseil d’administration d’une coopérative agricole, dans le département de San Pedro. Pour ce planteur qui a passé plus d’une vingtaine d’années dans la région, le maigre rendement de la production cacaoyère est consacré à l’achat des vivriers sur la marché. « L’essentiel des vivriers qu’on retrouve sur le marché de San Pedro proviennent d’autres régions de la Côte d’Ivoire »… Ce que nous avons pu vérifier sur le marché de San Pedro, en assistant au déchargement des remorques de manioc et de bananes en provenance des départements de Duékoué et Sinfra. Notre interlocuteur dit qu’il vient de reconvertir plus d’une dizaine d’hectares de ses plantations de cacao en hévéaculture pour lui permettre d’acheter mensuellement des vivriers. Le produit du caoutchouc étant livré chaque mois malgré son faible cours. Diabaté Yacouba, planteur et PCA d’une autre coopérative agricole dans la même localité ajoute que « la production du cacao étant faible du fait de la rareté de la pluie -des planteurs de cacao se reconvertissent en hévéaculteurs. Il ne le ferait pas si les bas-fonds pouvaient produire assez de riz et de mais. Le sac de mais s’achète autour de 20.000 francs sur le marché de San Pedro lorsque la demande n’est pas forte. Et les planteurs s’approvisionnent en nourriture sur le marché en ville. Seule la production du cacao ne peut le permettre », fait-il remarquer. Pour Yao Bouho, planteur à Grand-Béréby et président du conseil d’administration de la coopérative CAGBCOOPCA, « c’est parce que la production cacaoyère est faible qu’ils ont tous recours à l’hévéaculture. Et les basfonds qui devraient servir à faire des vivres sont tous transformés en hévéa pour s’acheter du riz, des ignames et du mais ».
Le constat révèle que les producteurs de cacao expliquent la faible productivité des sols du département de San Pedro aussi bien en cacao qu’en vivriers, par la proximité de la mer. Nguessan Arnaud, directeur de la coopérative SCAT de Touih,située à la lisière des départements du chef-lieu de département ; parle du taux élevé de l’acidité de la terre et de l’érosion, mais également du vieillissement des vergers. Il propose aux ingénieurs et chercheurs une recherche agronomique sur les différents sols du département en vue de proposer aux paysans les engrais et les produits phytosanitaires convenables « pour qu’on n’assiste pas impuissamment à une reconversion totale des cacaoculteurs en hévéacultueurs ». Mieux il souhaite « une assistance et un suivi des paysans par des techniciens agricoles pour la replantation des vergers cacaoyers ».