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Politique/Le ministre Koné Katina pointe du doigt les causes de la crise sociopolitique.

Par Christ Zorro/Afriquematin.net

L’ex ministre ivoirien du budget, Katina Koné, devant la confusion qui tend, selon lui, a attribuer les causes des conflits sociopolitiques actuels au Conseil National de Transition (CNT) dirigé par le président du PDCI RDA, a , dans une sortie médiatique le mercredi 11novembre dernier, fait la genèse de la crise que traverse  depuis trois mois la Côte d’Ivoire et situer les responsabilités des principaux acteurs politiques.

 « L’une des qualités majeures de la sagesse est son imprescriptibilité en ce qu’elle résiste au temps et peut servir de boussole pour résoudre, en tout temps et en tout lieu, les problèmes identiques. Il en va ainsi de la théorie sur les contradictions dans les mouvements des choses ou des phénomènes conceptualisée dans le matérialisme-dialectique de Hegel. Selon cette théorie, chaque mouvement est porté par un ensemble de contradictions interdépendantes les unes des autres. Mais cette multiplicité de contradictions ne doit jamais faire oublier la contradiction principale, celle qui est le fondement même, à un temps précis, du mouvement de la chose ou du phénomène. Il arrive parfois même qu’une contradiction secondaire, du fait de son importance apparente, tente de se donner le statut de la contradiction principale. En se focalisant sur cette contradiction secondaire, l’on court le risque de ne pas comprendre le sens du mouvement. Il en est ainsi de la crise actuelle qui a cours en Côte d’Ivoire. En effet, une opinion obscure émerge dans la communauté nationale. Celle-ci tend à présenter la création du Conseil National de Transition (CNT) comme la cause principale de la violence policière et militaire que monsieur Ouattara exerce, à bras raccourci, sur son opposition. Une telle présentation des choses, du reste, alimentée par les officines proches du régime d’Abidjan, vise à créer un autre centre d’intérêt de ce conflit afin de dédouaner totalement monsieur Ouattara et charger symétriquement son opposition politique en rendant celle-ci victime de ses propres turpitudes. Une telle approche est à double titre abjecte. Elle est abjecte, d’une part, parce qu’elle procède d’une malhonnêteté sans limite et, d’autre part, parce qu’elle risque de tuer la lutte avant que celle-ci n’atteigne son résultat ultime.

Il convient de rappeler la chronologie des faits pour comprendre le cœur de la crise, c’est-à-dire la contradiction principale de laquelle découlent toutes les autres.

Le 06 Août 2020, le Chef de l’Etat sortant, annonce sa candidature à un troisième mandat. Ce faisant, il viole, d’une part, la Constitution qui ne lui autorise que deux mandats comme ne l’ont cessé de rappeler tous les experts commis à la rédaction de la constitution de 2016 ; et, d’autre part, il prend le contre-pied de son engagement solennel, tant dans la forme que dans le fond, pris devant la nation et devant le monde entier de ne pas se présenter à un 3ème mandat. C’était le 5 mars 2020 devant le Congrès à Yamoussoukro. Dès le 7 Août 2020, le lendemain de l’annonce de sa candidature, l’on enregistra les premières manifestations de protestation lancées par la société civile et les premières réprimandes brutales et violentes contre les manifestants de la part des forces de police ainsi que des forces parallèles. Les brutalités policières qui ont occasionné des morts d’hommes, généralement tués à l’arme blanche, sont assorties de nombreuses arrestations dont celle, en particulier, de Pulchérie Gballet, présidente de l’association de la société civile qui avait appelé à manifester contre la décision du Chef de l’Etat de briguer un 3ème mandat. Ces actes de violence policière contre les manifestants ainsi que les arrestations sont dénoncés, d’abord, par les Etats Unis d’Amérique le 25 Août 2020, ensuite par Amnesty International le 28 Août et, enfin, par l’UE le 18 Septembre 2020. Devant le refus du gouvernement d’ouvrir un dialogue avec l’opposition pour discuter des points du conflit, cette dernière lance, le 20 septembre 2020, le mot d’ordre de « désobéissance civile » qui aboutira au boycott réussi du scrutin du 31 Octobre 2020. Tirant toutes les conséquences de l’échec dudit scrutin, l’opposition, en toute logique, refuse de reconnaître l’élection de monsieur Ouattara. Et, relevant une vacance de pouvoir, cette opposition crée dans la foulée, le 02 novembre 20, le Conseil National de Transition (CNT).

Comme l’on peut le constater, le cœur de la crise politique actuelle est la candidature de monsieur Ouattara à un troisième mandat en violation de la Constitution. C’est cette première illégalité qui est la source première de la crise politique et en constitue, de ce fait, la contradiction principale. Sans préjudice des critiques, justifiées ou non, qui sont faites au sujet de la création du CNT, ce dernier fait, bien que majeur, ne saurait en aucun cas être regardé comme la contradiction principale de la crise ivoirienne. A supposer même que sa création soit illégale, cette illégalité ne confère pas pour autant une légalité à la candidature de monsieur Ouattara. Cette dernière souffre d’une illégalité ab initio qui impacte négativement sa supposée réélection du 31 Octobre 2020. Rien ne peut, a posteriori, corriger cette illégalité intrinsèque établie a priori. Le régime ivoirien, en rattachant l’arrestation de certains leaders de l’opposition et le blocus sur les domiciles de d’autres à la création du CNT, entend donner de l’ampleur à ce fait qu’il juge illégal afin de couvrir la controverse essentielle qui porte à la fois sur sa légitimité et sa légalité. Or, tout montre, dans ses actes et dans ses discours, que monsieur Ouattara avait planifié l’arrestation de ses opposants avant même la tenue du scrutin présidentiel. Ainsi, dans son interview accordée au journal le Monde du 24 octobre 2020, il avait annoncé déjà les poursuites contre ses adversaires politiques. Il avait même fixé le quantum de la peine des uns et des autres. C’était bien avant la création du CNT. L’arrestation programmée des principaux animateurs de l’opposition politique et de l’opposition civile devrait servir de moyen de change en cas de négociations pour monsieur Ouattara. Il réussirait ainsi à déplacer le cœur de la crise de l’illégalité de sa candidature et, donc, de sa réélection vers la libération des prisonniers-otages. Le CNT ne sert finalement que de prétexte. C’est à ce niveau que se situe toute la faiblesse de ce Conseil qui se pose, à mon sens, plus en termes d’opportunité que de légalité. En effet, si le CNT avait été créé dans un autre contexte, l’état de nécessité crée par ce contexte lui aurait conféré la légalité.

Au total, il faut rester vigilant sur le débat et la cause de la crise. Le succès final de l’opposition ne dépendra finalement que de sa capacité à discerner, entre plusieurs, la contradiction principale de la crise qui demeure la violation de la Constitution par le Chef de l’Etat sortant. Toutes les autres contradictions lui sont secondaires en ce qu’elles découlent d’elle. Tous les efforts et les sacrifices de l’opposition seront vains si, au final, cette crise se résout au préjudice de sa cause principale ».

 

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