On sait qu’en Afrique, obtenir un visa pour un pays européen est une gageure. A titre d’exemple, sur plus de plusieurs millions de touristes qui entrent en France chaque année, deux (2) millions sont originaires d’Afrique. Or, en cinq ans, le nombre de déplacés et d’apatrides sur le continent a doublé de dix(10) millions en 2006, et cette année le nombre est passé à plus de vingt (20) millions.
Parmi eux, plus du quart sont des réfugiés et demandeurs d’asile éligibles à la protection internationale et plus de la moitié sont des déplacés internes au continent. De cette immense population s’échappent vers donc l’Europe plusieurs centaines de milliers de personnes.
A l’Ouest, le passage vers l’Espagne par l’Algérie, puis le Maroc, est toujours ouvert, bien sûr, mais plus difficile, car les refoulements sont fréquents, les contrôles policiers renforcés, la présence de groupes jihadistes aussi. Et aux frontières des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, les barrières sont plus difficiles à franchir que jamais.
La route la plus empruntée est le Mali, l’Algérie, le Niger pour les exilés d’Afrique de l’Ouest, et parfois d’Afrique Centrale et par l’Ethiopie ou le Soudan pour ceux d’Afrique de l’Est. En ligne de mire, la Libye, ou plutôt l’enfer libyen, la route la plus courte – et la plus dangereuse – vers les eaux internationales, et le secours hypothétique de bateaux européens.
La détresse des familles
Le drame de l’émigration clandestine représente souvent un sacrifice considérable pour les familles qui soutiennent leurs « frères » et/ou « sœurs » qui émigrent de manière irrégulière en Europe. Direction Daloa, ville du centre-ouest de la Côte d’Ivoire, point de départ pour de nombreux jeunes. Rencontre avec deux adolescents, Souleymane et Ibrahim, qui ont tenté ce voyage et qui ont été rapatriés chez eux, ils vivent leur retour avec beaucoup d’amertume.
Âgé de 17 ans, Souleymane a tenté d’émigrer de manière irrégulière en Europe avec 400 000 FCFA. Le reste du budget de son voyage, il l’a complété en chemin. Il a notamment travaillé en Algérie et en Libye, ce dernier a sollicité à plusieurs reprises sa famille pour lui payer la traversée vers l’Italie. Une véritable dette, selon sa mère, une commerçante d’une cinquantaine d’années, «j’ai emprunté 1,5 million de FCFA, une somme empruntée auprès de mes amies et de mes connaissances au marché. Mais jusqu’à présent, je ne parviens pas à les rembourser», regrette-t-elle.
De retour dans leur famille, ces jeunes se sentent rejetés par leurs proches. Comme Ibrahim, de retour après plus d’un an de voyage entre le Mali, l’Algérie et la Libye. « Je ressens le rejet de la famille, les gens ils parlent de toi, quand tu rentres dans leur maison tu pleures. La seule personne qui nous soutient c’est notre maman », confie-t-il.
A Daloa, il n’existe pas de cellule psychologique pour permettre à ces jeunes d’exprimer leurs souffrances et d’échanger sur leur expérience. Le troisième adjoint au maire, Brice Zunon reconnaît qu’il y a là une lacune, « ici, ces jeunes, quand ils rentrent, sont malheureusement livrés à eux-mêmes. L’Africain ne pense pas que, quand on subit ce genre de choses, il faut pouvoir faire attention au mental de cette personne-là. Ce n’est pas dans notre culture ». Et Souleymane et Ibrahim ont repris le chemin de l’école, seul moyen pour ces deux jeunes, de se former à un métier.
Source : rfi.fr