Nazaire Kadia (analyste politique)
La terre dans un de ses inlassables mouvements, vient d’achever sa révolution ou sa translation, mettant fin à un cycle et entamant un autre. Pour le commun des mortels, c’est la fin d’une année et le début d’une autre. C’est l’occasion pour tout un chacun de faire le bilan des 365 jours et nuits passés, d’en tirer les leçons, de prendre des résolutions et de faire des projections pour la nouvelle année.
2021 s’en est allée, emportant avec elle tous les vœux que nous fîmes à son apparition. 2022 apparaît, portant avec elle nos nouveaux vœux, nos nouveaux souhaits et nos nouvelles espérances. C’est un rituel devenu banal auquel nous n’hésitions pas à sacrifier.
Nous sommes-nous assurés que les vœux de l’année écoulée se sont réalisés ? Les souhaits émis ont-ils été accomplis ? Nos espérances ont-elles été satisfaites ?
Qu’importe ? L’année prochaine, nous ferons la même chose.
A cette période de l’année, nous avons également droit au message du chef de l’Etat à la nation. Sans surprise, et comme les années écoulées, nous avons eu droit aux mêmes vœux formulés à notre endroit, les mêmes promesses d’amélioration de notre quotidien et partant de notre condition de vie, sans oublier les belles perspectives qui nous attendent. Tout ceci dans une autosatisfaction et une autocélébration qui deviennent lassantes et ennuyeuses, du fait de leur récurrence.
A entendre ce discours, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nos ponts seront achevés en 2022, notre temple du savoir de Bondoukou nous sera livré en 2022, notre économie a connu une croissance de 6,5%, de nombreux ménages ont quitté les ténèbres grâce à leur accès désormais à l’électricité, la paix règne en Eburnie, 2500 prisonniers non-auteurs de crime de sang ont été élargis, etc. On ne peut que se satisfaire d’un tel bilan.
Mais des interrogations demeurent. Le niveau de vie des ivoirien a-t-il évolué pour autant? Dans quel sens ? Ressentent-ils toutes ces améliorations sur leur quotidien ?
Qu’en est-il des ivoiriens déguerpis de Koumassi ou d’ailleurs ? Que leur propose-t-on après avoir perdu leurs logements ?
Qu’en est-il de cette vague de grippe qui fait ravage au sein de la population et dont on dit qu’elle serait le variant Omicron de la covid 19 ? Il est tout de même curieux que le chef de l’Etat n’en fasse pas cas, comme si cela était un épiphénomène.
Beaucoup d’ivoiriens avaient l’espoir qu’en cette fin d’année, dans un esprit d’ouverture, les prisonniers politiques et militaires de la crise postélectorale seraient élargis, à l’effet de contribuer à la détente de l’atmosphère politique, mais apparemment cela n’est pas à l’ordre du jour.
Mais avec du recul, on peut aisément se rendre compte qu’il n’y a vraiment pas de quoi s’étonner. L’esprit de ce discours et les attentes non satisfaites des ivoiriens cadrent bien avec le dernier développement de l’actualité dans notre pays. Le pouvoir semble ne se sentir à l’aise que dans une atmosphère trouble ou surchauffée.
Il peut désirer une chose et son contraire. Ainsi, par le truchement du premier ministre Patrick Achy, il peut appeler les partis politiques et la société civile à un dialogue politique et mettre également en perspective la poursuite devant la justice, des principaux dirigeants de l’opposition. Cela selon ses thuriféraires pour mettre fin à l’impunité.
Pendant ce temps, tous les chefs rebelles devenus des officiers de l’armée nationale peuvent être promus colonels majors ou généraux, alors que certains d’entre eux ont été épinglés par des Ong comme ayant commis les pires atrocités pendant la crise postélectorale de 2010. Quand seront-ils interpelés ? Ceux qui ont décapité un jeune homme à Daoukro peuvent également courir. On espère qu’arrivera un jour où ils seront rattrapés par notre estimé procureur, et qu’ils répondront de leur acte.
Demain est certes un autre jour mais demain arrive toujours et l’ivraie sera séparée du vrai.
Bonne, heureuse, sainte et fructueuse année 2022 à tous !