Le Président du Rassemblement pour la paix, le progrès et la partage (RPP), le ministre Ouattara Gnonzié, a pris la parole, au cours du meeting du PDCI-RDA à Yamoussoukro, au nom de la Coalition pour la Démocratie la Paix et la Réconciliation (CDRP), plateforme non idéologique regroupant les partis politiques de l’opposition, mise en place par le Président Bédié.
Ci-dessous l’intégralité de son discours.
- Excellence Monsieur le Président Henri Konan BEDIE Président du PDCI-RDA
- Monsieur le Ministre Maurice Kakou GUIKAHUE, Secrétaire Exécutif en Chef du PDCI
- Mesdames et Messieurs les Vice-Présidents du PDCI-RDA
- Honorables Membres des Instances du PDCI-RDA
- Militants et Militantes du PDCI-RDA
- Mesdames et Messieurs les Présidents alliés du PDCI
Je me retrouve, à cet instant, dans cette posture, qui m’a été déléguée, pour l’occasion, par les membres de la CDPR (la Coalition pour la Démocratie la Paix et la Réconciliation).
En leurs noms je voudrais, de prime abord, dire toute notre reconnaissance au Président Henri Kona BEDIE qui a eu l’heureuse initiative de créer cette plateforme, non idéologique, qui sera formalisée dans les jours à venir.
Je ne saurai, non plus, passer sous silence l’honneur et le plaisir que nous procurent notre invitation à cette grande manifestation historique dédiée à glorifier le Président HOUPHOUET-BOIGNY et en même temps, commémorer les 25 ans de l’anniversaire de sa disparition.
Pour les observateurs que nous sommes, lorsque nous jetons un regard sur cette immense foule, compacte, nous pouvons affirmer que la Direction et les militants du PDCI ont clos le débat sur la grande capacité du parti doyen à mobiliser, nonobstant l’activisme de ceux et celles qui dans leurs rêves se convainquent d’avoir rendu le PDCI en état de putréfaction, ou a tout le moins en situation végétative.
Certainement qu’après la manifestation de ce jour leurs visions oniriques risquent de se transformer en un cauchemar d’où ils aperçoivent sans doute, à quelques encablures, l’inévitable désert dont ils doivent bientôt entamer la longue traversée. Il ne peut en être autrement. On ne trafique pas, on ne joue pas impunément avec l’histoire. Surtout lorsqu’il s’agit du patrimoine, de la vie et de l’héritage d’un personnage, hors norme, qui s’appelle Felix HOUPHOUET-BOIGNY.
Excellence Monsieur le Président Henri Konan BEDIE, Mesdames et Messieurs les dirigeants du PDCI tous rangs et grades confondus, votre démonstration, de ce 19 Octobre 2019, nous offre l’opportunité de paraphraser un homme politique français, en l’occurrence André MALRAUX, qui rendant hommage au Général De Gaule, disait «En France tout le monde est, a été, ou sera un jour Gauliste».
En Côte d’Ivoire cette célèbre formule trouve, ici aujourd’hui, une résonance particulière au point ou on peut affirmer «En Côte d’Ivoire tout le monde est, a été, ou sera un jour Houphouëtiste».
Il est cependant regrettable qu’on puisse trouver chez nous, parmi ceux qui se disent Houphouëtistes, certains, dont les motivations à se réclamer du père fondateur, restent à désirer.
En effet comment peut-on se dire Houphouëtiste et rejeter toute la philosophie notamment le dialogue qui est le socle et le fondement. Du dialogue HOUPHOUËT-BOIGNY a dit, lui-même, qu’il était, à ses yeux le meilleur moyen de régler et réguler les conflits et les malentendus qui naissent, ici et là, sur la terre des hommes.
Comment se revendiquer du sage d’Afrique et faire abstraction de ses immenses qualités de tolérance, d’humilité et de proximité avec ses concitoyens, son peuple, autant de valeurs et vertus qui ont fait la grandeur et la réputation de l’homme exceptionnel qu’il fut.
Autrement dit comment peut-on citer, abondamment Felix HOUPHOUËT-BOIGNY, urbi et orbi, et ne se reconnaitre exclusivement qu’en son nom.
Faisant ainsi, usage de celui-ci comme un banal moyen de marketing politique ou commercial.
Disons-le tout net, le drame de la Côte d’Ivoire, aujourd’hui, à cet instant, c’est d’avoir un pouvoir en exercice qui s’empare du nom D’HOUPHOUËT-BOIGNY pour appâter et tromper les foules, mais en vérité n’en pense pas un piètre mot.
Quel citoyen ivoirien ne connait la citation de Felix HOUPHOUËT-BOIGNY, la plus usitée “La paix n’est pas un vain mot c’est un comportement“.
D’où les doutes et les interrogations que beaucoup de nos compatriotes ont aujourd’hui, à l’égard du comportement de ceux qui nous gouvernent, relativement à la Paix.
Il n’est besoin d’une longue réflexion pour relever ici une kyrielle de discours, d’actes et de faits qui sont en flagrante contradiction avec la promotion de la Paix et de la stabilité très chers au Président HOUPHOUËT-BOIGNY.
Les manquements à l’éthique et à la philosophie Houphouëtistes on peut en citer ici quelques-uns les plus audacieux et marquants. Il y’a d’abord cette épée de Damoclès, que l’on vient de placer sur la tête du peuple ivoirien, appelée abusivement “Commission Electorale Indépendante“. D’aucuns parleraient plutôt d’un séisme en voie d’ébullition sous nos pieds, parce que cet instrument, car il faut l’appeler ainsi, n’a ni les qualités, ni le contenu, ni les hommes, pour organiser des élections justes, équitables, consensuelles et dignes de confiance.
Dans l’histoire des élections, en Côte d’Ivoire, c’est sans doute la Commission la plus dépendante et la plus inféodée, au pouvoir, qu’il est donnée de voir.
Le Président de la commission ainsi que son 1er Vice-président sont tous deux désignés par le Président de la République, Chef du parti au pouvoir.
Le Président de la Commission représente le Conseil Supérieur de la Magistrature dont le chef reste et demeure le Président de la République. Le 1er Vice-président, est le représentant, intuiti personae, du président de la République et chef du parti au pouvoir.
Il en découle que les deux hommes clé de ladite Commission, pour être désignés et accéder à l’institution, ont bénéficié chacun, à tout le moins, de l’assentiment du Présidant de la République, sinon de sa signature.
Ils sont donc, sans conteste, des représentants du Président de la République auquel ils sont redevables.
Deuxième fait récent destiné à remettre gravement en cause la paix dans notre pays, c’est cette annonce, sans concertation, de remettre en cause de façon unilatérale des chapitres de la constitution à quelques mois des consultations présidentielles.
A cela il faut retenir les menaces, les intimidations et même les arrestations dirigées de façon croissante contre les cadres et dirigeants de l’opposition. La plus récente date seulement de quelques jours et concerne Monsieur MANGOUA Jacques, le Président du Conseil Régional du GBEKE, également Vice-président du PDCI-RDA.
Il ne faut pas non plus minimiser cette menace très sérieuse faite par le Premier Ministre, lui-même, au nom du Président de la République, au Maire de Toulepleu, Monsieur Denis Kah ZION. Alors que celui-ci l’accueillait de façon triomphale en bon républicain avec tous ses administrés, son hôte lui signifiait le mécontentement et le ras-le-bol de son patron par rapport aux fonctions de dirigeant de presse de Monsieur Kah ZION, sujet qui n’était pas à l’ordre du jour dans le contexte de la visite du Premier Ministre. Ceci constitue sérieusement un indicateur très important, du désintérêt et du mépris que nos gouvernants ont à l’égard de la liberté d’information, d’opinion et d’expression.
Autant de valeurs qui sont inscrites dans notre constitution.
Tous ceux qui suivent la vie politique ivoirienne depuis le retour au multipartisme en 1990, sont unanimes à reconnaitre que la démocratie n’a jamais été autant contrariée que ces huit dernières années, et l’Etat de Droit quasi inexistant.
La conséquence c’est la répression dont sont l’objet tous ceux qui ne fredonnent pas la même chansonnette que les tenants du pouvoir RHDP.
Les citoyens ivoiriens, les plus démunis, ne bénéficient guère de plus mansuétude de la part de nos dirigeants.
Comment comprendre que dans un pays, comme le nôtre, ou près de la moitié de la population vit sous le seuil de l’extrême pauvreté, c’est-à-dire des hommes et des femmes qui gagnent à peine 800FCFA par jour, pour se nourrir, se loger et se soigner, il leur est exigé de se procurer la nouvelle Carte Nationale d’Identité biométrique à 5000FCFA avant les élections de 2020. Alors qu’il est de notoriété qu’ailleurs, dans la plupart des pays, autour de la Côte d’Ivoire, moins nantis, les gouvernants imposent des sommes moins onéreuses, et même quelque fois la gratuité totale.
Cette décision, de soustraire une somme aussi importante à des citoyens qui éprouvent d’énormes difficultés à avoir un seul repas par jour, relève d’une double volonté du gouvernement ivoirien.
Il s’agit, d’une part, d’accroitre la misère de nos compatriotes les plus démunis. D’autre part cette initiative est en même temps une démarche visant à faire obstacle à l’expansion de la démocratie dans notre pays qui deviendrait ainsi plutôt une ploutocratie. Car, ainsi qu’on le sait, sans document d’identité on ne peut être électeur.
A moins que cela ne soit une stratégie pour le pouvoir de fournir sous la table les moyens nécessaires aux démunis pour se faire établir les pièces, avec promesse, en retour, de choisir le camp des supposés bienfaiteurs. Ce qui est une grosse fraude intolérable.
Comme nous l’avons relevé, plus haut dans cette intervention, les obstacles et les entorses à la paix en Côte d’Ivoire sont aujourd’hui légion, tant il est vrai qu’en face de l’opposition, ou même d’honnêtes citoyens, sans parti-pris, les radicaux et les faucons se multiplient avec des discours de violence, de haine, de mépris, de menaces et d’injures qui tendent à devenir la règle dans notre République.
C’est pourquoi du haut de cette tribune, au nom de tous les ivoiriens épris de paix et de justice, et qui disent plus jamais de guerres et de crises post-électorales, j’invite les autorités gouvernementales, avec la courtoisie que nécessite leurs rang, à revenir sur la voie de la sagesse et de la paix.
- La voie de la sagesse et de la paix: C’est d’offrir aux ivoiriens une Commission Electorale équitable, inclusive, élaborée dans la concertation, le dialogue et qui inspire confiance à tous les acteurs politiques et sociaux, ainsi que toute la communauté nationale et internationale. Dans sa volonté de s’octroyer une CEI à sa dévotion, le pouvoir s’est tenu à une simple recomposition de l’organe en violation des dispositions de l’Arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
- La voie de la sagesse et de la paix : C’est de tout mettre en œuvre pour l’instauration d’un Etat de droit et de Démocratie où tous les citoyens, comme le stipule notre constitution, sont égaux devant la loi et la justice sans préjudice de leur appartenance politique et de leurs opinions. On en finira ainsi avec les intimidations, les actes arbitraires et les emprisonnements abusifs qui gagnent du terrain, même nos universités et écoles n’y échappent pas. En ces lieux qui dispensent le savoir les enseignants et chercheurs sont victimes de privations de toutes natures : liberté collectives, individuelles, refus de paiements des salaires etc.
- La voie de la sagesse et de la paix : C’est de renoncer à entreprendre des opérations de charcutage, dans notre constitution à un an des échéances électorales.
- La voie de la sagesse et de la paix : C’est d’abandonner l’idée d’imposer actuellement de lourdes taxes, difficilement supportables, à une frange importante de nos concitoyens, pour l’acquisition de leur Carte Nationale d’Identité.
- La voie de la sagesse et de la paix : C’est de mettre un terme à la construction du Parti Etat qui met à mal la cohésion sociale par la confusion, à tort, entre les postes et les fonctions relevant de l’Etat avec les tabourets partisans de l’administration RHDP.
- La voie de la sagesse et de la paix : C’est de procéder à la libération de tous les prisonniers de la crise post-électorale y compris les militaires.
Organiser le retour de tous les exilés et naturellement les plus célèbres d’entre eux déportés de force et embastillés à l’extérieur. Aujourd’hui acquittés et blanchis par la justice internationale ils doivent regagner la mère patrie. Comme vous le devinez je veux parler du Président Laurent GBAGBO et son Ministre Charles Blé GOUDE.
- La voie de la sagesse et de la paix : C’est de rétablir, de toute urgence, l’équité, la neutralité, l’indépendance et l’égalité d’accès aux médias de service public. Aussi bien l’audiovisuel que la presse électronique.
Il est inadmissible et inimaginable que tous les ivoiriens contribuent par le truchement du paiement de la redevance au financement et au fonctionnement de la RTI et qu’en retour ils en soient interdits d’accès. En effet depuis des années la RTI est monopolisée par le parti au pouvoir et ses ramifications. Ni les partis politiques, ni les citoyens ne sont en odeur de sainteté. Ce qui constitue un crime contre le droit à l’information et à la liberté d’expression et d’opinions.
- La voie de la sagesse et de la paix : C’est la restauration de la Démocratie à l’Assemblée Nationale en intégrant les groupes parlementaires de l’opposition dans le Bureau de l’Institution et dans les Commissions.
Exclure les Députés de l’opposition du fonctionnement du temple de la démocratie et du peuple, c’est porter une atteinte grave à la légalité et à la légitimité des textes de loi qui en sont issus.
Cette longue liste, non exhaustive, que je viens d’énumérer et qui constitue des pratiques constantes et anti démocratiques dans notre pays, recèle en son sein le terreau du désordre, de la fracture sociale et de l’instabilité. C’est pourquoi j’ajoute qu’il ne faut pas se faire d’illusions. Si des hommes et des femmes ont cru ou pensé, un seul instant, que le refus de négocier une Commission Electorale consensuelle et équitable, ainsi que la volonté de modifier la constitution conduiraient l’opposition à boycotter les prochaines élections, ils font fausse route et une grave méprise.
L’opposition entreprendra tout ce qui est démocratiquement possible afin que ces élections aient lieu. Mais naturellement l’arbitre ne sera pas cet instrument qui vient d’être mis en place certainement outillé pour tout faire, sauf organiser des élections.
Pour terminer j’attire l’attention de tous, autant que nous sommes, sur les enseignements de l’histoire qui sont implacables. Un peuple moribond, aplati et désossé peut ramper durant des dizaines d’années. Mais un jour ou l’autre il trouve la force de se redresser, se tenir droit dans ses bottes pour faire face avec courage et détermination à l’oppresseur qui l’a longtemps humilié et torturé.
Vive la Côte d’Ivoire démocratique.
Pour que vive une Côte d’ivoire pacifique et stable, ainsi que voulue par Felix HOUPHOUËT-BOIGNY.
Merci à tous !
NB: Le titre et le chapeau sont de la Rédaction