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Maroc/ « Ben Barka, l’obsession », le journaliste Olivier Boucreux revient sur la disparition de l’opposant marocain dans un documentaire  

La disparition du Marocain Mehdi Ben Barka excite toujours les passions. Cinquante ans après et dans un documentaire « Ben Barka, l’obsession », Olivier Boucreux revient sur les manipulations de la plus vieille instruction judiciaire en France.

Votre film s’intitule « Ben Barka, l’obsession ». De quelle obsession s’agit-il ?

  Par ce film, j’évoque l’obsession de plusieurs personnes autour de cette affaire. Celle de la famille d’abord – et tout particulièrement du fils Ben Barka, Bachir -, qui veut connaître la vérité ne serait-ce que pour pouvoir accomplir son deuil. Mais c’est aussi l’obsession des juges français, de l’avocat de la famille et, surtout, du journaliste Joseph Tual, qui s’emploie depuis 25 ans à verser de nouveaux éléments au dossier. Cinquante ans après les faits, l’affaire passionne toujours car c’est un mystère toujours non élucidé : son corps n’a jamais été retrouvé. Et il s’agit tout de même de la plus vieille instruction judiciaire de France ! Et puis il faut dire que Mehdi Ben Barka n’était pas n’importe qui. Avant sa disparition, il préparait avec Fidel Castro la conférence tricontinentale qui appelait à l’établissement d’une révolution mondiale. Il dérangeait du monde : le Maroc, les États-Unis, la France… Ben Barka aurait changé la face du Maroc et du monde. S’il était encore vivant, le monde serait différent. Il y a quelque chose de très actuel dans son combat pour la liberté et l’indépendance. Nul doute que les acteurs du printemps arabe se sont reconnus en lui.

Votre documentaire contient-il de nouvelles révélations ?

Mon film met en avant une version de l’affaire qu’on n’a pas beaucoup vue ni entendue et qui met en cause le défunt roi Hassan II, dont Mehdi Ben Barka était l’opposant le plus sérieux. Aux yeux de ceux qui connaissent bien le dossier, ces éléments ne constitueront pas de révélations fracassantes mais privilégient certaines pistes. On sait, entre autres, que Mehdi Ben Barka s’est fait enlever par des personnes qu’il connaissait puisqu’il les a suivies de son plein gré, pensant sûrement qu’il n’aurait pas de souci. Nous pensons qu’ensuite la rencontre a mal tourné, que quelqu’un – sûrement Georges Boucheseiche, un truand français impliqué dans l’affaire – aurait eu la main lourde et tué Ben Barka sur le coup. Le corps aurait ensuite été rapatrié au Maroc pour le faire disparaître. Nous disons dans le film que sa tête pourrait se trouver au PF3, la prison secrète d’Hassan II, à Rabat. Mais les enquêteurs n’ont jamais eu le droit de se rendre sur les lieux.

La famille de Mehdi Ben Barka peut-elle espérer connaître un jour la vérité ?

Il y a eu de nombreux blocages de la part du Maroc et des gouvernements français successifs, mais on n’est pas loin de la vérité aujourd’hui. Des témoins savent des choses et pourraient parler. Des mandats d’arrêt ont été lancés mais le Maroc refuse de les exécuter. La vérité se trouve au Maroc, dans la bouche des témoins et sous les gravats du PF3. Mais il faut faire vite. Même 50 ans plus tard, il est important de faire parler de l’affaire pour ne pas qu’elle meure avec les protagonistes. Je ne prétends pas détenir la vérité mais, en continuant à faire des reportages ou des documentaires, on s’en rapproche toujours un peu plus. Et puis mon film parle aussi du journalisme. Après la récente affaire des journalistes Éric Laurent et Catherine Graciet, accusés d’avoir voulu faire chanter le royaume marocain, « Ben Barka, l’obsession » est une manière de « réhabiliter » ceux qui exercent ce métier avec sérieux et mènent un travail de fond pour faire éclater la vérité.

 

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