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Mali/ La France en pompier pyromane de la crise?

Nazaire Kadia (analyste politique)

Les relations entre la France et le Mali continuent de se tendre, et le point culminant fut atteint avec l’expulsion de l’ambassadeur de France au Mali, suite aux propos discourtois et irrespectueux du ministre français de l’Europe et des Affaires Etrangères, M. Yves Le Drian à l’endroit du gouvernement malien.

Les réactions suite à cette expulsion furent diverses. Si en Afrique une bonne frange de la population a apprécié cette décision des autorités maliennes, en France, colère et indignation étaient le partage de tous les hommes politiques et dans toutes les chapelles politiques. Certains ont même parlé d’humiliation, demandant par conséquent des mesures de rétorsion, oubliant certainement que depuis longtemps, le Mali n’a plus d’ambassadeur en France ; le dernier en poste fut rappelé après qu’il a dénoncé le comportement inadmissible et indigne de certains soldats français dans les rues de Bamako.

Mais ce qui revient de façon récurrente dans toutes les réactions des politiques Français, c’est la mise en avant de la mort des 53 (tantôt 58) soldats au Mali pour défendre ce pays. Ne pas tenir compte de ces sacrifices et expulser l’ambassadeur français, est le signe d’une ingratitude sans nom des autorités maliennes.

Mais des interrogations taraudent le commun des mortels au regard de ces relations tendues entre la France et le Mali :

– Pourquoi, alors que la demande du président intérimaire du Mali, le professeur Dioncounda Traoré était relative à une intervention aérienne et un appui en renseignements, la France a-t-elle déployé 5000 soldats au sol, puis cornaqué le déploiement d’une force européenne de ses alliés de l’Union Européenne ?

– D’où provient l’armement des djihadistes et des rebelles au point d’en imposer à des états ? Qui le leur fournit ? Comment le payent-ils ?

Pour rappel, aux prises avec le déferlement d’une coalition de terroristes djihadistes et de rebelles Touaregs, le gouvernement malien d’alors, à travers une lettre du président intérimaire, le professeur Diouncouda Traoré, adressée au président français, M. François Hollande, sollicitait un appui aérien et des renseignements à l’effet de permettre aux troupes maliennes de contenir les assauts des coalisés.

La lettre disait en substance : « …Suite aux développements récents constatés sur le terrain et à la menace qui se précise contre nos premières lignes de défense, une intervention aérienne immédiate s’impose. Celle-ci consistera à fournir un appui renseignement et un appui feu au profit de nos troupes… »

Comme on le voit, nulle part il n’est fait mention d’un déploiement de troupes au sol. Certes la marée djihadiste a été endiguée et Bamako ne fut pas atteint mais la motivation de cet important déploiement de troupes au sol se trouve ailleurs.

Et c’est la chaîne de télévision française TF1 qui en donne l’explication : « …La présence militaire française vise directement à sécuriser l’approvisionnement des centrales françaises en uranium : ce dernier est extrait dans les mines du nord du Niger, une zone désertique seulement séparée du Mali par un trait sur les cartes géographiques. La France a absolument besoin d’être là pour protéger cette zone. C’est crucial pour l’industrie française… ». Tout est dit. La France n’est pas au Mali pour les beaux yeux et le teint ébène des maliens. Alors si les 53 soldats sont tombés pour le Mali, il faut ajouter qu’ils le sont surtout pour la France.

Quant à l’armement dont disposent ces djihadistes-terroristes et ces rebelles au point de vouloir mettre le Mali en coupe-réglée, son origine est multiple. La bande sahélo-saharienne est une zone de trafics de tous genres : drogue, trafic humain, razzias, etc. Les nombreux groupes armées qui y pullulent, s’y a adonnent à cœur joie et ont là les moyens de se procurer des armes. Il faut également ajouter les prises d’otage dont la libération procure des revenus substantiels. On n’oublie non plus que des groupuscules djihadistes, reçoivent un appui financier de certains pays du Golfe, notamment le Qatar.

Mais quand en 2011, la France sous la houlette de Nicolas Sarkozy, entreprit d’éliminer le Guide libyen Mouammar Kadhafi, elle a eu, avec ses alliés de l’Otan, à distribuer d’importantes quantités d’armes aux opposants de ce dernier. Et quand finalement Kadhafi fut tué et les poudrières de la Libye ouvertes, tous les groupuscules se sont servis à satiété.

C’est avec ces armes que ces groupes hétéroclites sont descendus vers le sud et donc au nord du Mali, n’ayant plus rien à faire dans un pays en lambeaux et où règne un chaos indescriptible, chacun avec un objectif précis.

Si pour certains, la préoccupation était de poursuivre les trafics et autres razzias, les Touaregs eux, s’étaient mis à rêver de la naissance de l’état de l’Azawad, et pour les djihadistes, créer un califat dans la bande sahélo-saharienne où sera appliquée l’Islam dans toute sa rigueur, est un rêve caressé depuis longtemps. L’existence de ce califat est certes un danger pour les états environnants, mais également une menace importante pour les intérêts français.

On comprend dès lors la grande débauche d’énergie des français. Ils ont allumé le feu en Libye, le feu s’est mis à se propager au risque de consumer leurs intérêts, ils accourent pour circonscrire l’incendie et voudraient qu’on leur tresse de lauriers !

Comme l’a chanté un artiste, « …ils allument le feu, ils l’activent, et après, ils viennent jouer au pompier, on a tout compris… ». Oui, on a tout compris.

Et il y a certes eu un soir au Mali, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.

 

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