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Kouamouo réagit à un article d’Assalé Tiémoko: « les libanais ne contrôlent ni l’exécutif, ni le législatif, ni le judiciaire »

 

Je n’aime pas polémiquer sur les réseaux sociaux avec des confrères, surtout quand je les estime. Mais je me sens le devoir d’évoquer la dernière publication d’Antoine Assalé Tiémoko, patron de l’Eléphant Déchaîné, sur Facebook. Une publication dans laquelle il annonce un numéro spécial de son journal sur un scandale : l’expropriation d’une famille ivoirienne par un certain Ali Fawaz, d’origine libanaise.

Bien entendu, cette affaire a une résonance particulière dans l’opinion, alors même que de nombreux quartiers précaires habités par des pauvres sont détruits pour être réinvestis dans le cadre de gros projets immobiliers, et que l’on en vient même à tenter de faire casser des écoles pour le grand profit du lobby de l’immobilier.
Mais là où je commence à être mal à l’aise, c’est quand intervient la racialisation d’une question qui relève de l’absence d’Etat de droit. Le confrère parle d’une « mafia libanaise du foncier », admet que « tous les Libanais (…) ne sont pas concernés », mais se plaint qu’ils « ne font rien pour amener leurs compatriotes (…) à arrêter d’humilier des citoyens d’un pays qui les a accueillis ». Il dénonce « la méchanceté de ces gens à qui on a donné un doigt et qui sont en train d’arracher (…) tous les membres de notre corps ». Il parle de mettre fin « à leur corrompu règne dans ce pays ».
– Je trouve que cette manière de présenter les choses masque, volontairement ou pas, les vrais problèmes. Et les vrais responsables.
– Les Libanais ne « règnent » ni directement ni indirectement sur la Côte d’Ivoire. Ils ne contrôlent ni l’exécutif, ni le législatif, ni le judiciaire. Ils n’ont pas d’armée prépositionnée dans le pays ou de coopérants dans les ministères.
– Le vrai propos est donc la corruption des pouvoirs exécutif et judiciaire, face au pouvoir de l’argent. C’est la brutalité et l’âpreté au gain de l’administration, notamment de la police et des services des ministères spécialisés dans ces questions foncières et immobilières.
– Quand on pose ainsi le problème, on se fait comprendre par tout le monde, et on ne risque pas de se faire inutilement diaboliser.
– Pourquoi demander aux membres d’une communauté (concept qui ne peut être qu’officieux en République) de « raisonner » leurs brebis galeuses, faute de quoi ils seront considérés comme leurs complices ? Tout le monde s’indigne quand on demande aux musulmans de France d’affirmer voire de prouver qu’ils ne sont pas d’accord avec les terroristes. C’est cette tentative de fabriquer une sorte de « responsabilité collective » qui a accouché des stigmatisations et assignations à résidence qui ont « fragilisé » la Côte d’Ivoire ces dernières décennies.
– Si on accepte de parler de « mafia libanaise du foncier », ne nous plaignons pas quand d’autres parleront de « mafia dioula du transport » ou de « mafia adjoukrou de l’attiéké ».
– L’expérience montre que l’ethnicisation des questions sociales et politiques bénéficie toujours d’une manière ou d’une autre aux possédants.
– Alors que la vie chère et l’incurie généralisée alimente une colère croissante, la désignation d’un bouc émissaire étranger est une aubaine pour les pouvoirs et une facilité à laquelle succombent trop souvent les peuples.

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