’élection présidentielle du 8 août 2017 au Kenya n’en finit pas de nous surprendre. Après les résultats publiés par la commission électorale dénommée IEBC – Independent Electoral and Boundaries Commission, qui donnaient le président sortant vainqueur, la Cour suprême a annulé les élections. Une première en Afrique. Un scrutin a été organisé pour réparer les irrégularités du premier tour. Raïla Amolo Odinga a choisi de ne pas s’y présenter. A la proclamation du résultat, il exige un nouveau scrutin dans les 90 jours.
L’Afrique passe souvent pour être le tombeau de la démocratie. La dernière présidentielle au Kenya a prouvé que lorsque les institutions fonctionnent normalement, les imperfections de la Commission électorale peuvent être réparées. C’est ainsi que, malgré les 54,27% de voix qui le plaçaient devant Raïla Amolo Odinga, arrivé deuxième avec 44,74% des voix, Uhuru Kenyatta a dû à nouveau solliciter les suffrages de ses compatriotes le 26 octobre. Quant à celui qui devait être son rival du second tour, Raïla Odinga, il a fait le choix de ne pas participer à l’élection de jeudi dernier. Elle a eu lieu dans des conditions difficiles, mais elle a fini par avoir lieu.
Une abstention et des morts
Cette nouvelle élection a eu un coût en vies humaines très élevé. Près de 50 morts entre le deuxième et le troisième tour. Les médias internationaux en ont fait leurs choux gras. La question que cette attitude pose c’est celle de savoir pourquoi donner le bilan des morts, le répéter tout au fil de la journée, sans préciser les conditions dans lesquelles ces personnes sont décédées. Faudrait-il interdire aux gens de mourir en période électorale ? Sans minimiser le nombre de morts, car tout-e mort-e est un-e mort-e de trop, quel intérêt a la presse à donner des chiffres secs nous indiquant le nombre de vies perdues sans plus de précision ? Est-ce pour essayer de les ressusciter ou alors pour inciter à plus de violences et donc, in fine, à plus de morts ?
Naufragés du premier tour
Le leader de l’opposition ayant choisi de ne pas prendre part au second tour de la présidentielle auquel il s’était pourtant qualifié, le président sortant, Uhuru Kenyatta, a dû repêcher des candidats malheureux du premier tour pour que son éventuelle réélection ne se fasse pas avec un score à la soviétique. D’où le choix d’adversaires de substitution pour tenir des élections relativement acceptables. Les élections n’ont pas pu se tenir dans 4 comtés de l’ouest du Kenya sur 47, soit moins de 10% du corps électoral. Pour éviter un bilan en pertes humaines encore plus lourd, les autorités kenyannes ont choisi de reporter la date des élections dans ces comtés. Ce qui ne convient pas à Raïla Odinga.
Des élections dans 90 jours
Cette fois-ci, sous prétexte qu’à Mathare (banlieue de Nairobi), Kisumu ou encore Migori, les électeurs ont choisi de ne pas se rendre aux bureaux de vote ou que ces bureaux ont connu une faible affluence, Raila Odinga voudrait que de nouvelles élections soient convoquées dans les 90 jours. Pour le premier et le second tour il ne faisait pas confiance à la commission électorale. Cette Commission électorale n’a pas changé. C’est elle qui a organisé le premier et le second tour des élections, c’est elle qui organiserait l’éventuel troisième tour que Amolo Odinga appelle de tous ses voeux. Si le Kenya n’avait pas connu des violences post-électorales en 1963 et en 2007, qui ont débouché sur des milliers de morts, le revirement de Raïla Odinga prêterait au sarcasme. Par respect pour ces milliers de morts, une seule question s’impose : que veut réellement Raïla Amolo Odinga ?
@keumayou
Photo: Uhuru Kenyatta et Raïla Amolo Odinga
source: https://keumayou.com/2017/10/28/election-presidentielle-kenya-que-veut-raila-odinga/