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Interview / Me Abié Modeste, Avocat de Sam l’Africain : «le montage de ce coup est mal fait »

Objet d’une double condamnation, Sam Mohamed Jichi alias Sam l’Africain, homme politique ivoirien se trouve en ce moment à la Maison d’arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA). Pour cette affaire qui préoccupe en ce moment l’opinion nationale, l’avocat du prévenu fait, dans cet entretien, la lumière.

Me Abié, votre client, l’opposant ivoirien Sam l’Africain, président de la Nouvelle alliance de la Côte d’Ivoire pour la patrie (NACIP) est menacé d’une autre condamnation de 5 ans d’emprisonnement et 1.000.000f Cfa d’amande, en plus de celle de 6 mois assortie d’une amande de 500.000f Cfa. Comment apréciez-vous cela ?

En effet, mon client est condamné depuis le 31 mars dernier a une peine d’emprisonnement de 6 mois et 500.000f Cfa d’amande, plus 5 années de privation de ses droits civiques, pour « injures et diffamations envers une ethnie ». Mais rassurez-vous, nous avons interjeté appel. Parce qu’on ne peut pas priver à un homme politique, sa liberté d’expression, après constat d’une situation.

Dans ce deuxième procès du mardi 4 avril dernier, j’estime qu’il y a quelque chose de suspect. La suspicion vient du fait que c’est la première fois qu’un prévenu est jugé, il sollicite un renvoi pour appeler son Avocat. On lui refuse cela catégoriquement. Informé de façon fortuite par d’autres personnes, son Avocat  fait son apparition dans la salle d’audience. Il se présente à la barre, et dit au Tribunal et au Parquet qu’il vient de se constituer, mais qu’il n’a aucun élément du dossier. Alors il demande juste une semaine, pour en prendre connaissance. On lui oppose aussi un refus catégorique. C’est à croire que tout a été mis en oeuvre pour arriver à une condamnation. C’est cela qui paraît suspect dans cette affaire-là.

Que lui reproche-t-on dans ce second procès ?

 Selon le Parquet, Monsieur Jichi Sam Mohamed, connu sous le sobriquet de Sam l’Africain, serait impliqué dans une affaire ancienne en citation directe pour, dit-on, « tentatives de faux en écriture privée de banque et tentative d’escroquerie ». Un délit puni par les Articles 24, 403, 420, 416, du Code pénal ivoirien.
Maintenant dans le fond, c’est eux seuls qui ont eu droit à la parole, pour dire qu’il y a eu des chèques frauduleux. Mais dès lors que le droit de la défense n’a pas été respecté et que l’Avocat n’a même pas eu le temps de prendre la parole pour savoir si, réellement, les faits incriminés sont établis. Manifestement, c’est une volonté de le punir et le nuire.

C’est quand-même assez fort et révélateur, ce que vous dites…

Oui, en réalité, comme le premier procès est un procès politique, ils veulent lui enlever la couverture politique, pour lui coller un procès de droit commun. Et faire croire à l’opinion que c’est parce que mon client est un escroc notoire, qu’il a été condamné. Mais un escroc notoire a quand même des droits et les droits de la défense sont sacrés. S’ils sont sûrs de leur affaire, pourquoi ils ne rendent pas l’audience public avec des débats ? Quitte à le condamner, si les faits sont établis.
Au lieu de cela, on le juge en catimini. Son Avocat sollicite un renvoi pour prendre connaissance du dossier, on dit non. Et à peine il sort de la salle d’audience, le Parquet requiert contre lui 5 ans d’emprisonnement et 1 million de Fcfa d’amande. Manifestement, il y a quelque chose qui ne va pas.

 

À quoi faites-vous allusion, Maître ?

À l’analyse, ce procès-là est fait pour masquer le premier, qui est un procès politique, et qui fait couler beaucoup d’encre dans le pays, ainsi que des réactions extérieures. Je dirai même que c’est une affaire montée de toute pièce. Parce que je tombe des nues après avoir lu un article relatif à ce procès, le jeudi 06 avril matin, dans le journal SOIR INFO, N•6750. Comment on peut aller dans une banque, prendre un chèque guichet et le falsifier ? Est-ce que cela est possible ? Il ne s’agit pas d’un chèque guichet. Le Parquet parle d’un chèque certifié. Alors pourquoi parle-t-on de chèque guichet aux journalistes et au Parquet, on parle de chèque certifié ? Voyez-vous, la différence est fondamentale. Et cela veut tout simplement dire que le montage de ce coup est mal fait. On comprend aisément donc que ce second procès est fait pour punir M. Jichi Sam Mohamed. Car, depuis qu’il est rentré en Côte d’Ivoire après son témoignage à la Cour pénale internationale (Cpi), il faut lui chercher noises.

D’aucuns parlent d’une affaire ancienne. Et vous-même l’aviez évoqué plus haut. Alors dites-nous si oui ou non, le Tribunal a le pouvoir de se saisir d’une vieille affaire ?

 Selon les déclarations du Parquet, c’est une affaire qui date de 2008. Elle est donc frappée de la prescription, c’est-à-dire que le plaignant a trois (3) ans pour poursuivre la personne. Après ce délai, on ne peut plus poursuivre la personne devant les Tribunaux. Alors comment se fait-il que subitement on l’embarque un matin de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca), où il se trouve. On lui dit qu’il a une audience. Il arrive au Tribunal et c’est là qu’on lui dit : « Monsieur, en 2008, vous avez falsifié des chèques et que vous devez répondre des faits ». Qu’à cela ne tienne. Le prévenu est déjà en détention. Alors si son Conseil sollicite un renvoi pour s’imprégner du dossier, il n’y a pas de raison qu’on lui refuse cela. Or ça été le cas. C’est qu’il y a quelque chose dans le dossier qui ne milite pas en faveur du Parquet. Parce que justement, la prescription est établie depuis 2008. Nous sommes en 2017 aujourd’hui. Mieux, tous les faits qui ont été évoqués dans ce dossier-là, sont fondés sur rien.

Comment pouvez-vous être aussi affirmatif, si vous n’avez pas, au préalable, eu connaissance dudit dossier ?

 Je le dis haut et fort, parce parce qu’à l’audience, on n’a pas vu cette banque en question qui aurait porté plainte. C’est quand-même les chèques d’une banque qui ont été falsifiés, dit-on. Mais aucune banque n’a porté plainte contre cela. Où est donc cette banque-là ?

Vous n’avez pas assisté à l’audience jusqu’à la fin, Maître… Vous seriez resté, que vous auriez peut-être vu le représentant de cette banque…

Il est vrai que je suis sorti de la salle d’audience. Parce que j’ai estimé que je ne pouvais pas rester là sans avoir la parole, ni avoir connaissance du dossier. Mais pendant que j’y étais, je n’ai vu aucun représentant d’une banque dire que ce sont leurs chèques qui ont été falsifiés par mon client. Je vous ai signalé tantôt qu’il n’y a pas eu de débat. Le Procureur a requis contre monsieur Sam l’Africain, juste après que je suis parti de la salle.
En réalité, c’est une volonté manifeste de le punir. Et la justice est manifestement manipulée par le pouvoir pour atteindre son objectif. Voilà ce que je peux dire sur cet autre procès contre mon client.

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