Par Aka Jean Mari – Afrique Matin.Net
Bénéficiant d’un taux de couverture de 55 % en énergie fossile produite en grande partie par les centrales thermiques alimentés par les gisements gaziers, la Côte d ‘Ivoire veut passer aux énergies renouvelables pour accroître sa production énergétique. Mais que de difficultés pour quitter un secteur menacé de disparition vue que les gisements gaziers du pays risquent d’être à sec d’ici 2025.
Selon l’indice mondial de la performance de l’architecture énergétique « Global Energy Architecture Performance Index Report 2017 » publié le 22 mars par le Forum économique mondial (WEF) et le cabinet de conseil en stratégie Accenture Strategy la Côte d’Ivoire bénéficie d’un taux de couverture de 55,80% et occupe la 9e place du classement des 24 pays africains sur 127 étudiés ayant les meilleurs taux d’électrification.
Ce pays compte booster cette production énergétique fournie principalement par ses centrales thermiques couvrant les 86,04 80 % de la production nationale d’électricité, pendant que les barrages hydrauliques produisent 13, 96%.
« La production totale d’électricité à fin juin 2017 était de 5098,73 GWh (…) une hausse de 4,19 % par rapport à fin juin 2016. Cette hausse découle principalement de la mise en service des premières unités du barrage hydroélectrique de Soubré », a indiqué un communiqué du Conseil des Ministres de l’Etat ivoirien de juin 2017. Le barrage de Soubré (Sud-ouest) d’une capacité de 275 Mégawatts est le dernier-né des barrages hydro-électriques du pays. Sa réalisation a couté 331 milliards de FCFA. En plus de l’électro-électrique, l’Etat mise sur la construction de centrales thermiques. C’est dans ce cadre que les autorités ont annoncé en décembre 2015 la réalisation de la centrale thermique à charbon de San-Pedro qui devra couter 100 milliards de F Cfa. Ce projet pour l’heure a été suspendu en raison de la protestation des Ong luttant pour la protection de l’environnement.
L’État ivoirien dépense environ 44 milliards de F CFA par an pour alimenter en gaz naturel les centrales thermiques. Si ce pays veut accroître sa production en énergie, c’est pour couvrir d’une part, l’ensemble du territoire national et d’autres parts, accroître l’exportation du flux d’énergie vers l’extérieur. Toutefois, les autorités ivoiriennes ne renoncent pas à la valorisation des énergies renouvelables. D’ailleurs, jugeant les investissements réalisés dans les fossiles, trop excessifs, lesdites autorités veulent d’ici 2020 migrer vers un mix énergétique avec 26 % pour le charbon, 16 % pour les énergies renouvelables, 26 % pour l’hydroélectricité et 32 % pour le thermique.
La dépendance énergétique
En matière de renouvelable, tous les projets seront portés par le secteur privé via des partenariats public-privé dans lesquels l’État s’engage à acheter l’électricité qui sera produite. Plusieurs chantiers ont été engagés, dont le plus emblématique est la construction de la centrale à biomasse de palmiers dans la région d’Aboisso (Sud-Est, proche du Ghana), qui devrait entrer en service au premier semestre 2019, avec une puissance de 66 MW. À Abidjan, la livraison d’une centrale au biogaz (produit à partir de déchets ménagers) d’une capacité de 8,5 MW est également prévue pour 2019. Dans la filière solaire, le gouvernement travaille sur deux projets de centrale, l’une d’une puissance de 20 MW à Korhogo, l’autre de 50 MW, dans la région du Poro (Nord). Toujours dans le septentrion ivoirien, dans la région de Boundiali, une unité de production d’électricité à partir de résidus de coton est également en projet, un investissement estimé à 21 milliards de F CFA pour une capacité de 25 MW. Enfin, dans le Centre-Ouest, cœur de la production cacaoyère, c’est la biomasse de cacao qui pourrait servir de combustible pour une centrale de 20 MW, dont le coût est évalué à 21 milliards de F CFA. Encore à l’étude, cette dernière, certainement ne verra pas le jour avant 2020.
Bien qu’ayant affiché ses intentions de passer aux renouvelables, Abidjan ne fait rien pour joindre l’acte à la parole. Bien au contraire, les autorités ivoiriennes continuent de demander aux centrales à gaz du pays d’augmenter leurs capacités de production, « même si les gisements gaziers du pays seront à sec d’ici 2025 », avait révélé dans une interview parue dans le journal Le Monde du 20-11-2016 M. Bernard Kouassi N’Guessan, directeur général de la Compagnie ivoirienne de production d’électricité (Ciprel) premier producteur d’électricité dans le pays.
Dans sa politique d’exporter son flux énergétique à l’extérieur, le pays a initié en 2011 un cadre de programme de renforcement du parc électrique. Le pays a investit de 2011-2017, 7 000 milliards de F CFA dans le secteur, selon les données du ministère de l’Énergie. Il exporte déjà de l’électricité au Ghana, au Burkina Faso, au Mali, au Togo et au Bénin. La stratégie du pays est d’étendre les exportations vers la Sierra Leone, la Guinée et le Liberia. Afin de relier la Côte d’Ivoire aux trois pays, la construction d’une ligne à haute tension de 1400 km est en projet, dont le coût a été estimé à 211,87 milliards de F CFA.
En Côte d’Ivoire la plupart des compagnies exerçant dans le domaine de l’électricité appartiennent à des français. C’est le cas de CIPREL qui appartient au groupe français Eranove. Quelques années plutôt cette compagnie était appelée Compagnie des énergies nouvelles de Côte d’Ivoire (CENCI) appartenant au groupement SAUR/Bouygues/EDF. La main-mise de ces multinationales dans plusieurs secteurs de l’économie africaine, et singulièrement de la Côte d’Ivoire ont fini par convaincre les ivoiriens qu’elles constituent une menace pour les Etats voulant opter pour les énergies renouvelables au détriment des fossiles.
Que faire pour l’indépendance énergétique ?
La Côte d ‘Ivoire jouit d’assez de biomasses. Le type de biomasse rencontré dans chaque région du type est lié au type de cultures industrielles pratiquées dans cette zone. C’est en fonction de cela que l’Etat a décidé de construire des centrales à biomasse dans ces différentes parties du pays. La matière première sera la biomasse la plus produite dans la région. Mais le hic, c’est comment passer de la théorie à la pratique.
Pour réaliser cette ambition les autorités ivoiriennes doivent d’abord se défaire de la pression occidentale. Selon différentes sources crédibles, les grandes puissances sont celles qui installent et maintiennent ou démettent certains présidents africains du pouvoir selon que ceux-ci représentent une menace ou sont un avantage pour leurs intérêts. Selon ces mêmes sources, c’est la raison pour laquelle les grands projets annoncés par le gouvernement au niveau des renouvelables n’ont pas encore connu un début de démarrage. Se défaire de ses ‘’partenaires coloniaux’’ et engager l’avenir de sa population à travers les renouvelables reste la seule tâche que doivent s’acquitter les autorités d’Abidjan pour réaliser leur objectif.
Par ailleurs, la Côte d’Ivoire ne doit pas se désengager et confier la réalisation de ces centrales à biomasse aux privés seulement. Agir ainsi serait abandonné même les renouvelables aux multinationales. La société CIPREL a déjà soumissionné à l’appel à candidature lancé par les autorités pour la production, le transport et la distribution de ce type d’énergie. Donc au lieu que le pays soit indépendant énergétiquement et que la population bénéficie des retombées économiques des renouvelables, cela risque de ne pas être le cas. Pour inverser la tendance Abidjan doit faire appel à des capitaux nationaux et s’investir dans la réalisation de ces centrales à biomasse.
Vue la capacité de production de ces centrales et leur coût de réalisation données plus haut par gouvernement et sachant que les prix des énergies renouvelables sont voués à baisser au cours des prochaines années (l’Agence internationale pour les énergies renouvelables), l’on peut affirmer que le cout de construction des centrales annoncées ne va pas rivaliser avec celui des centrales thermiques à fossiles.
Dans un pays où les coûts des produits industriels (cacao, café, coton, hévéa, etc.) connaissent une chute vertigineuse, la vente de leurs résidus auprès des industriels sera un plus-à-gagner pour les paysans vivant de plus en plus dans la paupérisation. Ce projet permettra de relever leur niveau de vie et créera pour eux des emplois directs ou indirects. Les populations de ces localités pourront bénéficier des énergies renouvelables et mieux supporter le coût des factures qui ne seront pas trop élevés comme c’est le cas pour les factures des énergies fossiles.
En attendant la mise en œuvre des grands chantiers en faveur du renouvelable, l’Etat doit aussi poser des actes pour soutenir les privés ou les Ong exerçant dans ce domaine. Déjà, l’ONG Action Environnement Plus qui, en 2016 avait bénéficié de l’appui d’un partenaire français pour transformer les ordures ménagères en des pavés pouvant servir à la construction de la voirie et en biomasse pour la cuisson a dû renoncer à son projet après trois ans de discussions infructueuses avec les gouvernants.
L’autre difficulté, c’est que les ONG environnementales ne bénéficient pas du soutien des média d’État pour soutenir la promotion des énergies renouvelables. Seuls les réseaux sociaux et la presse privée relaient en général les séminaires et les formations desdites ONG. De plus, l’accès à l’énergie solaire est fortement freiné par la taxation appliquée sur le matériel servant à fabriquer les plaques solaires. Une taxe de 12 % est appliquée sur les matériels (les onduleurs, les régulateurs, les batteries) utilisés pour distribuer l’énergie solaire. Seuls les panneaux solaires bénéficient d’une réduction de la taxe allant de 12 à 9%. Cette pression fiscale constitue une véritable source de démotivation pour les opérateurs privés voulant investir dans ce milieu tenu par la Compagnie Ivoirienne d’Électricité (CIE).
En somme, il sera profitable à ce pays d’investir dans les énergies renouvelables pour le bien des populations, qu’au lieu de continuer d’investir dans les fossiles sachant que les gisements gaziers du pays seront à sec d’ici 2025.