GRÈVE DANS LES LYCÉES ET COLLÈGES : EKOUN KOUASSI, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL NATIONAL (SGN) DU SYNESCI DONNE LES RAISONS.
Les revendications des enseignants :
« …Les indemnités de logement nous tiennent à cœur. Nous voulons vraiment que les autorités s’y penchent. Parce que pour nous, ces indemnités sont non négociables. Nous attendons que les autorités se prononcent là-dessus. En plus de cela, il y a les conditions de travail extrêmement difficiles qui sont les nôtres et que nous dénonçons : effectifs pléthoriques, manque de matériels didactiques, salles des professeurs comparables aujourd’hui à des salles d’archives, manque de salles d’eau, manque de toilettes pour les professeurs. A tout cela vient s’ajouter la poudre de craie de mauvaise qualité qui tue l’enseignant à petit feu. C’est la raison qui nous a conduit à exiger dans nos commissions de travail, la disparition de tous les tableaux noirs pour faire place à des tableaux blancs avec marqueurs. Aujourd’hui il y a une vingtaine d’établissements en Côte d’Ivoire qui n’ont plus de tableaux noirs. Cela a été initié par le lycée classique de Bouaké qui n’a plus de tableau noir. Le collège moderne de Bouaflé aujourd’hui également n’a plus de tableau noir. C’est une revendication qui ne va même pas demander un seul franc CFA au trésor public. Il suffit pour nous que des instructions soient données par notre ministère de tutelle à ses collaborateurs pour que les COGES budgétisent tout simplement l’installation des tableaux blancs (…) Depuis 2016, le gouvernement a organisé un concours pour que les professeurs des collèges puissent accéder au grade A5, A6 et A7. Sous l’égide du ministère de l’éducation nationale, le référentiel des métiers a été élaboré donnant les missions des grades A5 A6 et A7. Depuis 2016 donc, certains collègues ont été admis à ces concours. Malheureusement, on leur demande, pour un professeur de grade A7, d’être encore dans une salle de classe pour dispenser des cours. Ce qui n’est pas normal. Pourtant la mission assignée à ces grades était élaborée et d’énormes budgets y ont été engloutis. L’Etat engage des fonds, élabore un référentiel de métier et refuse in fine de les appliquer. Nous demandons que ce référentiel de métier qui a été élaboré par le ministère lui-même soit respecté pour ces camarades qui doivent sortir des classes pour l’encadrement et la formation des collègues. »
La récurrence des grèves : À qui la faute ?
« Il faut déplorer en Côte d’Ivoire que ce soit à la veille des grèves que les autorités se décident à recevoir les syndicats. Nous avons engagé les demandes d’audience le 1er Octobre 2018. Mais c’est le 28 Janvier 2019, à la veille de la grève que nous sommes reçus. J’ai souligné ce mépris quotidien pour les travailleurs à madame le ministre. Il faut revoir cette façon de faire. Le préavis a été déposé le 4 Janvier. Les autorités attendent le 28 Janvier pour nous recevoir. En pareille situation, je vous assure, nous ne pouvons pas allez à une suspension, surtout quand les autorités ne nous concèdent rien. Le syndicaliste averti et formé qu’on reçoit la veille ne lèvera jamais ou ne suspendra jamais son mot d’ordre. Sinon il est, tout de suite, traité de vendu et d’acheté (…) Les arrêts de travail n’arrangent jamais l’enseignant. C’est un report de travail. Je vous dis que la spécificité de notre boulot est que quand une année commence, nous avons obligation de terminer le programme malgré les arrêts de travail. Quand nous arrêtons le travail, nous nous mettons la pression nous-mêmes pour rattraper les cours après. Vous-même expliquez-moi pourquoi quand une demande d’audience est déposée le 1er Octobre 2018, c’est seulement le 28 janvier 2019 que l’autorité trouve bon d’y répondre favorablement ? Qui ne veut pas de l’école en Côte d’Ivoire ? Qui l’école n’intéresse pas ? Nous, nous indexons l’autorité. Quand l’école est une priorité pour une autorité, cette autorité fait diligence quand des enseignants lui déposent un préavis de grève. Elle peut ouvrir la négociation ne serait-ce que pour établir un calendrier de rencontre. Mais si on ne vous écoute pas qu’est-ce que vous faites ? Dans ce pays, c’est quand vous êtes en grève que l’on vous écoute. Nous sommes obligés d’aller en grève et c’est parce qu’ils ont senti qu’on voulait aller en grève le 29 que le 28 ils se sont portés à la table de négociations nous demandant de suspendre la grève. Ça ne marche pas comme ça. »
Baisse du niveau des élèves :
« Le niveau baisse parce que le système éducatif n’est pas bon. Nous avons fait un document qui fait le constat et que nous avons appelé : Contribution pour une école de qualité. Ce document a été transmis à la primature, à tous les ministres de l’éducation nationale et de la fonction publique. Ce document, tout en dénonçant le système éducatif, fait des propositions pour son amélioration. Le système éducatif n’est pas bon (…) L’Approche Par Compétence (APC) qui sous-tend notre système éducatif n’est pas bonne et doit par conséquent disparaître. Nous sommes partis de la Pédagogie Par Objectif (PPO) à l’Approche Par Compétence (APC) en passant par la Formation Par Compétence (FPC). Vous voyez, l’autorité ne sait pas ce qu’elle veut ni où elle va au point où nous changeons constamment de système à coup de milliards de fcfa pour faire joli. Malheureusement les résultats scolaires sont là pour nous dire que nous avons lamentablement échoué. Les dictées ont disparu. Nous faisons ce qu’on appelle les dictées lacunaires : on donne un texte et on indique à l’enfant qu’ici il y a une faute et l’enfant doit corriger. Les méthodes d’évaluation ont changé. Les méthodes pour dispenser les cours ont changé. Mais pire aujourd’hui on n’enseigne plus l’ECM (Education Civique et Morale). L’ECM a été enlevée des programmes et remplacée par ce qu’on appelle l’EDHC qui apprend à l’enfant ses droits, mais jamais ses obligations. Aujourd’hui on nous dit que dans une classe, même quand l’enfant n’a ni stylo, ni cahier, il peut venir uniquement vêtu de son kaki et resté en classe. Le professeur n’a pas le droit de lui dire, s’il te plaît, va prendre tes fournitures avant de revenir en classe. Même quand il a son cahier, il n’apprend pas ses cours. Qu’en est-il quand il n’en a pas ? Comment voulez-vous qu’on forme ces enfants. Il faut revoir le système éducatif qui n’est pas bon. Nous faisons ce qu’on nous demande de faire. Le gros problème c’est que l’autorité ne nous associe pas aux processus des réformes et aux choix des politiques éducatives. »