Par Dr Alexis Dieth, Professeur de Philosophie
Pour redevenir un parti de gouvernement en Côte d’Ivoire, le FPI doit faire sa mue républicaine et démocratique. A l’image des réformes idéologiques internes et des révolutions mentales auxquelles les partis de gauche, dans un grand nombre de pays, durent se résoudre pour se réinscrire dans le jeu démocratique contemporain, le FPI doit passer par un aggiornamento idéologique pour incarner le socialisme républicain ou, à tout le moins, la social-démocratie en Côte d’Ivoire. En 2011 le FPI avait été exclu de l’Internationale Socialiste en raison de sa politique nationale qui violait les fondamentaux idéologiques et les valeurs du socialisme. Il s’agit donc pour le FPI de se redéfinir selon ces fondamentaux et ces valeurs. La problématique politique à résoudre au FPI est que le parti réussisse à se libérer de la gangue idéologique qui l’enferme dans un passé à jamais révolu, à redéfinir clairement son identité républicaine, à construire un discours universaliste. Sa métamorphose salvatrice est à la condition de ce courage politique. Elle résultera d’un arrachement à soi.
La mue républicaine et sociale-démocrate du FPI passe ainsi par sa capacité à révoquer les fondamentaux idéologiques du communisme léniniste-stalinien, ce fossile qui continue de déterminer implicitement ses choix politiques. Elle passe aussi par la révocation de la conception identitaire du corps politique à laquelle le parti s’est converti à partir de sa représentation idéologique de la démocratie réelle qu’il oppose à la démocratie formelle. Le FPI doit révoquer les mirages dangereux du renversement révolutionnaire de la domination socio-politique qui passe toujours par l’installation d’une dictature de l’avant-garde du parti. Il doit se défier du nationalisme identitaire qui en appel à l’avènement d’une société homogène d’autochtones et d’un Etat qui en soit l’incarnation politique. Il doit se résoudre à devenir un parti républicain représentant les intérêts d’une catégorie socio-professionnelle spécifique qui n’est pas toute la Nation ivoirienne et à combattre pour la défense des droits humains dans le cadre institutionnel du régime de la démocratie électorale constitutionnelle.
L’abandon du choix suicidaire du boycott électoral, du refus du jeu parlementaire qui met le FPI hors du jeu démocratique ivoirien, dépend de la capacité de ses membres à rejeter les poncifs implicites du socialisme révolutionnaire européen du début du XIXème siècle que les cadres du parti recyclèrent en Côte d’Ivoire comme arme dans leur lutte pour l’accaparement du pouvoir. Elle dépend aussi de son aptitude à réformer sa culture politique, à substituer à la conception identitaire de la représentativité, une conception citoyenne de la représentativité.
Animé par les poncifs du marxisme révolutionnaire selon lesquels le suffrage universel serait une mascarade destinée à permettre aux capitalistes de légitimer politiquement l’exploitation et de garantir leur domination, le FPI se met hors- jeu de la compétition électorale. Considérant encore sans l’avouer explicitement que la République, la démocratie, la liberté et l’égalité sont des fictions idéologiques et des superstructures bourgeoises destinées à tromper le peuple, le FPI se place délibérément en marge de la vie politique ivoirienne. Quoiqu’il en dise, il conteste en réalité le régime démocratique et républicain et en récuse les valeurs.
Cette attitude antisystème du FPI, qui avait pu séduire une frange de la population ivoirienne durant l’époque de la lutte contre le parti-unique, a volé en éclat dans l’épreuve d’exercice du pouvoir. Tenant le discours de l’anticapitalisme et de l’anticolonialisme mais fricotant avec les capitalistes et les multinationales durant sa gestion du pouvoir d’Etat entre 2000 et 2010, tenant le discours du populisme identitaire mais sombrant dans le patrimonialisme et le tribalisme, le FPI s’est décrédibilisé. Marques insignes de sa gouvernance, l’image de la corruption, de la brutalité, de l’assassinat, du meurtre, du népotisme, de la prédation, de l’échec économique, social et politique lui colle à la peau dans l’esprit de la majorité des Ivoiriens.
Frappée par une crise de confiance publique, le FPI n’est donc plus crédible quand il dénonce le népotisme, la corruption, le communautarisme, le tribalisme, et la brutalité supposée du pouvoir actuel. Recouvert par son image catastrophique de parti extrémiste, brutal et irresponsable, image attestée par la marginalisation de son aile dure durant la dernière élection présidentielle, le parti peine à mobiliser au-delà de la frange minoritaire d’ivoiriens que sa conversion au populisme identitaire a pu séduire.
Démonétisée, la parole politique du FPI est désormais devenue inaudible comme en témoigne relativement au nouveau projet de Constitution, l’inefficience du discours critique de Pascal Affi N’guessan qui incarne l’aile réformiste du parti. Affi N’guessan en appelait à une tenue d’états généraux de la République, indispensables à ses yeux pour faire le bilan de la crise qu’a connue le pays afin d’éviter aux Ivoiriens la répétition des mêmes évènements dans un avenir proche. Ces états généraux ouvriraient la porte à une assemblée constituante qui impliquerait toutes les composantes du peuple. Pour garantir l’impératif de limitation du pouvoir par les droits fondamentaux dans la nouvelle Constitution, il en appelait aussi à la mise en place d’un mécanisme de collaboration entre les trois pouvoirs en lieu et place de leur séparation étanche.
Ces propos de sagesse politique de facture républicaine et démocratique ont été recouverts par le brouhaha du populisme identitaire antirépublicain et antidémocratique qui sévit encore dans le courant réformiste du parti. Au FPI, le refus de principe d’une nouvelle constitution, refus qui permet de sauvegarder la conception antidémocratique et antirépublicaine de la nationalité et de l’Etat, se mêle contradictoirement à la demande d’une nouvelle constitution qui respecte les procédures démocratiques et républicaines. Le rejet des valeurs démocratiques et républicaines se mêle étrangement à la demande du respect formel de ces valeurs.
La mue républicaine et démocratique du FPI dépendra donc de la capacité de l’aile réformiste à sortir de l’ambiguïté et de la confusion. Elle résultera de son aptitude à récuser les positions identitaires qui la mettent en marge de la République, à rejeter le culte sectaire de la personnalité qui gangrène le parti, à dépersonnaliser le débat politique. Elle dépendra de sa capacité à reformer son discours politique dans le sens de la défense des valeurs universalistes.
Pour que ce discours novateur d’opposition démocratique responsable puisse être audible, Affi N’guessan et son équipe devraient consacrer par des actes, le virage républicain de leur parti. Ils devraient se prononcer clairement et officiellement contre le national-populisme insurrectionnel qui structura le programme politique du FPI originel. A rebours du discours identitaire, le discours politique du FPI tendance Affi N’guessan devrait se placer clairement sous le registre de la défense de la citoyenneté et des valeurs de la démocratie républicaine constitutionnelle. Le FPI doit se dégager des mirages du socialisme léniniste-stalinien et des pièges du populisme identitaire pour renaître à la démocratie. C’est à cette condition que le FPI, qui se targue d’être le premier parti d’opposition en Côte d’Ivoire, peut espérer représenter une alternative en Côte d’Ivoire dans la lutte politique démocratique.
En 2011 le FPI avait été exclu de l’Internationale Socialiste en raison de sa politique nationale qui violait les fondamentaux idéologiques et les valeurs du socialisme. Il s’agit donc pour le FPI de se redéfinir selon ces fondamentaux et ces