Par Léon SAKI –
Pourquoi chercher à créer sa propre monnaie peut-il représenter pour certains un problème? Pourquoi voler de ses propres ailes serait-il un péché ou un crime de lèse-majesté? C’est un débat auquel je me suis toujours refusé de participer mais l’ampleur des interventions et l’intérêt de plus en plus suscité par le sujet ne saurait me maintenir dans un mutisme béat au risque de me rendre coupable de « non assistance à personne en danger ». Si certains ne sont pas contents de savoir que le Franc CFA est un instrument de servitude comme le stipule Kémi Séba,
battre sa propre monnaie ne devrait pas aussi constituer un phénomène déplaisant et douloureux. Et pour cause, réaliser sa propre monnaie est fondamentalement un acte d’indépendance et de souveraineté mais mieux c’est le gage certain de la mise en place d’institutions fortes et démocratiques. Créer sa propre monnaie implique la mise en place d’instruments de bonne gestion. Selon le professeur Mamadou Koulibaly, affirmer que si nous n’avons plus le FCFA, si nous n’avons plus la garantie du trésor français, de la banque de France ou de l’Euro, nos pays seront gérés comme le Zimbabwe pour entrer dans une situation d’hyper inflation n’est pas vrai.
C’est donc faux de le croire. Pour l’éminent professeur d’économie, si vous avez votre monnaie créée et que vous vous donnez les instruments de sa bonne gestion, notamment, l’indépendance à la banque centrale, si le Président de la République ne peut pas demander à cette banque centrale de fabriquer de l’argent pour ses propres dépenses, s’il y a de la rigueur dans la gestion du budget de sorte que le déficit du budget de l’Etat soit très faible, s’il y a des reformes en matière agricole, commerciale et institutionnelle, il n’ y a pas de raison d’avoir peur de frapper sa propre monnaie. Parce que l’inflation de la monnaie est liée à la mauvaise gestion de la chose publique.
Il faut retenir à cela que réaliser sa propre monnaie et la gérer convenablement suppose la mise en place d’instruments démocratiques de gestion fiables et performants. C’est pourquoi, il est absurde voire paradoxal que l’occident et les institutions monétaires internationales, n’aident pas, ne soutiennent pas et n’encouragent pas les Etats africains à disposer de leur propre monnaie, eux qui veulent donner à ces pays l’expérience de la démocratie et de la bonne gestion. Croire que le FCFA se porte bien ainsi n’est pas faux mais croire qu’il serait suicidaire de battre sa propre monnaie, constitue un acte de résignation et d’incompétence, à moins de vouloir faire plaisir à ceux à qui profite une telle situation.