Un an après la décision de la cour spéciale tchadienne de condamner 20 agents du régime de Hissène Habré à une amende de 114 millions d’euros, les victimes attendent toujours le versement des réparations qui leur sont dues. Les associations de défense des victimes et Human Rights Watch dénoncent un affront envers l’État de droit.
C’était il y a un an, le 25 mars 2015. Ce jour-là, 7 000 victimes des violences du régime de Hissène Habré célébraient un moment historique ; un tribunal tchadien venait de condamner une vingtaine de hauts responsables de l’ancien régime pour meurtre, torture, enlèvement et détention arbitraire. Parmi eux, Saleh Younous Ali, ancien directeur général de la Direction de la documentation et de la sécurité (DSS), et Mahamat Djibrine, qui était, selon la Commission nationale d’enquête de 1992, l’un des «tortionnaires les plus redoutés » du Tchad.
Une décision de justice non-éxécutée
La cour criminelle de N’Djamena les condamnait à des travaux forcés, et ordonnait le versement aux victimes de dommages et intérêts d’un montant de 75 milliards de F CFA (114 millions d’euros). Un montant qui devait être payé en partie par les condamnés et en partie par l’État tchadien, et qui serait versé aux victimes en fonction du degré de préjudice réellement subi. L’extrait de l’arrêt émis par la cour demandait au Premier ministre de l’époque de mettre en place une commission chargée de l’exécution du paiement des dommages et intérêts aux victimes.
Selon Jacqueline Moudeina, l’avocate des parties civiles jointe par Jeune Afrique, « aucune des mesures ordonnées par la cour n’a été mise en place ». On ne voit même aucune volonté de le faire », ajoute-t-elle. Elle s’est alliée à l’association de défense des victimes du régime de Hissène Habré (ADVRHH) et àHuman Rights Watch pour dénoncer la non-exécution de la décision de justice. Parmi les autres mesures ordonnées par la cour qui n’ont toujours pas vu de début d’application, on compte la transformation des anciens locaux de la DSS en musée, et l’érection d’une statue en hommage aux victimes. Le délai ne devait pourtant pas excéder un an.
Les avocats de la partie civile ont contacté en mai dernier le Premier ministre d’alors, Kalzeubé Pahimi Deubet, pour discuter avec lui des modalités d’application du verdict. Sans succès. Pour Jacqueline Moudeina, le combat va donc continuer. « C’est une décision de justice, elle a été rendue, elle doit être exécutée, c’est tout. Les victimes se battent depuis plus de vingt ans. J’attends une réponse, mais si je n’en n’ai pas, je ne croiserai pas les bras. «
Source : jeuneafrique.com