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Crise économique/La prochaine sera-t-elle pire que la précédente ?

Le capitalisme contemporain est ponctué de crises à répétition, chaque fois plus puissantes et déstabilisantes que les précédentes. L’année 1987 a marqué le mini crack qui produira plus de peur que de mal. Puis suit la crise des saving loans et des banques européennes au tournant des années 80-90, puis le krach du Nasdaq des années 2000, et enfin la crise des subprimes de 2007-2008. A chaque fois, en arrière-plan, le surendettement des agents privés (ménages ou entreprises), encouragé par la permissivité ou le contournement des règles prudentielles des intermédiaires financiers.

Derrière la reprise actuelle, nombre de commentateurs entendent déjà le décompte jusqu’au Big One qui viendra la pulvériser. Rubini a fait des émules. Pas question de faire partie cette fois-ci des économistes qui n’ont rien vu venir. Tout pousse chacun de nous à prendre une assurance anti-ridicule.

D’où viendra l’étincelle ?

Les arguments de manquent pas : il y a la bombe à retardement de la montagne de liquidités du Quantitative Easing, qui faute d’alimenter l’inflation est venue doper artificiellement les cours boursiers et obligataires. Leur reflux même lent pourrait déstabiliser les marchés déboussolés par l’argent facile. Il y a, pour certains, les risques imminents d’inflation, qui pourraient prendre à revers la confiance des marchés et précipiter leur déroute. Il y a les records historiques qu’enchaîne la Bourse américaine, boostée par les GAFA et une nouvelle euphorie numérique. Il y a la prise de risque des institutions financières pour continuer à servir des rendements positifs dans un monde à taux d’intérêt quasi nuls. Et, enfin, la permanence d’acteurs financiers too big to fail, et une intrication des risques cachés dans les circuits dérivés du Shadow Banking.

Mais, plus que cela, c’est l’absence d’armes de politique économique pour contrecarrer la prochaine crise qui alimente l’inquiétude d’une crise fatale. Les banques centrales ne relâcheront pas deux fois les vannes de la liquidité. Quant aux États, pris à la gorge par des niveaux d’endettement souvent proches de 90 ou 100% du PIB, ils ne seront plus en mesure de jouer leur rôle d’assureur en dernier ressort.

Inflation, endettement, Bourse, politiques économiques : on se rassure

Bref, ce qui nous attend, c’est une crise pire que la précédente. Ce discours se construit néanmoins au prix de quelques simplifications qui rendent le pronostic moins inéluctable qu’il n’y paraît. Je voudrais souligner ici quatre éléments modérateurs.

D’abord, on a de bonnes raisons de penser que l’inflation a déserté pour de bon le marché des biens. Et si le gonflement du bilan des banques centrales est perçu aujourd’hui comme un facteur de déséquilibres, c’est peut-être la phase précédente de trop long assèchement monétaire qu’il faut regarder comme un déséquilibre. Si le régime de faibles taux et de faible inflation est amené à durer, dans ce cas la survalorisation des actifs est moindre qu’on ne le suspecte.

Ensuite, les dynamiques d’endettement privé se sont bel et bien calmées. Il n’y a pas derrière la croissance actuelle une course folle à l’endettement. Et même du côté des entreprises, s’il l’on peut détecter quelques abus, il n’y a pas de fuite en avant dans le levier d’endettement. Patrick Drahi, sûrement… Le capital investissement sans doute… Mais ça ne fait pas une dérive générale.

Déceler un risque de survalorisation de la Bourse américaine est légitime. Mais force est de constater que la valorisation des GAFA et du numérique y compte pour beaucoup. Un désenchantement sur la valeur de ces cotations aurait-il une portée systémique ? C’est moins sûr.

Et enfin considérer nos banques centrales ou les Etats comme désarmés, c’est faire peu de cas de leur créativité et de leur capacité à déroger aux grands principes lorsque c’est la sphère financière qui est en jeu. Dire que l’on a sondé les limites extrêmes du QE relève de la pure affirmation. Dire que le plafond de verre de 90 ou 100% de dette publique est infranchissable est lui-même sujet à caution. Le Japon est là pour le rappeler. La reprise ira buter sur un krach, c’est plus que probable. Mais dire que cette crise sera plus déstabilisatrice que la précédente l’est beaucoup moins.

Source : latribune.fr

 

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