La crédibilité des témoignages recueillis par l’ancienne volontaire de la mission de l’ONU en Côte d’Ivoire (ONUCI) était au cœur des questions de la défense de Laurent Gbagbo. Pendant la crise post-électorale, Aurélie Fuchs travaillait notamment au sein d’un centre d’appel, mis en place par la mission onusienne pour entendre les victimes de violations des droits de l’Homme. Les avocats de Laurent Gbagbo ont cherché à savoir si les personnes entendues au téléphone pouvaient vraiment être considérées comme fiables et quels étaient les mécanismes de vérification de leur propos.
Outre le recoupement des témoignages, Aurélie Fuchs a fait mention du suivi mis en place. Il s’agissait de rappeler les personnes ou de se rendre directement sur le terrain pour les rencontrer, notamment suite à un événement jugé important. « On essayait d’avoir la version des autorités, mais les contacts étaient limités », assure Aurélie Fuchs.
Une version du conflit recueillie par l’Onuci
La défense a ensuite interrogé le témoin sur le degré de confidentialité des entretiens lors des missions sur le terrain. Aurélie Fuchs a reconnu que toutes les procédures de confidentialité n’étaient « pas respectées ». « Les circonstances ont empêché ça », justifie-t-elle, expliquant que la plupart de ces échanges se faisaient en une dizaine de minutes, debout, dans la rue et au milieu d’un groupe. Ce fut notamment le cas avec les témoins de la journée du 3 mars. Après avoir reçu des récits par téléphone faisant état de la répression d’une marche de femmes, Aurélie Fuchs a participé à une mission sur le terrain quelques jours plus tard.
« Les auteurs présumés ont-ils été interviewés ? », demande la défense. « Pas à ma connaissance », affirme le témoin qui explique qu’elle était, pour sa part, en charge de recueillir les propos des témoins et victimes. « Vous n’avez entendu qu’une version du conflit ? », présume alors Andreas O’Shea, l’un des avocats de Laurent Gbagbo. « Je n’ai eu personnellement qu’une seule version », répond la conseillère aux droits de l’Homme, précisant que le reste de l’équipe avait peut-être eu accès à d’autres récits.
Les groupes armés venus à la rescousse du président élu
Autre thème abordé par la défense, l’évolution de la situation sécuritaire au fil des mois à Abidjan. Interrogée sur les raisons de sa seconde évacuation en avril 2011, Aurélie Fuchs a pointé du doigt « la dégradation » de la situation sécuritaire, évoquant des « échanges de tirs » et des explosions de grenade. « Certains quartiers étaient contrôlés par les forces loyalistes et d’autres par des groupes armés », a-t-elle expliqué. Quant à la participation de l’ONU à ces combats, le témoin dit avoir appris, via un rapport, que la force onusienne avait « échangé des tirs », mais ignore contre quel groupe. Elle a également évoqué « la situation à l’ouest et la descente de personnes armées venues du nord ». Parmi ces hommes, plusieurs groupes cités par le témoin dont « les Dozos » et « le Commando invisible », qu’elle a elle-même pu rencontrer à Abidjan. Interrogée sur la définition du Commando invisible, l’ancienne volontaire de l’ONU évoque un « groupe de personnes armées placées sous le commandement de IB (Ibrahim Coulibaly) et qui, selon leur propos, étaient là pour libérer le pays et pour que le président élu puisse exercer ses fonctions ». Ces hommes étaient «lourdement armés » de fusils militaires et de petits lance-roquettes, a précisé le témoin, qui a par ailleurs fait mention de leurs « exactions », citant en exemple une détention illégale de prêtres et de séminaristes. L’interrogatoire du témoin devrait s’achever demain avec les dernières questions de la défense de Laurent Gbagbo puis celles des avocats de Charles Blé Goudé.
Source : l’Inter avec ivoire justice