Réalisée par Jean Mari AKA
Dans cet interview, Coulibaly Davy, Directeur Exécutif de AFHON (actions en faveur de l’homme et de la nature), une Ong ayant pour but de lutter pour la protection de l’environnement lance un appel pour l’usage des énergies renouvelables en vue de préserver la forêt et la nature. Il revient sur la position du président Trump de vouloir se retirer de la COP 21 et ne manque pas de donner des solutions pour faire face au désarroi des sinistrés de ces dernières pluies.
Emmener les populations à opter pour l’usage des énergies renouvelables, telles est l’un des objectifs de votre ONG. Raison pour laquelle elle a entrepris récemment une tournée à l’intérieur du pays pour sensibiliser les populations à cet effet. Pouvez-vous nous faire le point sur cette mission.
Merci pour l’occasion que vous me donner pour parler de cette mission de sensibilisation. Il faut dire que cette tournée de sensibilisation sur les énergies renouvelables s’est déroulée dans le cadre d’un projet Ouest-africain qui consistait à sensibiliser les populations sur la connaissance de l’énergie verte, les énergies renouvelables en général. Comment ses populations pouvaient-elles adapter leur quotidien à l’usage de ces énergies ? Il faut dire qu’en Côte d’Ivoire, il ya deux programmes clés à savoir le PANER (programme nationale des énergies renouvelables) et le PANEEL (programme national pour l’efficacité énergétique) autour desquels le gouvernement établit sa stratégie. Le but de cette mission était de vérifier l’état de ces différentes politiques et comment elles sont mises en œuvre auprès des communautés bénéficiaires. Le volet transversal, c’était de sensibiliser ses populations sur les énergies renouvelables, sur la protection de la forêt, ensuite sensibiliser les élèves et étudiants sur cette thématique nouvelle, à savoir l’écosystème vert.
Quand est-ce-que cette tournée a débuté et quelles sont les régions visitées ?
La tournée a débuté en octobre 2016. Nous avons sillonné trois zones. Grand-Lahou, dans le sud-ouest du pays, Daloa, dans le centre-ouest et Bondoukou dans le nord-est. Le choix de ces zones s’est fait par rapport à un constat. Nous avons constaté que certaines localités de ces zones ne bénéficient pas d’électricité et il ya généralement des pénuries de gaz. Donc, il fallait les instruire sur les alternatives que sont les panneaux solaires, les nouvelles formes de cuisson (foyers améliorés) pour palier l’absence énergétique. On a rencontré les populations-cibles que sont les femmes, les chefs traditionnels, les chefs de communauté et les élèves. La sensibilisation a été faite sous forme de réunions communautaires. Après les travaux champêtres, nous réunissons les villageois et on les sensibilise en leur montrant l’avantage des fourneaux, des foyers améliorés. Il ya aussi la rencontre avec les hommes. Nous allons également dans les établissements. On rencontre les élèves pour un renforcement de capacité sur les énergies renouvelables avec des démonstrations avec les plaques et des panneaux solaires. La mission continue et nous allons aborder la seconde phase avec une sensibilisation auprès des communautés dans d’autres zones et surtout faire un plaidoyer auprès du ministère du Pétrole, de l’Énergie et du Développement des Énergies renouvelables.
Vous avez eu des retombées pour cette première phase de votre tournée ?
Oui, il y a eu des retombées en ce sens que dans des écoles des clubs écologiques ont vu le jour. Beaucoup d’établissements scolaires nous appellent pour avoir du matériel comme les chargeurs, les batteries, les lampes, les panneaux solaires pour pouvoir les utiliser. Malheureusement nous ne pouvons pas les satisfaire. En vue de combler ce vide nous sommes en train de signer des partenariats à l’international avec des structures comme Enda-Energies pour entrer en possession de tout le matériel dans ce domaine afin de satisfaire les populations demandeuses. Cependant, il faut que l’Etat baisse le prix de la taxe sur le matériel des énergies renouvelables. Il faut aussi que les autorités facilitent l’exploitation du matériel en renforçant le cadre réglementaire. Le projet en question est à sa seconde phase avec la fin de l’étude de la situation énergétique des pays comme le Togo, le Bénin, le Sénégal, le Niger, le Mali et la Côte d’Ivoire.
Vous luttez pour le respect de l’environnement, c’est à ce titre que vous étiez à la COP 21. Aujourd’hui que peut-on dire du suivi des résolutions de Paris ?
L’objectif de réduire les gaz à effet de serre (GES) et maintenir le réchauffement de la planète à 1,5 voir 2° C est en bonne voie. Il faut féliciter les chefs d’Etat et les chefs de délégation qui ont favorisé cet accord. Il faut demander à aller plus loin avec la révision et la mise en œuvre des Contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN). Certains pays comme la Chine et l’Inde qui font partie des trois plus grands pollueurs au monde ont commencé à respecter leurs engagements, ainsi que l’Union Européenne. Au niveau de l’Afrique, il ya des pays comme le Kenya, l’Ethiopie qui ont commencé à mettre en œuvre leurs stratégies de réduction.
La déclaration du président américain ne menace-t-elle pas la bonne exécution de cet accord?
C’est dommage que le président Ronald Trump ait fait une déclaration pour vouloir quitter l’accord de Paris. Dans les dispositions de l’annexe de cet accord, aucun pays ne peut s’y retirer, sinon trois ans après, avec une année supplémentaire de procédure de cet accord. Ce qui fait un total de 4 ans. Les chefs d’Etats doivent faire brandir ce paramètre pour ramener les USA dans l’application de cet accord. Si l’Amérique s’obstine à se retirer coute que coute, cela mettra en cause le statut juridique de l’accord de Paris qui n’est pas encore renforcé et définitif.
Actuellement, c’est la saison des pluies marquée par les inondations et divers dégâts. Pouvez-vous faire un commentaire sur ces faits ?
Avec cette situation c’est le constat de l’effectivité des changements climatiques. Ces pluies montrent qu’il y a un dérèglement climatique. Des pluies qui viennent en saison sèche et là où on avait des saisons sèches on a des ouragans. Cela nous montre que les changements climatiques sont une réalité et qu’il faut agir pour l’adaptation des populations. Avec les pluies diluviennes, c’est plus les habitats et les infrastructures routières qui ont pris un coup. Donc ça pose le problème de la cause anthropique, c’est-à-dire mauvais drainage, mauvaise canalisation des routes. Des causes humains direct, c’est-à-dire la construction sur les canaux, sur les égouts d’évacuation et également des projets mal-viabilisés ne respectant pas les normes du développement durable et environnementale. Dès lors, ce sont l’urbanisation et l’assainissement qui sont problématiques.
Vous en tant que société civile qu’est-ce que vous préconisez face à cette situation qui fait toujours des victimes ?
Une fois, lors d’une émission sur une chaîne de radio sur le même sujet, j’ai appelé la société civile à se mobiliser afin de créer une plate-forme d’opération sur les catastrophes naturelles en Côte d’Ivoire. Au-delà des pluies diluviennes, il y a l’avancée de la mer. Cette plate-forme va consister à sensibiliser les populations, mener des actions de terrain et assister les personnes sinistrées. L’accent sera mis sur la prévention et l’action. Cette cellule sera permanente. Il ne faut pas attendre qu’il y ait sinistre avant d’agir. Respecter les engagements internationaux en réduisant effectivement nos gaz à effet de serre (GES). Mettre l’accent sur la rigueur, le professionnalisme et le sérieux des institutions en charge de la construction et de l’urbanisme et aussi des structures de développement durable.
Exiger de la, part des autorités des études de norme qualité avec la construction d’une infrastructure. Développer l’esprit citoyen chez chacun pour éviter de construire sur les canalisations, renforcer les installations techniques du centre de météorologie nationale pour prévenir les catastrophes climatiques. En 2014, plus de 140 zones à risques ont été identifiés par les autorités mais les populations continuent d’y vivre à cause du coût très élevé des logements. La cherté, la non-augmentation des salaires depuis quelques années empêchent les populations d’avoir accès à un logement décent. Donc, il faudrait que l’Etat veille à la réglementation du secteur du logement et de l’habitat. Les autorités doivent déguerpir ces populations, mais ne pas les abandonner à la belle étoile. Elles doivent les reloger momentanément, le temps qu’ils puissent trouver un toit définitif. L’étape du déguerpissement et du relogement provisoire doivent être pris en charge par l’Etat.