Par Nazaire Kadia*
Crée en 1994, le Rdr-a longtemps été un acteur politique en Côte d’Ivoire, défendant les idéaux majeurs de la démocratie. Cependant, au fil du temps, certaines divisions ont émergé, parfois liées à des facteurs ethniques ou communautaires, deux dimensions mentionnées comme des dérivés tribalistes en son sein. Le Professeur Nazaire Kadia fait le diagnostic à l’approche de l’élection présidentielle de 2025. A mesure qu’on avance inexorablement vers l’échéance électorale de la présidentielle de 2025, peur, incertitude et confusion sont devenues les compagnons inséparables et le partage des habitants de la case ronde.
La belle confiance, la belle certitude et la belle assurance du début, résumées par l’expression « tout est calé, bouclé et géré », qui ont toujours été de mise à pareil moment, ont fait place à des supplications et à des incantations au chef de l’Etat, à l’effet de rempiler pour un quatrième mandat, tout aussi anticonstitutionnel que le troisième.
Députés, sénateurs, ministres et tous ceux qui comptent au Rhdp, font des mains et des pieds pour organiser des journées de reconnaissance et d’hommage au chef de l’Etat et l’implorer à la fin de leurs discours, que celui-ci accepte de se mettre sur le starting-block pour un quatrième mandat.
Ce scénario n’est pas nouveau. On se rappelle qu’en 2020, alors qu’il avait donné sa parole qu’il ne serait pas candidat en 2020, et que le porte-étendard du Rhdp fut brutalement rappelé par l’Incréé, une panique incompréhensible s’était emparé de la case ronde.
Le Directeur Exécutif du Rhdp d’alors, sans se cacher, avait affirmé que les cadres du Rhdp dont les noms étaient évoqués pour remplacer le défunt Amadou Gon Coulibaly sur le starting-block de la ruée vers le pouvoir, ne feraient pas le poids devant le candidat du Pdci-Rda. Il n’y avait que le chef de l’Etat seul qui le pouvait !
Aucun parti politique n’a dans son programme de gouvernement, la vengeance et la maltraitance de ses propres concitoyens.
La ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle d’alors, Madame Kandia Camara, n’était pas en reste. Convaincue que si le chef de l’Etat n’était pas partant pour cette élection d’octobre 2020, la défaite du parti au pouvoir ne faisait l’ombre d’aucun doute. Elle avait déclaré : « …la politique est la saine appréciation des réalités du moment ; surtout que nous avons des adversaires en face qui rêvent de venir au pouvoir pour se venger, pour venir régler des comptes, pour venir créer des tensions dans le pays… ».
Toutes ces agitations, ces lamentations et cette fébrilité visible, étaient et sont encore aujourd’hui, le signe évident de la peur qui s’est emparée des cadres du Rhdp et marquent l’échec du chef de l’Etat. Il n’a pas été à mesure de former des cadres capables d’assurer la relève et affronter toutes les adversités. Mais la déclaration de la ministre Kandia, aujourd’hui présidente du Sénat, appelle quelques interrogations :
Quel parti politique en Côte d’Ivoire peut avoir pour programme de gouvernement ce qu’elle évoque là-haut ? Pourquoi subodorait-elle que ses adversaires viendront au pouvoir pour se venger ? Les adversaires en question ont-ils des raisons objectives de vouloir se venger ? A-t-elle pensé aux arrestations et emprisonnements à tout va que subit l’opposition ? A-t-elle pensé à toutes les frustrations, à toutes les humiliations et à tous les passages en force subis par les opposants ?
Toujours est-il qu’une analyse de son discours, fait transparaître ce que nous évoquions là-haut : la peur, la peur du lendemain et surtout l’incertitude de ce que demain sera fait. Mais que chacun se rassure.
Aucun parti politique n’a dans son programme de gouvernement, la vengeance et la maltraitance de ses propres concitoyens. Tous ces partis qui aspirent à gouverner ont placé la réconciliation comme un des premiers chantiers à mettre en œuvre.
Dérive tribaliste et communautariste inacceptable
Dans l’ivresse du pouvoir, le Rhdp affirmait avec force et arrogance, qu’il n’y avait pas de réconciliation à faire parce que les ivoiriens étaient déjà réconciliés ! Qu’à cela ne tienne. Dans ces derniers temps, il nous a été donné de visionner une vidéo devenue virale sur la toile, où le président du Cosim (une association musulmane), un imam, entretenait ses ouailles en langue malinké.
La traduction qui nous a été faite donne froid dans le dos. C’est une véritable dérive tribaliste et communautariste inacceptable, qui dénote de la peur-panique de tous ceux qui pensent que le pouvoir est leur propriété privée qu’ils doivent conserver à tout prix….La peur du lendemain et la peur du retour du bâton sont passées par là.
A ce stade, nous attendons la réaction du porte-parole du gouvernement. Lui si prompt à répondre et à « recadrer » les prélats catholiques dès lors qu’ils se prononcent sur la marche de notre pays. Assis sur nos tabourets que nous n’avons pas libérés, nous attendons…
A l’évidence, toutes ces déclarations et toutes ces tentatives de repli identitaire, sont la prise de conscience que les temps tanguent et que les choses ne sont plus ce qu’elles étaient ou seraient. La peur du lendemain et toujours…la peur d’un lendemain incertain.
Ainsi va le pays.
Mais s’il y a eu un matin en Eburnie, il y aura assurément un soir, et l’ivraie sera séparée du vrai.
*Psychologue