Abidjan, 20 avr (AIP)- Deux millions de médicaments, principalement des « antibiotiques puissants et essentiels dans le traitement de la tuberculose », subventionnés en Côte d’Ivoire par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ont été « détournés et sont revendus illicitement sur les marchés ivoiriens, révèle un rapport d’enquête de l’organisation dont l’AIP a reçu copie, mardi.
Contacté par l’AIP, mardi, les services du ministère ivoirien de la Santé et de l’Hygiène publique ont indiqué ne pas avoir connaissance dudit rapport, tandis que la Nouvelle pharmacie de la santé publique a promis de réagir plus tard sur le sujet.
D’après ce rapport publié par le Bureau de l’Inspecteur général du Fonds, il y a 15 jours, le constat a été établi que deux millions de comprimés RHZE, représentant quatre mois d’approvisionnement, manquent au niveau de la NPSP, la Nouvelle pharmacie de la santé publique, et seraient probablement la source nationale de la plupart des ventes illicites sur les marchés locaux.
L’étude, qui s’est focalisée sur la vente illicite sur les marchés locaux des comprimés RHZE, communément appelés « Ticafrani », confirme l’existence de ce trafic, et dénonce « des lacunes significatives dans la gestion des stocks ainsi que l’utilisation des systèmes d’inventaire et de facturation de ces médicaments au niveau de la NPSP ». Cette faiblesse aurait été relevée et fait interpeller la Nouvelle pharmacie, l’organisme ivoirien chargé de la politique du médicament, « responsable du stockage et de la distribution des médicaments du programme national vers les hôpitaux et les centres de traitement, qui « n’a pu justifier les deux millions de comprimés manquants ». Ce stock représenterait 75 millions de francs(150.000 dollars US) et une valeur marchande de 150 millions de francs CFA (le double) sur les marchés locaux.
Le rapport impute notamment cette situation au Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT) qui « n’a pas suivi et contrôlé de manière adéquate la chaîne d’approvisionnement des médicaments antituberculeux financés par le Fonds mondial de sorte à pouvoir atténuer le risque de détournement de médicaments ».
Cette investigation du BIG, effectuée de juin à septembre 2015 sur « six marchés locaux d’Abidjan et dans les marchés de quatre autres villes du pays (Bouaké, Korhogo, San Pedro et Yamoussoukro) », a constaté que le marché ivoirien de vente illicite de comprimés RHZE est aussi approvisionné par un trafic transfrontalier avec des comprimés « financés par le Fonds mondial et par d’autres partenaires pour les programmes de lutte contre la tuberculose dans la sous-région ».
Face à cette situation, le BIG a lancé, lundi, à Abidjan, en partenariat avec le ministère de la Santé, une campagne anti-corruption intitulée « J’en parle maintenant ! », visant à sensibiliser les populations sur les dangers de prendre des médicaments achetés sur les marchés en dehors d’un traitement médical encadré, mais aussi de lutter contre les détournements de RHZE vers les marchés locaux. Un fléau « qui engendre non seulement une perte financière pour le Fonds mondial, mais qui représente également un risque majeur de santé publique », selon la structure.
« Nous soutenons cette campagne qui a pour objectif de protéger la santé des populations vivant en Côte d’Ivoire. Tout comme le Fonds Mondial, l’Etat de Côte d’Ivoire est fortement engagé dans la lutte contre les médicaments de la rue », a déclaré, à cette occasion, la ministre de la Santé et de l’Hygiène publique, Dr Raymonde Goudou Coffie.
La Côte d’Ivoire s’est dotée, en juin 2014, d’un Comité de lutte contre le trafic illicite et la contrefaçon des médicaments (COTRAMED) pour combattre la vente illégale de médicaments dans les marchés locaux, notamment dans le centre d’Abidjan ; puis, en mars 2015, d’une Commission nationale pour la coordination des approvisionnements en médicaments (CNCAM) afin d’améliorer la coordination et le suivi des approvisionnements de médicaments.
Selon un communiqué publié le 12 avril par le ministère de la Santé, des opérations de terrain menées par le COTRAMED ont permis de saisir plus de 136 tonnes de médicaments de trafic illicite et de contrebande sur divers marchés d’Abidjan et des villes de l’intérieur du pays.
Le Fonds mondial a décaissé 336 millions de dollars US (196 milliards Fcfa) en Côte d’Ivoire à ce jour, en association avec ses partenaires, et financé des programmes qui ont permis à plus de 140.000 personnes vivant avec le VIH d’être sous traitement antirétroviral, de détecter et traiter 83.000 cas de tuberculose et distribuer 25,8 millions de moustiquaires pour lutter contre le paludisme, rappelle l’organisation.
(AIP)