Par une correspondance de Michel Kouiti en collaboration avec afriquematin.net
Le président du mouvement politique souverainiste Rupture et Renouveau en Côte d’Ivoire (RURÉN-CI), Sylvain Takoué évoque dans cet entretien, les raisons pour lesquelles le départ de la Force Française en Côte d’Ivoire (FF-CI) ex-43ème BIMA…
Monsieur le président, pourquoi demandez-vous d’entrée ce départ des Forces françaises de la Côte d’Ivoire ?
C’est pour la simple raison que la Côte d’Ivoire n’est pas la France, et que le territoire de défense nationale, sur lequel doit se retrouver en caserne ce contingent de la Force française ex- 43ème BIMA, est celui de la France, à 6 000 km de la Côte d’Ivoire. Cette armée française est considérée comme une force militaire d’occupation, ce n’est pas normal.
Pourtant elle y est autorisée depuis longtemps…
Oui, et c’est pourquoi, il faut que cette présence militaire française en territoire ivoirien prenne fin. Cette « autorisation », dont vous parlez, date des Accords de coopération militaire et stratégique de 1961. Vous ne trouvez pas que toute cette pratique est vétuste en ce 21ème siècle ? Un accord militaire international, fût-il mis en place par un président de la trempe du général Charles de Gaulle, et qui est signé, peut tout aussi être caduque et se voir révoqué.
Le contexte politique primaire, et presqu’indigène, dans lequel ces Accords de 1961 ont été passés entre la France métropolitaine et la Côte d’Ivoire vassale, est dépassé et la nouvelle génération les trouvent désuets, car les mentalités ivoiriennes ont évolué.
C’est pourquoi, nous disons que ces accords militaires doivent tout simplement être résiliés, parce qu’ils ne sont pas de notre époque.
Aujourd’hui, nous sommes dans un autre temps, qui est révolutionnaire, c’est-à-dire éclairé et progressiste, celui de la quête de la pleine souveraineté nationale en Afrique. Des exemples éloquents actuels sont là, donnés par l’Alliance des Etats du Sahel, qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Et la Côte d’Ivoire est un pays tout aussi concerné par ces temps nouveaux, c’est-à-dire par la conquête de la pleine souveraineté nationale non négociée.
Pensez-vous que votre appel ou votre cri de cœur sera entendu par qui de droit ?
Oui, puisque nous en parlons haut et fort. Notre mouvement politique, le RURÉN-CI, signifie « Rupture et Renouveau en Côte d’Ivoire ». C’est un mouvement souverainiste, qui est en lutte idéologique pour y parvenir. Il travaille activement à faire entrer la Côte d’Ivoire dans les temps nouveaux de la souveraineté nationale en Afrique, au côté de l’Alliance des Etats du Sahel.
Or, l’un des actes politiques significatifs à poser, c’est le départ sans conditions ni délais de cette force militaire française installée en Côte d’Ivoire. C’est cet acte que nous avons commencé à poser. Et, croyez-moi, l’effet escompté sera atteint.
Vous avez évoqué récemment la question d’un probable rapatriement progressif, voulu par la France, de l’armée française présente en Afrique. On apprend ensuite qu’un émissaire d’Emmanuel Macron, Jean-Marie Bockel, aurait été dépêché auprès des autorités ivoiriennes en mission du 20 au 21 février, pour discuter du nouveau dispositif militaire français. Pouvez-vous nous donner un aperçu de cette rencontre ? Et comment entrevoyez-vous ce nouveau dispositif ?
Je n’en sais rien, si- sa présence à Abidjan est avérée, cet autre « Monsieur Afrique » de la France, à l’instar de ses prédécesseurs qui sont toujours apparus comme des éclaireurs, le fera connaître aux autorités politiques ivoiriennes, puisqu’il viendrait en Côte d’Ivoire pour cela. Mais une chose est sûre, c’est que nous sonnons la fin de ce temps paternaliste de la France et des enfantillages de la Côte d’Ivoire.
Il faut que l’armée française envahissante s’en aille de notre pays qui a toute armée républicaine en place, et qui a le devoir d’exercer son métier de défense nationale. Cette présence militaire française en Côte d’Ivoire est une invasion, aujourd’hui inacceptable. Souvenez-vous que cette invasion militaire a eu un récent passé tragique dans notre pays.
Soyez plus explicite ?
La Côte d’Ivoire a vécu des évènements tragiques le 6 novembre 2004, à Bouaké, puis du 9 novembre 2004, à Abidjan, où la Force militaire française de la Licorne a été indexée d’avoir pris part, ou impliquée. À Abidjan, les soldats français ont massacré des manifestants, qu’on appelait les jeunes patriotes, sur le boulevard André Latrille, qui commence à partir de l’hôtel Ivoire de Cocody. Souvenez-vous-en. N’ayons pas la mémoire courte.
Ces évènements n’ont pourtant pas eu, au jour d’aujourd’hui, suffisamment d’éclairage…
Oui, et c’est à dessein, que la France, alors gouvernée par Jacques Chirac, n’avait pas voulu rétablir les faits et situer les vraies responsabilités. L’enquête sur cette histoire a longtemps piétiné, et la chose est restée dans un flou artistique et grotesque, mais les faits sont dans les mémoires.
Toujours est-il qu’il y a eu, selon plusieurs témoignages, des exactions qui ont été perpétrées par les soldats français de la Licorne. S’il n’y avait pas d’armée française en Côte d’Ivoire, au moment de la rébellion armée ivoirienne, jamais ce drame n’aurait eu lieu.
Ensuite, il y a eu les évènements d’avril 2011, à Abidjan, toujours perpétrés par l’armée française, selon d’autres sources, c’en est trop. C’est pourquoi nous exigeons le départ total et global de cette armée française d’invasion et d’occupation.