Par Yann Dominique N’guessan/afriquematin.net
Les locaux de la salle des pas perdus mitoyens à la résidence du maire de la commune de Bingerville, Beugré Djoman ont servi de cadre le mardi dernier à une rencontre initiée par les populations d’Adjamé-Bingerville. Le but de cette concertation avec le premier magistrat de la cité du futur était de lui rendre compte des résolutions d’un séminaire organisé le lundi dernier au ministère de la Construction et de l’Urbanisme. Séminaire au cours duquel, des débats houleux ont survenu et entrepris entre les représentants du ministère et la délégation villageoise. Ces points d’achoppement concernaient des travaux d’aménagement effectués sur des sites privés, travaux pour lesquels ils disent ne pas connaitre l’origine des accords d’exécution. Leur mécontentement s’est attisé lorsqu’à leur grand étonnement, on leur tend des chèques sous le fallacieux prétexte d’une certaine indemnisation relative à ces travaux d’aménagement sur ces sites villageois qui appartiennent à des familles. En sa qualité de porte-parole des séminaristes, Aké Beugré Moise a, au nom de la délégation, sollicité le Maire d’être à son tour leur porte-parole auprès des autorités compétentes dans l’optique de trouver des solutions à ce problème qu’on peut qualifier d’expropriation de biens privés et au bénéfice d’un tiers commis par le Ministère de la Construction et de l’Urbanisme. « Nous sommes venus- chez l’autorité principale, le maire Beugré Djoman pour lui faire état des résolutions d’un semblant de séminaire organisé par le ministère de la Construction et de l’Urbanisme », fait savoir d’entrée Beugré Moise. Poursuivant sur sa lancée, le mandaté a ajouté que « les séminaristes ont été désagréablement surpris, lorsqu’ils ont été invités à rentrer en possession de chèques ». Pourquoi des chèques ? Se sont-ils interrogés. Roquembolesque, peut-on qualifier la suite de cette histoire. Aké Beugré Moise, sans détours a été on ne peut plus claire. « Nous avons été désagréablement surpris lors de cette rencontre avec les envoyés du ministre Sanogo Mamadou. Ces sites qui s’étendent sur une superficie de 400 ha appartiennent à des familles bien définies et non à des communautés et ils ne sont pas gérés par le chef du village », précise-t-il. Et de poursuivre que « nous avons appris à notre grand étonnement qu’un certain Traoré Méfoua, ses éléments et en soutien Koffi Eugène étaient dans nos plantations. Mécontents, nous avons été convoqués au ministère en présence de N’guessan Barthélemy, le directeur général de l’Urbanisme et Mme Bamba le Dircab adjoint. Après des échanges, nous nous sommes opposés sur les thèmes arrêtés. Nous nous sommes dit que si l’Etat doit prendre le mètre carré à 2000Fcfa, cela nous étonnerait, parce qu’ils ont montré des décrets qui datent de 1932, nous indiquant que la terre appartient à l’Etat. Nous ne doutons pas de cette prorogative, mais nous pensons que l’Etat, c’est nous tous. Maintenant s’il y a lieu d’entreprendre quelque chose, il faut s’adresser au moins aux propriétaires fonciers.
Abidjan est une vitrine dit-on. Il y a que nos terres qui nous restent comme biens immobiliers. Même s’il y a lieu de s’accaparer de nos terres, il y a quand même la manière. On ne peut pas nous payer le mètre carré à 2000F et après aménagement on le revend à 45.000Fcfa. Nous répétons que le chef du village Agbo Honoré n’est pas habilité à gérer ces sites de biens privés. Nous l’avons signifié à N’guessan Barthélemy, le directeur général de l’Urbanisme et à Mme Bamba, Dircab adjoint le 28 juin 2016, lors d’une concertation. Ils nous ont fait comprendre qu’ils ont pris des sites à Adjamé Bingerville. En réponse à cette provocation, nous leur avons répondu que « c’est bien d’être en possession de sites, mais avec qui avez-vous pris ces sites ? Parce les sites que vous venez d’occuper appartiennent à des familles ». Ils ont répondu qu’ils ont eu des séances de travail avec le chef de village Agbo Honoré. Approché à son tour ce dernier leur a fait savoir que ces sites n’appartiennent pas à la communauté villageoise, mais plutôt aux familles. Par conséquent chaque chef de famille est responsable de son site. Pour tout dire, nous demandons qu’une commission quadripartite soit mise en place composée de la mairie, de la sous préfecture, du ministère de l’Economie et des Finances et des chefs coutumiers afin de discuter pour trouver une solution. Le recensement a dénombré plus de quarante sept familles qui sont expropriées de leurs biens.
Quant à Danho Koudjé, un cadre et fils du village, tout éberlué déclare « qu’il nous est opposé l’argument suivant que ces aménagements rentrent dans le cadre d’utilité publique ». L’on parle de cadre d’utilité publique, « mais un cadre d’utilité publique doit concerner naturellement que les routes, les dispensaires, les écoles », fait-il savoir. « Nous pensons que c’est sur ce chapitre que doivent porter les purges de droits coutumiers », a-t-il ajouté. Danho Koudjé fait également remarquer que « si c’est 2000F, que l’Etat dit qu’il paye pour les purges de droits coutumiers, c’est la loi, mais on peut toujours négocier », plaide-t-il. « Même avant d’en arriver là, il y a une commission qui doit être constituée comportant un représentant du ministère de la Construction et de l’Urbanisme, un représentant du ministère de l’Economie et des Finances, un représentant du ministère de l’Intérieur, un représentant du maire de la localité et un représentant des détenteurs des droits coutumiers. Et cette commission doit travailler, faire les délimitations, voire recenser les propriétaires terriens, les plans qui se trouvent sur ces parcelles et se mettre d’accord sur les conditions d’exécution de ce projet avant que ce projet ne démarre. Et si les droits coutumiers doivent être purgés, je pense que c’est le ministère de l’Economie et des Finances qui s’en charge. Or là, il me semble que c’est une affaire d’intérêt privé, puisque ces terres sont prises et vendues à des opérateurs privés qui par la suite, après aménagement, ces terres ne couteraient pas moins de 25.000Fcfa le mètre carré et que les purges ont été réglées, selon le ministre Sanogo Mamadou dans une interview accordée dans un quotidien de la place. Nous sommes -surpris de cette annonce ; parce que nous n’avons pas été associés ni de près ni de loin à cette opération. Nous avons l’impression que c’est une réquisition en bonne et due forme de nos terres. Nous reconnaissons le travail qui est en train de se faire qui profite et à l’Etat de Côte d’Ivoire et aux propriétaires terriens et aux aménageurs. Au demeurant, il faut que chacun y trouve son compte, surtout que la communauté à laquelle nous appartenons n’a que sa terre pour espérer survivre. Si on doit s’en parer de nos terres à 2.000Fcfa et les revendre à 45.000F cfa, où allons-nous ? Nous sommes tous d’accord pour contribuer à la réussite de tout projet relatif au social, mais de grâce, que cela ne se fasse pas à nos dépends. L’émergence dont on parle tant doit profiter aux citoyens. Nous avons le sentiment que ce sont des intérêts privés qui sont en jeu- par le truchement du ministère de la Construction et de l’Urbanisme. La vie n’est pas faite que de rapport de force. S’ils sont autorités, ils le sont pour notre bien, pour le bonheur de tous et de chacun. C’est la détresse totale au sein de cette population d’Adjamé-Bingerville ». Confie-t-il avec amertume.