Le nouveau film de Gilles Legrand, L’Odeur de la Mandarine en salles ce 30 septembre, aborde l’état de deuil. Angèle, campée par Georgia Scalliet ne se remet pas du décès de son compagnon et a du mal à construire sa vie avec un autre homme. Parce que nous savons que c’est un sujet qui peut concerner un grand nombre d’entre nous, nous avons interrogé Marie-Noëlle Chaban, conseillère conjugale et familiale, thérapeute de couple et sexologue afin d’avoir ses conseils.
La perte d’un être cher est une étape difficile, pouvez-vous nous expliquer pourquoi?
La perte quelle qu’elle soit renvoie bien sûr à un sentiment d’incomplétude : « qui suis-je sans l’autre, comment vais-je pouvoir continuer à exister sans lui, sans elle? « . Cela touche aussi à l’identité, de ne plus se sentir exister à travers le prisme social, qui reconnaît le couple comme une entité. Le sentiment d’appartenance à un couple renforce bien sûr un sentiment de sécurité qui se trouve ici mis à mal, voire complètement détruit sur le moment… Et puis, en fonction du sentiment de sécurité plus ou moins installé lié à un profil d’attachement plus ou moins sécure dans l’enfance, la perte peut être vécue comme un raz de marée, un tsunami qui vient réactiver d’anciennes souffrances, d’anciennes pertes parfois liées à un sentiment d’abandon ancien…
Cependant il faut différencier la perte de l’autre dans le cadre d’une séparation, et la mort de l’être cher. Les personnes endeuillées en témoignent par ce « plus jamais », cet arrachement, ce sentiment d’injustice profond car aucun des deux ne l’a voulu, contrairement à la séparation pour cause de désamour, où l’un des deux souhaite se désengager… Et pour s’aimer il faut être deux…
Auriez-vous des conseils pour pouvoir surmonter cette épreuve ?
Ne pas rester seul-e-, se faire accompagner, ou individuellement par un professionnel formé sur ces questions, et doué d’une grande empathie; ou bien par le biais d’un groupe d’entraide avec des personnes vivant une situation similaire. Et puis, rencontrer plutôt des ami-e-s seuls ou célibataires, pas des couples… Et ne pas écouter tous les « bons » conseils qui fusent de toute part et qui ajoutent souvent à la confusion et au sentiment d’être perdu, de ne pas se sentir compris, écouté…et entendu !
Quelles sont les phases obligatoires par lesquelles on va passer lorsque l’on perd quelqu’un qu’on aime ?
Face à une perte, existent des réactions normales et nécessaires au processus de deuil. Que ce soit dans la rupture amoureuse et/ou conjugale, on observe toujours les mêmes phases ou étapes de cette traversée douloureuse… Tout d’abord la sidération face à l’annonce, qui « gèle » un peu et anesthésie le choc et le traumatisme initial et permet de ne pas disjoncter, avec ensuite un déni « ce n’est pas possible, pas à moi, pas à nous ! ».
Puis viendront les phases de colère, nécessaires pour se détacher, se distancier, les phases de dépression, où la vie semble ne plus avoir de sens, puis de régression parfois vers un état infantile avec un repli sur soi, voire une sacralisation de la douleur, la souffrance représentant un nouvel état presque délectable dans lequel se laisser couler… pour aller, en traversant ces phases plus ou moins linéaires vers une phase de progressive reconstruction, de soi, de sa nouvelle vie, avec d’autres centres d’intérêt, un nouveau réseau amical, parfois professionnel, et la plupart du temps un sentiment renforcé de confiance en soi et d’envie de vivre encore plus intensément, dans une reconstruction laissant émerger de nouvelles ressources…
Comment se remet-on d’une telle perte ? Comment se reconstruire ?
Il n’y a pas de recettes mais l’idée serait de s’appuyer sur toutes ces ressources dont chacun est porteur, l’être humain ayant des capacités de résilience (et Boris Cyrulnik entre autres l’a démontré) qui lui permettent de faire face à de nombreux traumatismes, la perte d’un être cher en est un bien sûr…
La reconstruction passe par la ré-appropriation de soi, la découverte de qui l’on est, le plaisir aussi qu’on s’interdisait avant de vivre sans contraintes ni comptes à rendre, l’autorisation que l’on se donne d’être soi…
Au contraire, que faut il ne surtout pas faire ?
Se replier, vivre uniquement dans et avec le passé, et, s’il s’agit d’une séparation de couple, il faut considérer qu’il s’agit d’une responsabilité des deux, et qu’il n’y a ni victime ni coupable, juste une alchimie qui ne se fait plus, une histoire qui se termine et va permettre d’aller vers une autre page de sa vie…
source: aufeminin.com